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En préparation depuis près de quatre ans, le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » initié par l'association ATD-Quart Monde a franchi une nouvelle étape le 9 décembre. Après les avis favorables du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Conseil d'Etat, la proposition de loi d'expérimentation territoriale vient être adoptée par les députés de tous bords. Elle doit permettre de lancer le projet dans dix territoires, courant 2016. Le texte est porté par un député socialiste dans le cadre d'une procédure accélérée. Il doit passer devant le Sénat le 13 janvier.
Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » propose d'inverser la dynamique à l'œuvre depuis près de 30 ans dans les politiques de lutte contre le chômage. Car, ici, il ne s'agit plus de proposer aux demandeurs d'emploi des outils grâce auxquels il seraient susceptibles de mieux s'adapter au marché de l'emploi. Mais plutôt de créer des emplois en fonction de leurs compétences – au-delà des qualifications –, de leurs possibilités – mobilité, temps de travail… –, mais aussi de leur envie en partant du principe qu'un travail dans lequel une personne peut s'épanouir lui offre un avenir professionnel plus durable.
Utopie ? Non, répond Patrick Valentin, co-animateur du réseau Emploi-Formation au sein de l'association qui a reçu le soutien d'autres associations nationales (Emmaüs, Secours catholiques, Fnars, etc). « Personne n'est inemployable », insiste-t-il d'abord, considérant que ce sont les conditions de l'emploi qui sont la première cause du maintien de certaines personnes dans le chômage.
Sur le terrain, cibler toute la gamme des travaux utiles
Par ailleurs, et ce sont les observations réalisées sur le terrain qui lui permettent de l'affirmer, « il y a beaucoup plus de travaux utiles et adaptés à leurs compétences qu'ils ne sont de demandeurs d'emploi pour y répondre ».
Pour illustrer cela, l'homme évoque par exemple la tournée de pain dont le boulanger en milieu rural aurait besoin pour répondre à la demande d'une clientèle qui ne peut pas se déplacer tous les matins dans sa boutique.
Il prend aussi l'exemple d'une commune qui possède un étang, à proximité immédiate d'un axe de circulation important, autour duquel de nombreux emplois pourraient être créés afin de réaménager les lieux et d'en faire une étape de repos pour les voyageurs.
Ne pas entrer en concurrence avec des emplois existants
La condition toutefois pour créer ces emplois, c'est qu'ils n'entrent pas en concurrence avec des emplois existants. En d'autres termes, ces emplois dits « complémentaires » sont des emplois utiles à tout ou partie de la communauté locale. Pour autant, leur valeur marchande, réelle, reste insuffisante au regard des critères de rentabilité du marché.
« J'ai rencontré des cultivateurs qui expliquent que ça leur coûte trop cher de nettoyer les routes goudronnées qu'ils ont lourdement salies avec leurs tracteurs en hiver. Alors qu'ils en ont l'obligation légale, ils ne le font pas, illustre encore une fois Patrick Valentin. Dans le même village, il y a des chômeurs de longue durée qui veulent travailler. Alors, pourquoi ne pas leur confier ce travail d'entretien ? »
Dans le projet d'ATD, chaque territoire zéro chômage comportera un comité local de l'emploi qui veillera à ce que les emplois créés respectent cette règle de non concurrence.
Temps plein ou temps partiel, salaire à la clé
Ce projet innovant ne vise pas non plus à « mettre au travail les chômeurs » comme certains le prônent au travers d'heures d'intérêt général. Les emplois créés, à temps plein ou temps partiel, selon ce que souhaiteront les principaux intéressés seront payés en salaire, avec cotisations sociales à la clé.
La question qui se pose alors est celle de l'argent. Puisque par nature, les travaux assurés ne sont pas assez rentables, comment pourraient-ils financer alors des emplois ?
Sur ce point, les promoteurs du projet le martèlent sans cesse : « De l'argent, il y en a ! »
ATD-Quart Monde s'est prêté à l'exercice complexe de l'évaluation du « coût chômage ». Selon une étude approfondie ((L’étude conduite par Patrick Valentin pour ATD-Quart Monde.)), il en coûterait au bas mot 15 000 euros par an et par chômeur aux pouvoirs publics. Cette somme inclut les dépenses réelles mais aussi le coût du manque à gagner lié au maintien de personnes dans la précarité du chômage de longue durée (ex. : perte de TVA liée à la faible consommation de ces populations).
