Le Conseil d'Etat
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Dans un jugement du 30 décembre 2014, le Conseil d’Etat affirme qu’une collectivité territoriale peut être candidate à un marché public passé par une autre personne publique. Mais à condition que sa candidature « réponde à un intérêt public local, c’est-à-dire s’inscrive dans le prolongement d’une de ses missions de service public », et respecte le droit de la concurrence.
Une collectivité locale est-elle légalement autorisée à répondre à un marché public lancé par une autre collectivité territoriale ? Oui, a répondu le 30 décembre 2014 le Conseil d’Etat à l’occasion d’un jugement pourtant sur un marché public départemental de plus de 8 ans.
Rappel des faits : en 2006, le département de la Vendée lance une procédure de marché public portant sur le dragage de l’estuaire du Lay. Le département de la Charente-Maritime se porte alors candidat et remporte le marché. Egalement candidate à ce marché public, la société Armor SNC voit d’un très mauvais œil sa défaite face à une collectivité locale et conteste le marché. Le tribunal administratif de Nantes puis la cour administrative d’appel de Nantes rejettent la requête de la société privée et confirment l’attribution du marché public au département de la Charente-Maritime.
Une candidature « justifiée par un intérêt public local »
Si le Conseil d’Etat a, le 30 décembre, fait droit au pourvoi en cassation d’Armor SNC, il ne s’agit que d’une victoire de façade pour la société privée : les sages du Palais Royal soulignent dans leur communiqué qu’il ne s’agit que d’une annulation de l’arrêt contesté pour une simple « erreur de raisonnement […] : cela ne signifie pas que le marché public de dragage de l’estuaire du Lay est annulé mais simplement que la cour administrative d’appel de Nantes devra se prononcer à nouveau sur cette affaire ».
L’occasion pour le Conseil d’Etat de conforter et de confirmer le droit qu’ont les collectivités territoriales et leurs EPCI de se porter candidat à un marché public passé par une autre personne publique. « Aucun texte ni aucun principe ne s’oppose à ce qu’une collectivité territoriale se porte candidate à un contrat de commande publique (notamment marché public ou délégation de service public) passé par une autre personne publique », assène la plus haute juridiction administrative.
Seule condition : cette candidature doit « être justifiée par un intérêt public local. […] Tel est le cas si la candidature de la collectivité constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge ».
Et le Conseil d’Etat d’illustrer ce principe par divers cas de candidature validant l’intérêt public local car ayant pour but :
- d’amortir des équipements,
- ou de valoriser les moyens dont dispose le service,
- ou encore d’assurer son équilibre financier.
Ne pas tirer avantage du statut public
Tout juste le Conseil d’Etat souligne-t-il que le droit de la concurrence, comme dans tout autre contrat de commande publique passé avec une société privée, doit être respecté par la collectivité répondant à la commande publique : « en particulier, le prix proposé par la collectivité territoriale doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects exposés, sans que la collectivité tire un avantage de son statut de personne publique. Elle agit alors en se plaçant dans une situation comparable à celle d’un opérateur privé intervenant sur un marché, ce qu’elle doit pouvoir justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié », expose la haute juridiction administrative.
Et le Conseil d’Etat de préciser également que « l’obtention du marché public ne doit pas, en revanche, avoir pour effet de compromettre l’exercice de la mission de service public dont il constitue le prolongement ».