Ville et voiture, biblio
Le règne sans partage de la voiture sur la ville est achevée. Elle doit désormais partager l’espace avec les marcheurs et de nombreux autres modes de déplacements, traditionnels ou à venir. Parallèlement, les échelles de la ville aussi changent, débordant des centres-villes pour conquérir les grands espaces. Autant de données qui imposent une nouvelle réflexion sur la place de la voiture en ville, abordée dans un ouvrage riche de pistes novatrices.
Le « peak oil » n’est pas arrivé. Par contre, le « peak voiture » commence à se faire sentir dans nombre de villes occidentales. La réduction de l’usage de la voiture ne correspond pourtant pas à une baisse des mobilités. Ce qui signifie que les modes de déplacements se diversifient et que les urbains deviennent multimodaux. Une évolution qui n’est pas sans impact sur les mutations de la ville et ses rapports avec l’automobile.
Des transports inclassables
Comme le souligne l’ouvrage « Ville et voiture », la ville du XXe siècle a été façonnée en partie par la voiture et pour la voiture. La ville du XXIe siècle, elle, cherche à reconquérir ses espaces publics, à les requalifier. Et cela d’autant plus qu’elle se veut plus dense.
D’où une nouvelle réflexion sur la place de la voiture, mais également sur son évolution technologique, qui aura nécessairement des répercussions sur la ville.
La voiture électrique, si elle se généralise, posera le problème des points de recharge et ne résoudra pas le problème de l’encombrement de l’espace. De nouveaux modes de transport inclassables apparaissent : gyropodes, Twizy, trottinettes de tous genres, vélos électriques ; mais aussi covoiturage...
Autant de dispositifs qui s’insèrent dans la chaîne de mobilité et qui ouvrent ce que David Mangin appelle, dans l’ouvrage, l’âge III des réseaux, celui de « l’éco-mobilité et sa capacité à réorganiser physiquement comme immatériellement les milieux urbains ».
Trois types de ville
L’ouvrage propose l’analyse de cas concrets, organisés en trois types de villes.
- La ville consolidée. Constituée autour d’espaces publics, elle ne se limite pas à la ville historique. Elle se rencontre dans la ville centre et des morceaux de villes ou villages en périphérie de la ville centre. Cette ville doit être rendue "marchable", en travaillant projet urbain et projet de mobilité en même temps, comme ont su le faire Montpellier, Strasbourg, Nice ou Lund en Suède.
- La ville intermédiaire. Hétérogène, elle se définit dans son rapport à la voiture et la mobilité. Elle se situe entre l’espace soigné de la ville historique et le laisser-faire du grand territoire. Les tissus qui la constituent sont plastiques, fortement impactés par les infrastructures.
Elle est caractérisée par un fort taux de motorisation. L’espace y a d’ailleurs été dessiné pour et par la voiture. C’est là que les plus grands changements sont possibles, les opportunités multiples afin de restituer de l’urbanité. C’est le sens du travail sur une cité transfrontalière, entre Strasbourg et Kehl, sur l’ouest Lausannois, mais aussi sur les voies sur berges de Seine à Paris.
C’est aussi le lieu d’une réflexion fine sur tous les espaces de transition et leur réintégration dans la ville (couverture des voies rapides, passerelles piétonnes, ouverture des quartiers enclavés). - La ville territoire, enfin, est caractérisée par la discontinuité et la dispersion. Seul un projet politique la fait exister. Aux portes de Paris, c’est le cas du triangle de Gonesse et d’un certain nombre d’espaces du Grand Paris.
La réflexion sur la ville territoire est encore peu avancée tant elle semble vouée à l’automobile. Les scénarios sur les espaces métropolitains butent sur les problèmes de financement et de gouvernance.
Daniel Delaveau, ancien président de Rennes-Métropole, met en garde contre les réflexes "communalistes" et plaide pour qu’institutions et outils de gouvernance soient à la bonne échelle.
La fin du règne incontesté de la voiture permet donc des expérimentations à toutes les échelles, impose de changer de modèle, de décloisonner les logiques sectorielles afin de rapprocher transport et urbanisme, de casser les automatismes du raisonnement routier, d'élargir les études d'impact au-delà l'objet propre d'un investissement...
Cet ouvrage fournit de nombreuses pistes, théoriques et pratiques, pour renouveler la pensée. Et donc la ville.