Transparence et vie publique : la mairie de Montpellier, palais de verre conçu par Jean Nouvel et François Fontès
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La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié, le 5 février, son premier rapport. A l’aide d’exemples concrets, elle précise un certain nombre de notions, comme le conflit d’intérêts ou la compatibilité de fonctions.
Un peu plus de deux ans après sa création, par la loi du 11 octobre 2013, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a publié son premier rapport. Celui-ci couvre une période de deux ans, jusqu’à la fin de l’année 2015.
Le contrôle des intérêts de près de 2 000 déclarants lui a permis d’identifier les situations potentielles de conflits d’intérêts et de déterminer les mesures à mettre en œuvre pour les éviter ou y mettre fin.
La HATVP a également pu affiner son interprétation de la notion de conflit d’intérêts et définir des critères pour caractériser ces situations.
Définition du conflit d’intérêts
Les déclarations d’intérêts examinées seront bien plus nombreuses, puisque les publications pour les élus départementaux, communaux et membres d’EPCI doivent intervenir d’ici le premier semestre 2016.
Un conflit d’intérêts suppose la réunion de trois critères :
- la détention d’un intérêt. Il peut être direct (activité professionnelle), ou indirect (intérêt détenu par un proche). Les intérêts peuvent être publics (plusieurs mandats électifs, sièges dans plusieurs CA d’entreprises publiques) ;
- l’existence d’une interférence entre intérêt détenu et fonctions exercées. Celle-ci peut avoir une dimension matérielle, géographique et temporelle ;
- l’existence d’un doute sur la capacité du déclarant à exercer ses fonctions de manière objective, indépendante et impartiale.
Fonctions dirigeantes dans une société sans but lucratif ou une association
Des exemples illustrent ces principes. Ainsi, un responsable public exerçant des fonctions dirigeantes, même bénévoles, dans une société sans but lucratif, alors que l’activité de cette société repose presque exclusivement sur des financements attribués par l’établissement public, sous la tutelle de l’intéressé, met celui-ci en situation de conflit d’intérêts.
En revanche, un élu local exerçant une activité professionnelle dans une association susceptible de recevoir des subventions de la collectivité dont il est élu ne le place pas en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il n’exerce pas de fonction dirigeante ou de représentation de cette association, et que les subventions ne représentent qu’une faible part du budget de l’association.
HATVP : 15 avis formulés en 2015 sur demande des élus
Les personnes entrant dans le champ de la transparence de la vie publique peuvent demander un avis en matière déontologique à la HATVP. En 2015, 15 avis lui ont été demandés. Certains concernant des élus locaux.
Exemple : l’élu par ailleurs avocat. Il a été ainsi recommandé à un élu local souhaitant exercer une activité d’avocat en parallèle de son mandat de donner la consigne aux services de sa collectivité de s’abstenir de toute relation contractuelle avec son cabinet d’avocats. Ses associés ne doivent pas non plus être candidat à un marché public de sa collectivité.
Exemple : l’élu salarié d'une association. A un élu salarié d’une association sur le territoire de sa collectivité, il est recommandé de ne pas être présent lors des débats portant sur les demandes de subventions de la part de cette association.
Exemple : la création de société commerciale. Elle n’est pas de nature à caractériser le délit de prise illégale d’intérêts. Cependant, il convient de veiller, pendant trois ans après la fin des fonctions, à ce qu’il n’y ait aucune relation contractuelle avec des entreprises publiques sous tutelle des services placées sous l’autorité de l’intéressé.
Exemple : l'élu ayant visité officiellement un futur employeur. En matière de déontologie, avoir procédé à une visite officielle d’une entreprise privée qu’il entend rejoindre, avec rencontre des dirigeants, ne suffit pas pour établir que l’intéressé préparait sa nouvelle activité privée.
Ces avis formulés par la HATVP n'étant pas rendu publics, il lui est difficile de garantir que les réserves seront bien appliquées. Elle souhaiterait donc pouvoir les publier.
La déclaration de situation patrimoniale
L’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique fait obligation à 9 000 élus locaux d’adresser au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts.
Un contrôle complexe à exercer du fait que l’administration fiscale ne donne pas systématiquement d’avis sur ces déclarations.
La HATVP procède à un contrôle formel, à une identification rapide des conflits d’intérêts et à la vérification de la situation patrimoniale à l’issue des fonctions. Ce qui implique l’examen de 3 000 variations de situation patrimoniale par an.
La HATVP ne se satisfait pas de cette situation. Pour procéder à des contrôles approfondis, il lui faut plus de moyens humains. Il lui faut également définir une méthode d’identification des dossiers à contrôler.
Conflit d'intérêts ou incompatibilité des fonctions : de la préconisation à l'injonction
En vertu de l’article 23 de la loi du 11 octobre 2013, un certain nombre d’élus locaux doivent saisir la HATVP si, à la fin de leur mandat, ils envisagent d’exercer une activité dans un secteur privé concurrentiel avec des fonctions exécutives locales.
Parmi les 586 élus locaux ayant quitté leur mandat depuis le 1er octobre 2012 au moins 35 personnes ont repris une activité privée pour laquelle une saisine préalable de la Haute autorité était légalement obligatoire. Des courriers ont été adressés aux élus concernés.
Lorsqu’une situation se révèle problématique, le déclarant peut échanger avec la HATVP qui formule des préconisations : renoncer à une présidence, déléguer à un tiers auquel aucune instruction ne peut être donné, faire état publiquement d’un intérêt à chaque fois que celui-ci pourrait interférer avec une fonction publique etc.
La Haute autorité peut enjoindre de faire cesser une situation de conflit d’intérêts. Elle peut le faire publiquement. Ne pas respecter l’injonction expose à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.