« Tout ce qui contribue à associer les habitants à la tranquillité publique de leur ville ou de leur quartier va dans le bon sens »

« Tout ce qui contribue à associer les habitants à la tranquillité publique de leur ville ou de leur quartier va dans le bon sens »

Le préfet Pierre N’Gahane

© CIPD

Pierre N’Gahane, secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD), fait le point sur la stratégie nationale de prévention de la délinquance (2013-2017), sa mise en œuvre et son financement qui s’élèvera à environ 53 millions d’euros en 2015. Il souligne les perspectives ouvertes aux collectivités dans le champ de la prévention de la récidive, issues de la loi du 15 août 2014.

Quel bilan pouvez-vous aujourd’hui tirer de la mise en œuvre de la stratégie nationale, notamment au niveau de sa déclinaison locale ?

Pierre N’Gahane. La stratégie nationale de prévention de la délinquance (2013-2017) a été déclinée dans des plans départementaux adoptés par les préfets à la fin 2013 et au début 2014.

Ces plans, qui sont le plus souvent le fruit d’une large concertation, ont été cosignés dans la majorité des cas par les préfets, les procureurs de la République et les présidents des conseils généraux. Ils reprennent les trois programmes d’actions prioritaires de la stratégie nationale, en les adaptant aux contextes locaux.

Le principal enjeu aujourd’hui consiste à mettre en œuvre au plan local ces orientations en adoptant de nouveaux plans locaux de prévention de la délinquance ou en adaptant ceux existants. Je sais que les collectivités y travaillent. L’élaboration de ces plans locaux, en cours, devrait aboutir d’ici la fin 2014.

Le périmètre d’élaboration du schéma est défini en fonction des besoins locaux, soit à l’échelle d’une intercommunalité, soit de la commune, soit d’un ou de plusieurs quartiers.”

L’une des priorités de la stratégie nationale est d’améliorer la tranquillité publique. Sur le terrain, comment les collectivités mettent-elles en place les schémas de tranquillité publique qu’elle préconise ?

P. N’G. La stratégie nationale propose une méthodologie pour élaborer des schémas de tranquillité publique au plan local qui consiste à établir un diagnostic puis un plan d’actions.

Ils s’appuient sur le partenariat existant entre les forces de sécurité de l’Etat, les bailleurs sociaux, les opérateurs de transport et les équipes de médiateurs sociaux en charge de la tranquillité publique, en particulier.

Le périmètre d’élaboration du schéma est défini en fonction des besoins locaux, soit à l’échelle d’une intercommunalité, soit de la commune, soit d’un ou de plusieurs quartiers.

Le schéma doit permettre de définir une stratégie globale, prenant en compte l’ensemble des problèmes recensés par les acteurs et déterminant l’articulation des réponses jusque-là trop souvent hétérogènes et fragmentaires.

Concrètement, il s’agit d’identifier des lieux – abords des établissements scolaires, gares, équipements publics, halls d’immeubles etc. – et des périodes – soir, vacances scolaires etc. – particulièrement sensibles en matière d’insécurité.

Son élaboration comme sa mise en œuvre doivent favoriser une participation large des institutions et de la population pour susciter une appropriation collective des enjeux de tranquillité dans l’espace public.

Sur le terrain, il est vrai que certaines collectivités se posent des questions sur la manière de procéder. C’est pourquoi, nous sommes amenés à nous déplacer, en lien avec les préfectures concernées, pour leur apporter un appui méthodologique. C’est notre rôle d’aller au contact des acteurs de terrain pour les accompagner dans leurs démarches.

Nous constatons un réel intérêt de la part notamment des collectivités publiques, à s’engager davantage dans une prise en charge individuelle des personnes placées sous le contrôle de la justice ou ayant eu affaire à elle.”

La prévention de la récidive est une des autres priorités de la stratégie nationale. Est-elle suffisamment prise en compte par les acteurs locaux ?

P. N’G. Nous constatons un réel intérêt de la part de nombreux acteurs locaux, et notamment des collectivités publiques, à s’engager davantage dans une prise en charge individuelle des personnes placées sous le contrôle de la justice ou ayant eu affaire à elle. Toutefois, cet engagement est encore souvent limité à l’offre de postes de travail d’intérêt général (TIG) et, lorsqu’il s’en écarte, n’est pas toujours suffisamment formalisé.

Or, la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales incite les instances locales, au premier rang desquelles les maires, à prendre en compte ces publics, par exemple en permettant de créer des groupes thématiques sur les questions d’exécution des peines et de récidive au sein des CLSPD, à l’initiative de l’autorité judiciaire.

La loi les invite également à s’engager résolument dans des actions plus étendues d’insertion sociale et de prévention de la récidive, dotées d’objectifs précis et contractualisés avec la justice, notamment avec l’administration pénitentiaire dont fait partie le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).

Plusieurs dispositions de cette loi vont dans ce sens, mais il reste à en faire la promotion et leur application est désormais un nouvel enjeu de la politique de prévention de la délinquance.

Des dispositifs de participation de citoyens à la sécurité émergent, tels que les voisins vigilants ou encore les marches exploratoires de femmes. Quelle place occupent-ils aujourd’hui dans l’amélioration de la tranquillité publique ? Faut-il les développer ?

P. N’G. Ces dispositifs sont effectivement à encourager. Tout ce qui contribue à associer les habitants à la tranquillité publique de leur ville ou de leur quartier va dans le bon sens.

