Transparence de la vie publique : un texte de compromis présenté à l'Assemblée nationale

La rédaction

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Transparence de la vie publique : un texte de compromis présenté à l'Assemblée nationale

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© Phovoir

En commission des lois, les députés ont fortement remanié - édulcoré, selon certains - le projet de loi initial du gouvernement. C'est donc un texte de compromis qui arrive, lundi 17 juin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Présentation détaillée des amendements votés le 5 juin.

Les députés examineront en procédure accélérée, du 17 au 21 juin, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique, dont l’adoption interviendra le 25 juin.

Dans son texte voté le 5 juin, qui sera discuté en séance publique à partir du 17 juin, la commission des lois de l’Assemblée nationale a fortement modifié les dispositions initiales du gouvernement, présentées le 25 avril en conseil des ministres.

Déclarations de patrimoine : plus complètes, mais moins accessibles

A l’origine, la réforme imposait notamment à un millier de personnalités publiques (ministres, parlementaires, maires de grandes villes, présidents de conseil généraux et régionaux) la publication de leur patrimoine par une Haute autorité. Celle-ci recevrait aussi les déclarations de patrimoine, non publiques, de plus de 10.000 autres personnalités (membres de cabinets ministériels et présidents d'entreprises publiques, en particulier).

Consultables, mais non publiées - Au terme d’un compromis avec le gouvernement, les déclarations de patrimoine des élus seront consultables, mais non publiées (à l’exception de celles des ministres), ce qui atténue la portée des annonces de transparence faites par le président François Hollande, au lendemain de l’affaire Cahuzac.

Un amendement au projet de loi ordinaire, présenté par le président de la commission des lois de l'Assemblée, Jean-Jacques Urvoas (PS), et adopté prévoit que les déclarations des députés du département seront disponibles dans les préfectures. Tout électeur pourra demander à les consulter, à condition de s'engager à ne pas les divulguer sous peine de sanctions pénales (un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d''amendes).

En revanche, chaque citoyen pourra saisir la future Haute autorité chargée de contrôler ces déclarations s'il soupçonne que l'une d'elles est mensongère ou inexacte.

Mentions supplémentaires - Plusieurs amendements ont toutefois renforcé l’exhaustivité du contenu des déclarations des membres du gouvernement, des parlementaires, des élus locaux et des hauts fonctionnaires.

• Dans la déclaration d'intérêt figurent au premier chef les activités professionnelles présentes ou dans les cinq dernières années (et les rémunérations perçues), mais aussi celles exercées par le conjoint (ou partenaire d'un Pacs ou concubin), les enfants ou les parents d'un député.
Les noms des collaborateurs du député devront aussi y figurer, mais non ses activités professionnelles parallèles.
D'autres éléments figureront dans la déclaration, en particulier les participations financières dans le capital d'une société. Les ministres et les parlementaires devront récapituler, dans leur déclaration de fin de mandat, l’ensemble des revenus perçus pendant la durée de leur mandat.

• La déclaration de patrimoine comprendra les immeubles et terrains, valeurs mobilières, assurances-vie, compte bancaires courants et d'épargne, biens mobiliers, véhicules, fonds de commerce, ainsi que les biens détenus à l'étranger, les "autres biens" et le passif.

Haute autorité : une composition modifiée

Les députés ont décidé de faire passer de 7 à 11 les membres de la Haute Autorité, chargé de contrôler toutes ces déclarations, avec la désignation de deux personnes qualifiées par le président du Sénat et de deux par le président de l'Assemblée nationale.

Professions :  des incompatibilités et restrictions

Les députés sont revenus sur une disposition clé du texte qui prévoyait d'interdire aux parlementaires l'exercice de certaines professions, et notamment des activités de conseil (la profession d'avocat d'affaires, par exemple). Le texte prévoit qu’il sera seulement impossible d'entamer une profession de conseil après le début du mandat, interdiction déjà en vigueur pour une partie des professions.

En revanche, les députés ont estimé qu'il n'était pas possible d'être avocat et membre du Conseil constitutionnel.

Un amendement de Lionel Tardy (UMP) a été adopté pour interdire l'exercice du mandat de député avec une autorité administrative indépendante.

Rémunérations tirées d'autres activités : le plafond disparaît

Le plafonnement des rémunérations tirées d’autres activités a également été rejeté. Un amendement de René Dosière (PS) visant à limiter les revenus tirés d'une activité professionnelle pendant le mandat à 50% du montant de l'indemnité parlementaire (soit environ 2.750 euros) a été retiré.

