Une jeunesse qui rejette l’offre politique par l’abstention et le vote FN

Denis Solignac

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Une jeunesse qui rejette l’offre politique par l’abstention et le vote FN

Prêt à voter, publié par l'Anacej

© Anacej

Une récente enquête sur le comportement électoral des jeunes, commandée par l'Anacej, confirme la tendance des 18-25 ans à s'abstenir massivement, à partager désormais les mêmes préoccupations que la population générale et à se tourner vers un vote radical FN, dans un contexte global de droitisation.

L'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej) a présenté, le 25 novembre, en présence d'élus locaux à la Jeunesse, les résultats d'une nouvelle enquête sur le comportement électoral des jeunes((Cette enquête réalisée par l'institut Ifop constitue la troisième vague d'un observatoire lancé par l'association à l'occasion des présidentielles de 2012. Plus de 1 500 personnes de 18 à 25 ans ont été sondée par questionnaire auto-administré en ligne, entre le 6 et le 12 septembre, au sujet des élections régionales de décembre et de la présidentielle de 2017.)).

Alors que le niveau des inscrits sur les listes électorales, du moins déclarant être inscrits, s'établit à 83% – 3% ne savent pas –, l'indice de participation évalué par Ifop s'établit à 28%.

« En d'autres termes, 72% des jeunes interrogés pensent ne pas se rendre aux urnes, ce qui, souligne Frédéric Dabi de l'Ifop, confirme la surreprésentation des jeunes dans l'abstention aux élections intermédiaires ».

L’abstention comme signal de défiance

Leur motif ? « Arrive en tête le fait qu'ils seraient au moment du scrutin en week-end, en congé ou en déplacement. Cela traduit en réalité un manque d'intérêt pour ce scrutin », analyse Frédéric Dabi.

La conviction que ces élections ne changeront rien à leur situation, qu'aucun candidat ne défend leurs intérêts, le fait qu'ils ne connaissent pas les candidats qui se présentent ou encore la volonté de manifester leur mécontentement à l'égard des partis sont autant de motifs justifiant leur non-participation.

Cela témoigne de la défiance des jeunes à l'égard du personnel politique et du système démocratique en place, déjà constatée dans les précédentes études commandées par l'Anacej.

Des gauches mal en point

Les résultats de l'enquête confirment une tendance observée en 2012 : les jeunes se démarquent de moins en moins de l'ensemble de la population dans leurs intentions de vote.

Ainsi, 28% des 18-25 ans interrogés pensent voter pour les partis de la droite et du centre (LR-UDI-MoDem), 25% pour le FN, 22% pour les partis de la gauche gouvernementale (PS et PRG) et 17% pour les partis de la gauche alternative (EELV-FGD et ND).

« On assiste à un phénomène de droitisation du corps électoral qui touche aussi largement les jeunes », commente le directeur d'études de l'Ifop. Néanmoins, le vote pour la gauche de la gauche reste plus important chez les jeunes que dans l'ensemble de la population des électeurs.

« Pour autant, cette composante ne passe pas devant le PS. C’est un enseignement des élections intermédiaires depuis 2012 : les difficultés du PS ne profitent pas à la gauche de la gauche ».

Un effet 13 novembre ?

Autre enseignement, les intentions de vote pour le FN sont d'autant plus importantes que le niveau de diplôme ou la catégorie socio-professionnelle des déclarants est faible. « On constate un survote chez les jeunes employés (38% d'intention de vote contre 25% dans la population générale) et les ouvriers (37%), comme dans la population générale, précise Frédéric Dabi. Mais attention de ne pas assimiler Ouvrier et FN car c’est une catégorie socioprofessionnelle dont le niveau d'abstention est particulièrement élevé ».

Le sondage a été réalisé avant les attentats du 13 novembre. Or, l'hypothèse selon laquelle ils pourraient avoir modifié le positionnement électoral des jeunes et de la population en général, ne peut être écarté.

Selon Frédéric Dabi, au regard des quelques sondages connus, menés dans les régions après ces événements meurtriers, ceux-ci auraient pour effet de renforcer les grandes tendances, plus que de les modifier.

« Pour le moment, je resterais très prudent. Mais il semblerait que les attentats aient contribué à renforcer le Front national tandis que les Républicains resteraient stables. Le PS profiterait d’un petit phénomène de vote utile, au détriment de la gauche du PS », décrit-t-il.

