Vote des étrangers : Nicolas Sarkozy relance la controverse devant les maires

Lors d'un discours devant près de 3.000 maires réunis à l'Elysée, le chef de l'Etat a relancé, le 23 novembre 2011, la controverse sur le droit de vote des étrangers extra communautaires en France, en jugeant "hasardeuse" une proposition de loi socialiste que le Sénat doit examiner en décembre.


Les réactions

Le chef de l'Etat évoquait une proposition de loi socialiste visant à autoriser les étrangers hors Union européenne résidant en France à voter aux élections municipales. "Une telle proposition me semble hasardeuse", a-t-il dit, "parce qu'elle risque de diviser profondément les Français au moment où, plus que jamais, nous avons besoin de les rassembler".

"Je crois depuis longtemps que le droit de voter et le droit d'être élu dans nos territoires doit demeurer un droit attaché à la nationalité française, étendue pour les élections municipales et européennes aux citoyens européens qui partagent avec nous une communauté de destin", a-t-il ajouté.

"Si une personnalité de nationalité étrangère qui réside dans notre pays, qui respecte nos lois et nos valeurs, veut participer aux choix politiques de notre nation, alors mesdames et messieurs les maires, une voie lui est ouverte, cette voie c'est l'accès à la nationalité française", a-t-il insisté sous les applaudissements d'une salle largement acquise à sa cause.

Contradiction relevée par le groupe SRC

Le groupe SRC (socialiste, radical et citoyen) à l'Assemblée a été le premier à réagir dans un communiqué, rappelant qu'en 2005, Nicolas Sarkozy expliquait dans une interview "qu'il ne serait pas anormal qu'un étranger en situation régulière qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins 10 ans en France, puisse voter aux élections municipales".

"A peu de chose près, c'est exactement le contenu de notre proposition" de loi, ont ajouté les députés socialistes, raillant "la mémoire hasardeuse" du président de la République, qui "comme la girouette change avec le vent".

La présidente du Front national, Marine Le Pen, a elle aussi rebondi sur le qualificatif employé par M. Sarkozy, jugeant "hasardeuses" ses convictions.
"Opposé à une telle extension du droit de vote dans les années 1990, il l'avait publiquement soutenue en 2001 puis en 2005, avant de nouveau de la rejeter. C'est toujours au gré des stratégies électorales et des sondages que Sarkozy se détermine", a fustigé la candidate FN à l'Elysée dans un communiqué.

Pour elle, la position exprimée par le chef de l'Etat devant les maires se résume à : "Si les étrangers veulent voter, ils n'ont qu'à devenir français !" "Et voilà comment en une phrase Sarkozy se montre plus laxiste encore que la gauche", ajoute-t-elle, soulignant qu'il venait "de confirmer aujourd'hui qu'il ne voyait dans la nationalité française qu'une simple formalité administrative".


"Une vieille recette électoraliste" ?

Aujourd'hui, les ressortissants de l'UE peuvent voter en France aux élections municipales et européennes. Dans son projet pour 2012, le PS propose d'étendre ce droit aux étrangers hors-UE pour les "élections locales", sans autre précision. Le candidat François Hollande a précisé depuis que ce droit serait valable "uniquement pour les municipales".

Selon le secrétaire national de l'UMP Bruno Beschizza, "le droit de vote des étrangers est, depuis les 110 propositions de François Mitterrand en 1981, une vieille recette électoraliste socialiste".

François Fillon s'est "opposé de toutes ses forces" le 26 novembre devant des cadres UMP au droit de vote des étrangers. Ce votre doit selon lui passer par l'acquisition de la nationalité française et non correspondre à un "droit de vote à géométrie variable".

"Je m'oppose de toutes mes forces au droit de vote des étrangers aux élections locales que la majorité socialiste du Sénat s'apprête à débattre et à adopter", a déclaré le Premier ministre. Le Premier ministre voit dans l'examen par le Sénat d'une proposition de loi adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin "une sorte d'atteinte à un fonctionnement normal de la démocratie".
"Et il y a plus grave : pour nous, le droit de vote ne se justifie pas par les impôts que l'on paye. C'est le résultat d'une volonté de partager un destin commun, c'est une volonté qui est scellée par l'acquisition de la nationalité française", a estimé M. Fillon, très applaudi.
"Je suis contre les communautarismes, c'est pourquoi je suis contre le droit de vote à géométrie variable", a également prévenu M. Fillon.
Selon lui, le droit de vote des étrangers "tourne le dos à notre tradition d'intégration, et l'intégration signifie que l'étranger qui souhaite jouir de tous les droits civiques est invité à rejoindre pleinement la Nation en devenant citoyen français".

Sondage BVA :
61% des Français favorables au droit de vote des étrangers

Une majorité de Français (61%) est favorable au droit de vote des étrangers non européens aux élections locales, selon un sondage BVA à paraître le 28 novembre dans Le Parisien, alors que le Sénat, à majorité de gauche, doit examiner le 8 décembre 2011 une proposition de loi en ce sens.

A la question seriez-vous pour "étendre" le droit de vote aux élections locales aux étrangers venus de pays non membre de l'UE, "en situation régulière et résidant en France depuis plus de cinq ans?", 61% des personnes interrogées répondent par l'affirmative, 38% par la négative et 1% ne se prononcent pas.
Gaël Sliman (BVA) note que, "sociologiquement, le sujet fait presque l'unanimité". "Cette adhésion est majoritaire (mais à des niveaux très variables) dans la quasi totalité des catégories de population. L'adhésion passe ainsi de 75% auprès des 25-34 ans à 51% auprès des seniors et de 72% auprès des cadres à 60% auprès des ouvriers", relève-t-il.
Il constate en outre que "l'acceptation de ce droit de vote a fortement progressé depuis ces dernières années (+6 points depuis janvier 2010), tout particulièrement auprès des sympathisants de droite (+15 points), même si ceux-ci y restent majoritairement opposés". "Ces derniers étaient seulement 28% à y être favorables en janvier 2010, ils sont à présent 43%", écrit-il.
Gaël Sliman juge que c'est "sans doute là le principal problème pour Nicolas Sarkozy", car "ce sujet est l'un des rares permettant à toute la gauche de se fédérer tout en divisant la droite".
"Ainsi, alors que les sympathisants du NC (58%) à l'instar de ceux du MoDem (63%) sont majoritairement favorables au droit de vote des étrangers, les sympathisants du FN y sont résolument hostiles (61%). Ceux de l'UMP se situent à un niveau intermédiaire : une majorité y est hostile (56%) mais une minorité importante y serait tout de même favorable (43%)", précise-t-il.

Enquête réalisée par téléphone les 25 et 26 novembre 2011, auprès d'un échantillon de 980 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas).

Avec l'AFP

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