Strasbourg teste la consommation de drogues supervisée

Pascal Weil
Strasbourg teste la consommation de drogues supervisée

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Dans la cité alsacienne, les toxicomanes ont à présent un lieu qui leur est dédié et les accueille à toute heure du jour et de la nuit. Son implantation au sein de l’hôpital vise à réduire les risques et à faciliter leur orientation vers un réseau de soins.

S’impliquer

« Argos », la salle de consommation à moindre risque (SCMR), a ouvert ses portes à Strasbourg le 7 novembre 2016. La rénovation du bâtiment qui l’abrite, soit un espace flambant neuf de 400 m2 dans l’ancien bâtiment de chirurgie thoracique de l’hôpital civil, a nécessité 400 000 euros. Cette somme a été cofinancée par la ville (150 000 euros) et les acteurs locaux de santé : l’ARS (150 000 euros), l’hôpital universitaire de Strasbourg (50 000 euros) et l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau (50 000 euros).

Réduire les risques

Le maire, Roland Ries, s’était engagé à ouvrir cette SCMR pendant la campagne municipale de 2014. Rendu possible par la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016, le dispositif, expérimenté pour six ans, assure aux toxicomanes des conditions sanitaires propres à réduire les risques de surdose et d’infection (VIH et hépatites) et leur offre d’entrer dans un processus de sevrage.

Superviser l’acte

La gestion de la salle a été confiée à l’association Ithaque. Une équipe pluridisciplinaire de seize professionnels - médecins psychiatres et addictologues, psychologues, infirmiers, travailleurs sociaux - reçoit les toxicomanes majeurs de 13 à 19 h, 7 jours sur 7. Sept d’entre eux accompagnent leur « parcours » dans la structure au quotidien : accueil et présentation, attente dans un espace aménagé, consommation dans l’un des six postes prévus, quatre pour l’inhalation, deux pour l’injection. Ils supervisent la prise de drogue, sans participation active, en veillant à ce que l’injection ne s’effectue pas à des endroits interdits (cou, aine, etc.). « Notre regard est bienveillant. Nous voulons que cela se passe bien », indique Aurélie Kreiss, chef de service d’Argos. En fin de circuit, une salle permet à chacun de se reposer au moins une heure avant de quitter les lieux.

S’adapter à l’usager

« 80 à 100 passages sont attendus par jour », prévoit Aurélie Kreiss. Le phénomène d’addiction se moquant des frontières - les Allemands s’approvisionnent et consomment à Strasbourg -, la structure a été montée en synergie avec les professionnels du cabinet médical transfrontalier de substitution de Kehl, Eurodistrict, auquel Ithaque est associé depuis son ouverture en 2013. Ainsi, une équipe allemande sera-t-elle présente dans la SCMR pour orienter les germanophones vers des soins dans leur pays.

Sécuriser les lieux

Un agent de sécurité est présent en permanence pour prévenir tout risque de conflit. « Les usagers sont aussi sensibilisés à l’importance de préserver ce lieu et ses alentours », précise Aurélie Kreiss. La police a prévu des patrouilles régulières pour dissuader les éventuels deals et nuisances aux abords du site. Une circulaire de juillet 2016 précise l’immunité pénale dont jouissent les toxicomanes. Un régime identique s’applique aux personnels médico-sociaux, dispensés des accusations de complicité et de facilitation d’usage.

Le peloton européen

La première « salle de shoot » française a ouvert en octobre 2016, à l’hôpital Lariboisière de Paris. Elles sont plus de 90 dans une dizaine de pays au monde. Pionnière en Europe, la Suisse a inauguré la sienne à Berne en 1986 et en recense 15 aujourd’hui. L’Allemagne en compte 25 dans 16 villes, dont celle de Francfort qui a vingt ans, les Pays-Bas, 22, et l’Espagne, 3, qui sont installées à Madrid, Barcelone et Bilbao depuis quinze ans.

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