© M. Kis
Le pavillon avec jardin a-t-il encore un avenir, à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique et du « Zéro artificialisation nette » auquel seront bientôt soumis les aménageurs et maires-bâtisseurs ? Oui, selon La Fabrique de la Cité et Vincent Le Rouzic, qui estiment que cet idéal français peut parfaitement se concilier avec la nécessaire sobriété foncière. Tour d’horizon des marges de manœuvres et pistes existant pour réussir (enfin) à articuler les enjeux écologiques, économiques et sociaux dans les politiques de l’habitat.
Et si l'année 2022 – marquée à la fois par la liquidation judiciaire du constructeur des maisons Phénix et la prise de conscience progressive liée à la mise en place du ZAN – représentait un « tournant » pour les politiques d'aménagement et du logement ? C'est la thèse développée par Vincent Le Rouzic, tout au long d’une courte note parue fin janvier pour La Fabrique de la Cité. Sans doute les esprits n’étaient-ils pas assez mûrs, jusqu'à peu, pour prononcer laconiquement la sentence de mort à l’encontre de la « Maison individuelle avec jardin. » Le nouveau directeur des études de ce think-tank adossé à Vinci en convient lui-même. L’ancienne ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, qui avait ne serait-ce que poser le sujet sur la table fin 2021 en pleine campagne présidentielle, en avait d’ailleurs fait les frais.
Mais voilà, les temps ont changé. Un sondage commandé par La Fabrique de la Cité fait ressortir la légitimité du ZAN : 88% des sondés estiment important de protéger plus activement les sols, voire prioritaire (59%). De quoi permettre, en théorie du moins, de faire entendre à la population française que « le logement est la première source d’artificialisation des sols », responsable d'environ 70% de la bétonisation des terres agricoles au cours des dix dernières années.
Les jardins, espaces artificialisés et « levier de densification »
Dans ce contexte nouveau, et même si nos concitoyens demeurent dans le même temps particulièrement attachés à la maison individuelle avec jardin, la réflexion sur le devenir de ce modèle d'habitat devient inéluctable aux yeux de Vincent Le Rouzic. Et nul besoin, pour s’assurer que le débat ait bien lieu et parvenir à réconcilier tant bien que mal des « aspirations en apparence contradictoires », de caricaturer à l’extrême le « pavillon » du « périurbain » abondamment stigmatisé par un certain courant de pensée socio-urbanistique… La question mérite d’être abordée, selon lui, dans toute sa complexité économique, politique et règlementaire.
L’un des points-clés de l’argumentation développée dans la note réside dans le détail des modalités de calcul de l’artificialisation des sols, qui englobe le bâti bien évidemment mais aussi l’ensemble des espaces verts inclus dans les parcelles privées. Atout inhérent du modèle pavillonnaire, les jardins font ainsi figure d’espaces artificialisés au même titre que la maison individuelle et ses fondations, rappelle M. Le Rouzic. Y voyant un « puissant levier de densification », celui qui militait jusqu’à peu en faveur des organismes fonciers solidaires (OFS) propose de les diviser, afin que les aménageurs puissent y de construire de nouveaux logements.
Coup de pression sur les professionnels de l’immobilier
Le Creusot-Montceau, Nevers ou Périgueux ont déjà expérimenté cette densification douce à travers la démarche « BIMBY ». A côté de l’impérieuse rénovation du parc de logements existants, cette technique pourrait permettre de perpétuer l’« idéal » de la maison individuelle en le conjuguant avec une plus grande sobriété foncière. Preuves à l’appui : Vincent Le Rouzic ressort le sondage précédent adossé à cette note.
Il serait tolérable de réduire la taille moyenne des terrains – d'une superficie de 947m² actuellement – à moins de 500m², aux yeux de 71% des adeptes des maisons individuelles. Seuls 12% des sondés déclarent vouloir un grand jardin de plus de 500m², et 8% un très grand jardin supérieur à 1000m². La balle est désormais dans le camp des professionnels de la construction des maisons individuelles. Charge à eux de revoir les produits proposés à la population française !
Au-delà de la maison individuelle, de nombreux compromis acceptables
Autre piste avancée par le responsable des études de La Fabrique de la Cité : cesser d’opposer l’habitat individuel au logement collectif comme c’est encore régulièrement le cas aujourd'hui, mais en faire plutôt un « continuum ». Habitat participatif, petites copropriétés plus ou moins horizontales, petits collectifs avec espaces extérieurs privatifs… De multiples formes intermédiaires se développent à la lisière de ces deux modèles les plus couramment acceptés. Qui représentent autant de solutions acceptables, selon M. Le Rouzic, pour accélérer la lutte contre l’artificialisation des sols et le réchauffement climatique, sans générer une levée de boucliers de la part des tenants de la maison individuelle avec jardin.