La valeur agricole des terres ou la richesse du sol ou du sous-sol ne sont pas les seuls critères de classement des parcelles.
Par cet arrêt du 9 décembre 2011, « M. Benet et Mme Joussan » (n° 341274) qui sera publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à la rédaction des documents d’urbanisme.
Le litige
Les requérants demandaient l’annulation de l’arrêt n° 08MA02052 du 7 mai 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur requête. Celle-ci tendait, d’une part, à l’annulation du jugement du 14 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande dirigée contre l’arrêté du 19 juillet 2001 par lequel le préfet de l’Aude a accordé à la société la Compagnie du Vent un permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien sur le territoire de la commune de Névian. D’autre part, à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
Les dispositions applicables
Aux termes de l’article R.123-18 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « Les zones naturelles (…) comprennent en tant que de besoin : (…) / c) Les zones de richesses naturelles, dites zones NC, à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol (…) ».
L’apport principal de l’arrêt
Il résulte des termes mêmes des dispositions de l’article R.123-18 du Code de l’urbanisme que la valeur agricole des terres ou la richesse du sol ou du sous-sol ne sont pas les seuls critères qui puissent être pris en compte pour le classement de parcelles dans une zone de richesses naturelles. Et que d’autres critères peuvent être retenus pour autant qu’ils reposent sur la richesse naturelle des lieux ; en estimant que l’exposition au vent pouvait ainsi être retenue comme critère pris en compte pour le classement en zone naturelle, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit.
Les autres enseignements
Les dispositions de l’article R.123-18 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, n’interdisent pas que le règlement d’un plan d’occupation des sols autorise la construction d’éoliennes en zone naturelle. En estimant que la création au sein de la zone NC d’un secteur NCe à vocation d’énergie éolienne où peuvent être construits des ouvrages de production d’énergie éolienne ne méconnaissait pas les dispositions de cet article, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. Le règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Névian définit une zone NC, zone de richesse naturelle principalement à vocation agricole divisée en cinq secteurs dont un secteur NCe à vocation d’énergie éolienne ; ce faisant, les auteurs du règlement du plan d’occupation des sols (POS) ont nécessairement entendu faire échapper ce secteur aux règles générales de la zone NC manifestement incompatibles avec l’implantation des éoliennes comme celle de l’article NC10 limitant la hauteur des constructions à huit mètres cinquante.
En revanche l’article NC7 de ce règlement, relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, dispose que la distance comptée horizontalement de tout point d’une construction au point le plus bas et le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la différence d’altitude entre ces deux points sans être inférieure à 3 mètres ; aucune disposition du règlement n’écarte l’application de cet article au secteur NCe.
Ainsi, en jugeant que les auteurs du règlement du plan avaient entendu faire échapper aussi le secteur NCe aux règles de prospect de l’article NC7 qui ne sont pas incompatibles avec l’implantation des éoliennes, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’erreur de droit.
Commentaire
La décision a un intérêt évident en ce qu’elle estime qu’un document d’urbanisme peut retenir comme critère de classement en zone naturelle celui de l’exposition au vent dans la mesure où il est le reflet de la richesse naturelle des lieux. Elle facilite - ce qui ne réjouira pas les opposants aux éoliennes - leur implantation dans les zones naturelles.
Le Conseil d’Etat prend le soin de préciser que la création de secteur à vocation d’énergie éolienne conduit à considérer que les auteurs du règlement du POS ont nécessairement entendu faire échapper ce secteur aux règles générales de la zone NC manifestement incompatibles avec l’implantation des éoliennes mais pas à toutes. L’arrêt a néanmoins une portée limitée en ce qu’il traite d’un litige qui a surgi dans le cadre de la législation ancienne relative au POS. Désormais, dans les PLU, en vertu de l’article R.123-7 du Code de l’urbanisme, il y a à côté des zones agricoles dites « zones A », des zones naturelles et forestières dites « zones N » comprenant de nombreux secteurs à protéger en raison d’une variété de critères au regard desquels le terme « richesse naturelle » s’avère obsolète.