Créer localement des entreprises d'économie sociale et solidaire
Le pari de l'association et de ses partenaires locaux est de transférer cet argent à des entreprises d'économie sociale et solidaire créées pour l'occasion, pour financer ces emplois utiles qui, eux-mêmes, ont vocation à générer quelques recettes.
Dans leur projet « idéal », l'Unedic verserait elle-même une partie de ses ressources pour financer ces emplois, plutôt que financer des allocations. Mais ce transfert qui dépend du bon vouloir de l'organisme paritaire n'est toutefois pas encore à l'ordre du jour.
Pour l'heure, la proposition de loi d'expérimentation territoriale((La proposition de loi.)) prévoit le financement de la première phase d'expérimentation – maximum cinq ans – par un fonds national abondé principalement par l'Etat et les collectivités territoriales concernées.
« Ensuite, nous espérons, au bout de 3 ans, parvenir à obtenir des fonds auprès des dispositifs et organismes qui gagneront à perdre des bénéficiaires », explique Laurent Grandguillaume, député socialiste de Côte-d'Or qui défend la proposition de loi.
Celle-ci définit le cadre de l'expérimentation, de sa gouvernance – « tous les membres du conseil d'administration du Fonds d'expérimentation seront bénévoles pour limiter les dépenses de fonctionnement », insiste le député – et de son évaluation.
Cinq territoires prêts à lancer l’expérimentation
[caption id="attachment_57349" align="alignleft" width="380"] Dans le Nord, en Ille-et-Vilaine, Meurthe-et-Moselle, Deux-Sèvres, Nièvre, Côte-d’Or, Gironde, Rhône et dans les Bouches-du-Rhône, notamment, des territoires sont d'ores et déjà prêts à entrer en expérimentation.[/caption]
Si la loi est adoptée, le fonds lancera un appel à candidatures pour sélectionner dix territoires de taille réduite. De nombreuses communes ou intercommunalités rurales sont actuellement mobilisées politiquement, techniquement et financièrement auprès d'ADT-Quart Monde.
D'ores et déjà, cinq territoires sont prêts à lancer l'expérimentation, mobilisant les élus locaux, des services publics, associations et organismes sociaux. Les potentiels nouveaux salariés et emplois utiles y ont été repérés après une analyse des compétences des demandeurs d'emploi et des besoins locaux. Quatre autres territoires engagés sont moins avancés mais figureront en bonne place pour entrer dans le champ de l'expérimentation.
Le texte devant la Haute Assemblée le 13 janvier. La proposition de loi doit encore passer devant le Sénat le 13 janvier projet. Au regard du vote à l'Assemblée qui a emporté l'adhésion de la gauche comme de la droite, les instigateurs de « Territoire zéro chômage longue durée » sont plutôt confiants et pressés d'entrer dans le vif du sujet.
« On est sur un projet innovant, qu'il s'agisse des modalités, du circuit de financement et du concept lui-même, s'enthousiasme Laurent Grandguillaume. Sans compter qu'en France, expérimenter pendant cinq est en soi une nouveauté. Réussir une expérimentation nécessite du temps. De celle-ci naitront peut-être d'autres projets. »
GAUTIER - 03/11/2017 16h:20
Bonjour,J'ai travaillé en de nombreux secteurs d'activité, tant dans le privé que dans le public avec des périodes de chômage. Actuellement salarié catégorie C de la Fonction Publique Territoriale à la Mairie de St-Brieuc. A 64 ans, j'ai déjà largement dépassé l'age de la retraite et je me demande si je ne vais pas aller jusqu'à 67 ans car mon parcours est bien loin d'être linéaire comme la majorité de mes collègues. J'envisage donc continuer à travailler car je n'ose imaginer quelle sera ma pension. Si je peux bénéficier de 2 années de plus à travailler, cela m'évitera de retomber trop tôt dans la précarité. Peut être avez-vous une proposition à me faire. Je vous remercie, cordialement, Yvon Gautier.
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