Le président de l'Association des maires ruraux,Vanik BERBERIAN, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), revient sur le rôle des communes rurales dans la construction économique, sociale et environnementale du pays. Il donne sa vision du prochain acte de décentralisation, avant le Congrès d'octobre de l'AMRF.

"Le territoire français ne se résume pas à l'urbain"
Le Courrier des maires : quelle est la situation du monde rural ?
Vanik Berberian. Le désengagement de l'Etat, avec la RGPP [révision générale des politiques publiques] notamment, et l'absence de reconnaissance du fait rural rendent particulièrement difficile l'exercice du mandat de maire aujourd'hui. Nous manquons de moyens, de temps... Alors que les besoins sont considérables. Dès lors, certaines situations sont insupportables, comme l'écart, dans l'attribution des dotations de l'Etat, entre les zones rurales et les zones urbaines. Un urbain perçoit deux fois plus qu’un rural, que ce soit au niveau communal ou intercommunal. Rien ne le justifie.
Pendant longtemps, on a considéré les territoires ruraux comme des pourvoyeurs de chlorophylle, et les villes comme les seuls lieux d'un développement économique possible. Mais on s'aperçoit que la concentration de l'activité et de l'habitat dans les pôles urbains a un coût social, économique, humain et environnemental. Il faut revoir complètement l'aménagement des territoires, en pensant à la complémentarité des espaces et en considérant les territoires ruraux comme des lieux où beaucoup de choses sont à imaginer.
Vous avez choisi d'intituler votre congrès 2012 "Le rural au secours de l'urbain" en matière de logement et d'urbanisme. Pourquoi ?
— V. Berberian. Cet intitulé peut sembler un petit peu provocateur, mais il ne l'est pas tant que cela, en réalité. Pour rationaliser son développement, la ville doit réinvestir les espaces qui lui sont propres, par, notamment, la rénovation urbaine. Mais cela ne suffit pas, car l'entassement de la population n'est pas une solution. Il faudra de l'espace pour nourrir et loger une population croissante. "Les territoires disponibles sont les territoires périurbains et ruraux." Ce n'est pas pour rien que, dans les débats sur les cartes intercommunales, les intercommunalités louchent sur nos territoires. Le rural a non seulement de l'espace, mais aussi une autre approche du fonctionnement en société, fondée sur la proximité. Nos concitoyens sont à la recherche d'un mode de vie plus humanisé. Les chiffres de l'Insee le montrent : il existe un regain d'intérêt pour les territoires ruraux. Répondre à cette demande implique d'accompagner les territoires ruraux dans l'accueil des nouvelles populations. Si l'on ne veut pas que ces communes rurales ou périurbaines se transforment en dortoirs, il faut des infrastructures, des écoles, des services publics de proximité, des espaces de loisirs...
Quelles sont les priorités en ce sens ?
— V. Berberian. La mobilité et le haut-débit sont en haut de la liste des priorités. Le prix de l'essence est très élevé, mais nous n'avons pas le choix. Nous ne demandons pas des tramways dans les campagnes. Mais il faut trouver des moyens de développer la mobilité.
Nous en voulons à la SNCF, qui a pris la mauvaise habitude de fermer les gares secondaires. La SNCF fait circuler des trains, mais ne sait pas transporter les gens. "La mobilité et le haut-débit sont en haut de la liste." Ensuite, contrairement aux idées reçues, le rural a une grande créativité et une forte capacité d'innovation économique et sociale. Or, là encore, nous sommes pénalisés par rapport à l'urbain.
L'autre jour, à Paris, j'ai vu une publicité qui annonçait "bientôt la 4G dans le métro". Mais où est la priorité ? Les souterrains du métro ou la montée en débit de zones où même la 3G n'est pas toujours accessible ? Dans les zones rurales, la montée en débit se retrouve à la charge des collectivités. Compte tenu de leurs moyens, il y a fort à craindre que l'arrivée du très haut débit soit remise aux calendes grecques. Or, le haut débit est incontournable dans tous les domaines d'activité : la santé, l'éducation, le soutien à l’économie et son développement.
Pour le prochain acte de décentralisation, que préconisez-vous ?
— V. Berberian. Il existe trois niveaux de collectivités : la commune, le département et la région. Tout le reste, ce sont des outils. Ce qu'il faut, c'est clarifier les compétences, mais de manière intelligente, avec une organisation qui réponde aux spécificités des territoires et qui ne cherche pas à mettre le même costume à tout le monde.
Des chefs de file, pourquoi pas ? Mais il faut entrer dans les détails des compétences, par thèmes, et permettre ensuite aux acteurs de ces "files" de décider collectivement de l'échelon le mieux adapté pour les uns et les autres en fonction du contexte local.
Quant à l'Etat, on attend de lui qu'il se déleste des compétences qu'il traite mal ou de façon trop onéreuse. Mais aussi qu'il assure l'égalité territoriale.
Finances et décentralisation : les motions de l'AMRF
Le 7 octobre, pendant son congrès (*), l'Association des maires ruraux de France a adopté deux motions:
— dans la première, Les maires ruraux de France font cause Communes, elle s'oppose à la création d'un 4e échelon territorial, que serait l'intercommunalité.
— dans la seconde motion, Finances locales, établir l'égalité républicaine, l'association dénonce les écarts "insupportables" entre collectivités rurales et urbaines.
(*) Congrès national des maires ruraux, du 6 au 10 octobre 2012, à Saint-Laurent (Lot-et-Garonne).
Pour aller plus loin
- Vers un "Pacte national pour les territoires ", contribution des maires ruraux aux Etats généraux de la démocratie territoriale.
Photo : © Paroles d'élus