Une mobilisation de dernière minute ?

Autre effet hypothétique du 13 novembre, les électeurs pourraient se rendre aux urnes en plus grand nombre. C’est en tous les cas un réflexe que compte encourager l'AFEV, réseau associatif d'étudiants dont le représentant, à l'occasion de la présentation de l'étude de l'Anacej, a annoncé le lancement très prochainement d'une campagne de sensibilisation intitulée « Voter, c'est résister ».

Enfin, soulignent les auteurs du sondage, les attentats de Paris et Saint-Denis pourraient renforcer la place de la sécurité dans les déterminants du vote aux élections régionales. Dans l'étude, elle figure déjà en 6e position des préoccupations des jeunes, après l'emploi et la formation, le pouvoir d'achat et le coût de la vie, l'éducation, la santé puis le logement.

« Il est surprenant que les jeunes placent ce sujet à un niveau si élevé. Mais cela confirme le mouvement de similarité entre jeunes et moyenne nationale constaté depuis 2012 ».

Inquiétude des acteurs de la Jeunesse

Enfin, l'Ifop a sondé les jeunes sur leurs intentions de vote à l’élection présidentielle, à partir des candidats déjà déclarés. Avec toutes les précautions dues à la précocité du sondage, les résultats montrent là encore une très forte progression du vote FN.

Marine Le Pen emporterait la majorité relative des voies au premier tour (29%), devant Les Républicains (Nicolas Sarkozy – 26%), le PS (François Hollande – 17%) et le Front de gauche (Jean-Luc Mélenchon – 10%).

Dans l'hypothèse d'une candidature d'Alain Juppé pour les Républicains, les écarts se creuseraient entre le FN (36%) et les autres forces politiques, les Républicains (20%), le PS (16%) et le Front de Gauche (11%). Selon l'Ifop, « ces résultats montrent que les le FN se situe aujourd'hui, auprès des jeunes, dans une position lui permettant de se qualifier pour le second tour ».

Là, le PS perdrait face aux Républicains quel que soit leur candidat et serait à égalité face à Marine Le Pen. Celle-ci échouerait en revanche face aux Républicains. « Les résultats sont similaires à ceux observés par l'Ifop auprès de l'ensemble du corps électoral », ont indiqué les auteurs de l'étude.

Les régionales, premier test

A l'issue de cette présentation, les élus locaux en charge des questions de Jeunesse et les acteurs de mouvement de Jeunesse ne cachaient pas leurs inquiétudes.

En aparté, le délégué général de l'Anacej soulignait l'ampleur du travail de sensibilisation pour remettre les jeunes sur le chemin des urnes((La campagne de sensibilisation de l'Anacej.)), dans l'espoir que la réduction de leur abstention se traduirait aussi par la baisse relative du vote frontiste.

Pour les élections régionales, c'est déjà trop tard. L'enjeu se place donc dans l’élection présidentielle. L'Anacej espère que les forces politiques sauront prendre la mesure des enseignements de cette enquête et agir rapidement en conséquence.

Zoom sur trois régions
Grace à un panel important – 1 507 interrogés – l'Ifop a pu s'attarder sur les prévisions de vote dans quatre principales composantes du paysage politique et dans trois régions, l'Ile-de-France, la région Paca et la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie .
Parmi ces trois territoires, c’est en Ile-de-France que la gauche de la gauche pourrait faire son score le plus important chez les 18-25 ans, avec 18% d'intention de vote (contre 17% en moyenne en France). On retrouve dans cette région le même phénomène de survote en faveur des Républicains, UDI et MoDem qui recueillent 31% des intentions de vote contre 28% à l'échelle nationale, alors que leur audience est inférieure à la moyenne en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (24%) et Paca (18%).
En Paca, les Républicains souffriraient de la faible popularité de Christian Estrosi chez les jeunes. Le PS et le PRG accusent un score très bas en région NPDCP (14% contre une moyenne nationale de 22%). Ils attirent légèrement plus de voix que la moyenne en région Paca (23%) et Ile-de-France (25%). Enfin, le FN pourrait obtenir des scores particulièrement élevés en Paca (42% d'intention de vote) et NPDCP (39%) tandis qu'en Ile-de-France, les 18-25 ans sont moins nombreux (20%) que la moyenne nationale (25%) à se déclarer pour un vote frontiste.

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