Il convient de les associer dans l’élaboration des schémas locaux de tranquillité publique mais aussi dans leur mise en œuvre.

Régulièrement, les collectivités font part de l’empilement des dispositifs de coordination de la prévention et de leur volonté de voir évoluer leur gouvernance ? Que leur répondez-vous ?

P. N’G. Elles ont raison. Il faut simplifier la gouvernance de la politique de prévention de la délinquance.

Le rôle du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance a été conforté par la stratégie nationale, mais il faut veiller à assurer son articulation avec le niveau intercommunal, les instances de la politique de la ville et les zones de sécurité prioritaire. Nous y travaillons et il importe sur le terrain de faire preuve de pragmatisme.

La cellule de coordination opérationnelle du partenariat (CCOP) a vocation à conduire des actions en direction des jeunes les plus exposés à la délinquance.”

Certains élus souhaitent être davantage associés aux objectifs de lutte contre la délinquance dans les zones de sécurité prioritaire ? Qu’en pensez-vous ? En outre, comment se met en œuvre la prévention et le partenariat dans ces territoires ?

P. N’G. Comme le prévoit la circulaire du 30 juillet 2012, s’agissant du volet prévention de la délinquance, une nouvelle instance a été créée : la cellule de coordination opérationnelle du partenariat (CCOP) qui a vocation à conduire des actions en privilégiant une approche de traitement spécifique des situations individuelles, en particulier en direction des jeunes les plus exposés à la délinquance.

Si la mise en place de cette nouvelle instance a parfois permis de donner une impulsion à la mobilisation du partenariat local, force est de constater le plus souvent que cette cellule a été juxtaposée au conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance préexistant. Ce qui génère souvent des redondances et une certaine confusion.

Ces deux instances doivent être mieux articulées. Le CLSPD étant l’organe de pilotage général et la CCOP ayant vocation à constituer un groupe de travail du CLSPD, permettant le traitement de situations individuelles relevant de la ZSP.

Le ministère de l’intérieur a d’ailleurs demandé aux préfets, en juin dernier, d’associer davantage les maires au pilotage du volet prévention de la délinquance des zones de sécurité prioritaire.

Une charte type d’échange d’informations a été élaborée et diffusée par le SG-CIPD. Dès lors, peut-on dire aujourd’hui que l’échange d’informations entre les partenaires locaux est en passe de trouver sa vitesse de croisière ?

P. N’G. Je le crois et je l’espère. Cette charte déontologique type((Lire la charte élaborée par le SG-CIPD.)) présente plusieurs apports. Le premier réside dans son caractère consensuel. Une large concertation a présidé à ses travaux. Le Conseil supérieur du travail social (CSTS) a d’ailleurs, dans un avis du 17 juillet dernier, approuvé cette charte((Lire l'avis du CSTS.)), considérant qu’elle constituait une garantie nationale qui respecte l’éthique et les responsabilités professionnelles des travailleurs sociaux.

Le deuxième apport concerne le contenu même de la charte qui est une source de clarification juridique et donne des gages déontologiques aux acteurs de terrain.

Nous ne pouvons qu’encourager les acteurs locaux à établir une charte locale d’échange d’informations, qui est une véritable condition pour mettre en place des accompagnements individualisés”

Ensuite, nous avons travaillé dans une optique opérationnelle et pour concrètement prévoir les modalités de mise en œuvre de cette charte. C’est pourquoi, nous avons établi un guide méthodologique. Dans ce même esprit, nous avons sollicité la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin d’encadrer la possibilité de constituer des traitements de données à caractère personnel.

Dès lors, nous ne pouvons qu’encourager les acteurs locaux à établir une charte locale d’échange d’informations, qui est une véritable condition pour mettre en place des accompagnements individualisés des jeunes exposés à la délinquance.

Nous serons également très attentifs à la mise en œuvre de la charte au niveau local. Pour répondre à l’une des préconisations du Conseil supérieur du travail social (CSTS), j’ai mis en place le 23 septembre dernier un groupe de suivi national visant à la fois à recenser les chartes locales, à analyser les pratiques et à venir en appui aux acteurs locaux.

Quels sera le niveau du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) en 2015 ? Son montant est-il aujourd’hui à la hauteur des enjeux ?

P. N’G. En 2015, le FIPD sera stabilisé à hauteur de 52,9 millions d’euros. Dans son rapport parlementaire sur « la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire », rendu public le 22 octobre dernier, le député-maire de Gonesse Jean-Pierre Blazy préconise le doublement du Fonds. Les pistes qu’il évoque sont à examiner attentivement.

L’objectif est de doubler au niveau national les crédits consacrés aux actions de prévention de la récidive”

Pour 2015, ce qui importe je crois, c’est le recentrage de l’emploi du FIPD sur les priorités de la stratégie nationale de prévention de la délinquance.

Comme l’a annoncé le ministre de l’Intérieur lors du colloque sur les conditions de la réussite de la prévention, que nous avons organisé le 13 octobre dernier, il sera demandé aux préfets de renforcer de manière conséquente les moyens alloués aux actions de prévention de la récidive. L’objectif est de doubler au niveau national les crédits consacrés à cette priorité.

Ce financement se fera en lieu et place d’autres actions collectives et générales de prévention dites primaires dont les impacts sur la délinquance ne sont pas significatifs et qui peuvent bénéficier de financements de droit commun.

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