Cependant, le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a déclaré le 6 juin que le gouvernement demanderait aux députés une limitation des revenus liés à une activité professionnelle durant le mandat parlementaire.

Indemnités des ministres : trois mois, au lieu d'un mois

Par ailleurs, les députés avaient adopté le statu quo, le 5 juin, en matière d'indemnités perçues par un ministre lorsqu'il quitte le gouvernement : le délai devait toujours être de six mois alors que le gouvernement voulait réduire ce délai à un mois. Cependant, un compromis entre le gouvernement et la majorité est intervenu pour fixer cette période à trois mois, a indiqué le député René Dosière (PS), le 13 juin.

Lobbying : des "lignes directrices

Pour limiter le lobbying, la Haute autorité pourra établir des lignes directrices encadrant les relations entre les représentants d’intérêts et les différentes institutions qu’elle est chargée de contrôler.

Financement des partis : les dons plafonnés

Les députés ont ajouté des règles sur le financement des partis politiques, via les micro partis notamment . Ils ont adopté un dispositif voté à l'automne dernier, mais censuré par le Conseil constitutionnel : la limitation des dons d'un contribuable à des partis politiques à 7.500 euros par an et non plus à 7.500 euros par partis. Dans cette somme globale de 7.500 euros sont comprises les cotisations d'adhésion à un parti politique.

Un autre amendement prévoit qu'un parlementaire élu ailleurs que dans une circonscription d'outre-mer ne puisse se rattacher ou s'inscrire à un parti qui n'a présenté des candidats que dans des départements d'outre-mer.

Associations "anticorruptions" : agrément de la la Haute autorité

Les associations anticorruptions habilitées à saisir la Haute autorité feront l’objet d’un agrément par la Haute autorité, et non par l’exécutif.

REACTIONS : Transparency International et Regards Citoyens encouragent les élus à "ne pas rester au milieu du gué"

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a défendu, le 5 juin, le compromis passé avec les députés sur le projet de loi sur la transparence, affirmant que l'exécutif restait "ferme sur les objectifs, mais ouvert sur les modalités".

[caption id="attachment_17988" align="alignleft" width="300"]capture vidéo Transparency International france Campagne de Transparency International France, "Avec la transparence, la démocratie avance (capture vidéo, juin 2013).[/caption]

Ce n’est pas l’avis de l'association Transparency International France, qui s'est interrogée, le 7 juin, sur "la volonté réelle des parlementaires" de mettre en oeuvre "une réforme des pratiques de la vie publique", tandis que le collectif Regards Citoyens s'inquiète de la future Haute Autorité chargée du contrôle des patrimoines des élus.

Transparency International France qualifie de "recul" la suppression de la publication des déclarations de patrimoine. Selon son président, Daniel Lebègue, "dans un pays aussi informé et éduqué que la France, on se doit de faire confiance à la capacité de jugement et à la sagesse de nos concitoyens. Par ailleurs, qu'arrivera-t-il aux parlementaires qui voudront donner l'exemple et publier leur patrimoine?".

Plusieurs amendements ont fortement affaibli le dispositif proposé."

L'association((Transparency International France est la section française de Transparency International, la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique.)) déplore aussi la suppression de l'interdiction pour les parlementaires d'exercer des activités de conseil, ainsi que la non limitation des revenus tirés d'une activité professionnelle pendant le mandat.

Elle salue en revanche "des avancées" à confirmer sur les conflits d'intérêt, "l'encadrement du lobbying", ou "le financement des partis politiques".

Selon Regards Citoyens - Selon le collectif Regards Citoyens((Le collectif Regards Citoyens se présente comme une "association constituée de citoyens de tous âges et régions qui se sont rencontrés sur Internet dans un désir commun de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques".)), à l'origine du site web nosdéputés.fr, la Haute Autorité, chargée de contrôler les déclarations d'intérêt et de patrimoine, sera exclue du champ de la Cada.

"Si le texte était adopté en l'état, la Haute Autorité de la Transparence s'avèrerait l'administration la moins transparente de France, un comble !"

Regards Citoyens souligne aussi sur son blog qu'il sera "attentif" aux questions du cumul d'activités et du lobbying", sans quoi ces textes, déjà considérés par beaucoup comme trop limités, ne sauront réellement lever le voile de l'opacité sur la vie publique et politique française".

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