« Sexy » ou sexistes, les silhouettes de Dannemarie obtiennent droit de cité

Aurélien Hélias
« Sexy » ou sexistes, les silhouettes de Dannemarie obtiennent droit de cité

Deux des silhouettes incriminées à Dannemarie, Haut-Rhin.

© capture France3 région

D’un « goût douteux » ou « inutilement provocateurs » pour certains, les panneaux représentants diverses silhouettes féminines installés sur son territoire par la commune de Dannemarie ne constituent pas pour autant une atteinte grave et illégale au respect de la dignité humaine. C’est le sens de la décision rendue le 1er septembre par le Conseil d’Etat, saisi par une association féministe.

Une Betty Boop au clin d’œil appuyé, une femme de dos défaisant son maillot de bain, plusieurs autres manifestement en plein spectacle de strip-tease ou de « pole dance(( Danse gymnastique pratiquée avec une barre verticale, souvent utilisée par les stripteaseuses, et utilisée dans les spectacles de cabarets)) »… Parmi les quelque soixante panneaux que la commune de Dannemarie avait installés sur son territoire en juin au nom de 2017, année de la femme, décrétée localement, plusieurs de ces installations n’ont pas fait l’unanimité.

Parmi les contempteurs de initiative du bourg du Haut-Rhin (2 272 habitants,), l’association «Les Effronté-e-s » n’avait pas hésité à saisir la justice administrative pour dénoncer des stéréotypes sexistes et discriminatoires à l’égard des femmes. Et obtint gain de cause du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg via une procédure de référé-liberté : le juge ordonnait le 9 août l’enlèvement de l’ensemble des panneaux dans un délai de huit jours.

Pas "d'atteinte grave à la dignité humaine"

C’était sans compter le Conseil d’Etat qui a annulé le 1er septembre l’ordonnance prescrivant le retrait des silhouettes incriminées, fabriquées par l’adjointe-au-maire elle-même. Pour la haute juridiction administrative, toute est affaire de proportion : « en l’absence d’intention de discriminer de la part de la commune ou de restriction à une liberté fondamentale, la méconnaissance alléguée de l’égalité entre les hommes et les femmes ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, seule susceptible de justifier l’intervention du juge administratif des référés dans les très brefs délais de la procédure de référé-liberté », justifie la juridiction du Palais Royal.

Ce faisant, le Conseil d’Etat réfute toute « situation d’urgence » à laquelle est soumise la procédure de « référé-liberté ». Mais juge aussi « que l’installation des panneaux litigieux n’a pas été inspirée par une volonté de discriminer une partie de la population et n’a pas pour effet de restreindre l’exercice d’une ou plusieurs libertés fondamentales ». Dans ces conditions, « l’atteinte alléguée à l’égalité entre les hommes et les femmes ne justifie pas qu’il prescrive des mesures dans un très bref délai ». Pour résumer, pas d’atteinte « au respect de la dignité humaine » ou de promotion d’un « traitement inhumain ou dégradant » dans ces silhouettes exposées sur l’espace public.

Les autres initiatives de la commune ont joué en sa faveur

Reste que les hauts magistrats, probablement soucieux de ne pas se voir eux-mêmes accusés de complicité de sexisme, consentent que «  les panneaux incriminés peuvent être perçus par certains comme véhiculant, dans leur ensemble, des stéréotypes dévalorisants pour les femmes, ou, pour quelques-uns d’entre eux, comme témoignant d’un goût douteux voire comme présentant un caractère suggestif inutilement provocateur, s’agissant d’éléments disposés par une collectivité dans l’espace public ».

Insuffisant toutefois pour obliger la commune au retrait des différentes représentations en cause. Les juges ont aussi manifestement pris en considération le caractère maladroit mais honnête de l'intention de l'exécutif communal qui, en dehors de ces silhouettes, avait engagé d’autres initiatives moins polémiques pour donner corps à cette année locale de la femme : salon de la femme, attribution de distinctions à des femmes qui ont marqué la vie de la cité, rue baptisée « Monique Wittig » en hommage à l’une des fondatrices du Mouvement de libération des femmes, native de Dannemarie, et exposition estivale sur le rôle des femmes pendant la Première Guerre mondiale.

De retour dans l'espace public ?

Alors que les silhouettes avaient depuis l’ordonnance de retrait du TA de Strasbourg, trouvé refuge dans les jardins d’administrés volontaires sur appel du maire le 10 août, voici donc les silhouettes polémiques prêtes à regagner l’espace public, à moins que l'élu n’envisage le retrait des plus polémiques. Fin de la procédure judiciaire donc, mais certainement pas du débat sur la frontière entre hommage aux femmes et sexisme ordinaire…

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