« Une collectivité doit pouvoir tester un dispositif et l’adopter pour elle seule s’il est concluant »

Aurélien Hélias

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« Une collectivité doit pouvoir tester un dispositif et l’adopter pour elle seule s’il est concluant »

Jean-René Cazeneuve, député LREM du Gers

© @jrcazeneuve

Président de la jeune délégation de l’Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-René Cazeneuve revient sur le fonctionnement de l'instance et sur son programme de travail chargé en prévision de la réforme constitutionnelle à venir, particulièrement sur l'autonomie financière des collectivités et leur droit d'expérimentation. Le député (LREM) du Gers livre également son sentiment, tranché, sur la diminution du nombre de députés et le non-cumul dans le temps.

Quel bilan faites-vous de ces quatre premiers mois d’exercice de la délégation aux collectivités ?

Jean-René Cazeneuve : D’abord qu’elle permet de répondre à une crainte, voire un malentendu : celui qui voudrait que le non-cumul des mandats pousse l’Assemblée nationale à se désintéresser des collectivités locales ! Beaucoup de députés voulaient d’ailleurs en faire partie, au point que nous avons dû repousser deux candidatures sur trois. L’idée était de créer un cadre de dialogue et d’échanges pour écouter les propositions des élus locaux et de leurs associations qui, toutes, réclamaient la création d’une délégation. Atout de celle-ci : elle est transpartisane, représentative des différents territoires et types de territoire : rural, urbain, périurbain.

Est-elle l’exact miroir de la délégation aux collectivités du Sénat ?

Je suis en lien régulier avec son président Jean-Marie Bockel et nous essayons de ne pas traiter des mêmes sujets. Les projets de loi ayant un impact sur les collectivités étant si nombreux – logement, mobilité, future réforme constitutionnelle, etc. – que cela est tout à fait possible. Sur la méthode, nous privilégions à ce jour les auditions au long cours et les missions « flash », qui permettent d’établir rapidement des rapports sur des sujets urgents et qui sont systématiquement co-dirigées par deux rapporteurs, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition. Des déplacements en province sont également prévus pour se nourrir des situations locales et nous aurons accès aux données des administrations centrales.

La mission « flash », créée le 7 février par la délégation, sur l’autonomie financière des collectivités prépare-t-elle la réforme de la fiscalité locale ?

La réforme de la fiscalité locale – indispensable car devenue illisible au fil du temps - arrivera dans un second temps. Il s’agit davantage d’explorer ce qui doit primer pour les collectivités, entre autonomie fiscale et autonomie financière. L’autonomie financière est un concept assez large puisqu’il intègre le financement par des impôts nationaux sur lesquels, par définition, les élus locaux n’ont pas de pouvoir de taux. L’autonomie locale réside aussi pour les élus dans la libre gestion de leur budget et de leurs dépenses. Enfin, c’est le pouvoir de taux et d’assiette qui définit l’autonomie fiscale. Ce taux diffère très fortement selon la catégorie de collectivité territoriale, environ 50 % des ressources des communes, 30 % pour les départements et 10 % pour les régions. Ce sont ces questions qu’explore la mission.

Etes-vous favorable à la création d’un « impôt citoyen » pour renouer le lien entre fiscalité et territoire après la suppression de la taxe d’habitation, comme le propose la mission Richard-Bur ?

La délégation s’est déclarée favorable à l’idée de maintenir un lien territoire-impôt local, car il est important que le citoyen local fasse le lien entre ses impôts et ce qu’en fait la commune. Mais ce lien peut ne pas être exclusivement fiscal. Il faut trouver le bon équilibre entre la volonté du Gouvernement de ne pas créer de nouvel impôt et la nécessité de maintenir ce lien.

Quid de l’autre mission « flash », que vous codirigez, sur l’expérimentation et la différentiation locales ?

Tout le monde est favorable à la différentiation territoriale, surtout que chacun y projette ce qu’il souhaite… Appliquer les mêmes règles, les mêmes normes, octroyer les mêmes compétences à tout endroit du territoire et à chaque catégorie de collectivité, ça n’a plus beaucoup de sens. Il faut examiner jusqu’à quel point l’adaptation est possible sans remettre en cause l’égalité de chacun devant la loi. Probablement faut-il en finir avec l’obligation binaire d’abandon ou de généralisation de toute expérimentation locale. Une collectivité doit pouvoir tester un dispositif et l’adopter pour elle seule s’il est concluant. Il faudra toutefois prendre garde à ne pas créer trop de complexité à force de différenciation.

Partagez-vous le projet de l’exécutif d’encadrer le droit d’amendement ?

Qu’on ne s’y méprenne pas : l’idée n’est en rien de museler l’opposition - voyez notre volonté d’introduire une part de proportionnelle qui ferait davantage de place aux petits partis - mais de ne plus avoir à plusieurs reprises les mêmes débats, en commission et en séance publique, sur les mêmes amendements. Nous pouvons organiser nos travaux et la discussion des amendements en ce sens pour être plus efficace. Je suis en revanche moins favorable à l’idée de définir le nombre d’amendements pouvant être déposés par un groupe parlementaire proportionnellement au nombre d’élus.

Moins de députés, élus en partie à la proportionnelle… N’est-ce pas la représentation des territoires ruraux qui est en jeu ?

Je récuse cette interprétation ! D’abord, la baisse du nombre de circonscriptions se ferait de manière proportionnelle pour tous les territoires, urbains comme ruraux. Et si l’on prévoit un député au moins par département, idée que je soutiens, il y aura de fait une meilleure représentation des territoires ruraux.

Êtes-vous favorable à la limitation du cumul dans le temps ?

Oui ! La créativité et l’énergie s’étiolent à force de cumuler dans le temps les mêmes fonctions. Certains élus ont tendance à faire le vide autour d’eux pour conserver leur mandat ad vitam alors qu’il leur faudrait préparer leur succession. L’introduction d’un seuil d’application à 3 500 habitants me semble ainsi idéale pour ne pas aggraver les conséquences de la crise des vocations dans les petites communes où les responsabilités politiques et juridiques induites par la fonction de maire repoussent plus d’un candidat.

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