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En ces temps de réchauffement climatique et de COP 21, il est urgent d'agir sur la ville et son îlot de chaleur. Les villes ne sont-elles pas responsables de 60 % à 80 % des émissions de gaz à effet de serre ? Un ouvrage consacré aux villes et au changement climatique présente méthodologies novatrices et bonnes pratiques.
Il est bien connu que la température en ville, particulièrement dans la ville dense, est plus élevée que dans la périphérie. Un phénomène dû à divers facteurs : circulation automobile, minéralisation, déficit d’eau et d’espaces verts et naturels, couleur sombre des revêtements…
Le sentiment d’inconfort qui en ressort est amplifié lors des vagues de chaleur qui risquent d’être de plus en plus nombreuses avec le réchauffement climatique.
Savoir-faire oublié
Il fut une, longue, période de l’histoire de l’urbanisme, lorsque les villes savaient composer avec le climat, rappelle l’ouvrage coordonné par Jean-Jacques Terrin, « Villes et changement climatique-Ilots de chaleur urbain ».
L’architecture arabe traditionnelle, en particulier, savait jouer des patios, moucharabiehs, fontaines, jarres poreuses, mais aussi de l’orientation des rues et des protections solaires. Les capteurs de vent iraniens savent renvoyer l’air frais jusqu’au cœur des habitations. Les matériaux utilisés par de nombreux peuples savent garder la fraicheur.
Un savoir-faire largement oublié par la ville moderne. L’ouvrage donne l’exemple du boulevard de l’Acadie à Montréal où, en été, la différence de température entre ses deux rives peut atteindre 6°C ! Privilégiant la voiture, trop confiante dans les moyens technologiques, la ville a abandonné son lien avec ce qui est le plus fondamental dans son environnement, les éléments : air, soleil, eau, vent, ombre…
Avec le réchauffement climatique et la nécessité d’économiser les ressources naturelles non renouvelables, la donne change. Pour le confort des citadins, qui représentent la majorité de la population du globe, et pour respecter les accords de la COP 21. Les villes sont en effet responsables de 60% à 80% des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation de 75% des ressources naturelles.
Il en va aussi de la santé publique. Une hausse d’un degré au-dessus de 30°C augmente de 4,7% les risques de mortalité.
Pas de retour en arrière possible. La ville contemporaine ne peut se concevoir simplement en se réappropriant des savoir-faire ancestraux. Même s’ils sont à reconsidérer. C’est pourquoi l’innovation urbaine est indispensable, pour agir dans trois domaines : l’observation et le monitoring, la mitigation et la réduction des risques, enfin l’adaptation et la prise en considération des opportunités offertes par les nouvelles conditions environnementales.
Mesurer l'îlot de chaleur urbain
Un certain nombre de villes, présentées dans cet ouvrage, se sont lancées dans ces projets. C’est Barcelone qui, en se basant sur des très rigoureuses mesures de l’îlot de chaleur urbain (ICU) afin de pouvoir en comprendre les mécanismes, décide par exemple, de rendre trottoirs et chaussées plus clairs et réfléchissants avec plus de végétation. Mais la ville se garde de tout systématisme. Sa méthode d’analyse du terrain lui permet d’évaluer au mieux les coûts-bénéfices de ses décisions.
C’est Rennes qui anticipe les usages d’une ville au climat transformé : les nuits douces feraient évoluer la vie nocturne alors que la chaleur diurne rendrait infréquentables certains lieux trop exposés. « Ville-archipel », elle veille à préserver une agriculture de proximité et des espaces naturels fragiles. Elle réfléchit à une morphologie urbaine intégrant l’ICU.
Ville blanche, verte et bleue
Finalement, toutes les stratégies urbaines se traduisent par une ville blanche, verte et bleue. Blanche, pour renvoyer les radiations. Verte, pour les ombrages et le rafraîchissement des espaces plantés. Bleue pour exploiter le pouvoir rafraîchissant de l’humidité s’évaporant. Aboutissant ainsi à une ville bioclimatique.
Les concepteurs de la ville ne peuvent désormais plus s’affranchir d’un minimum de rigueur scientifique pour comprendre les mécanismes du réchauffement et les moyens de le limiter. Matériaux, orientation, végétation, réseau hydrique, climatologie urbaine sont à prendre en compte.
La recherche et l’observation sont donc des étapes indispensables. La France est d’ailleurs dotée de plusieurs programmes de recherche et d’observation. Mais il existe également un enjeu de formation des techniciens des collectivités, des décideurs, des urbanistes à ce qu’est l’îlot de chaleur urbain afin de pouvoir mettre en place des plans d’action efficaces.