Sept conseils pour mieux gérer le patrimoine immobilier de la collectivité

CChevrier
Sept conseils pour mieux gérer le patrimoine immobilier de la collectivité

Patrimoine en question : la bastide Bel-Air à Marseille

© Flickr-CC-C.Noblet

Le patrimoine constitue un réel enjeu financier pour les collectivités : il coûte cher à entretenir. Mettre en place une gestion active de son patrimoine immobilier permet aux élus de rationaliser ce parc, d’offrir le meilleur service au meilleur endroit, tout en dégageant de réelles marges de manœuvre.

Généralement, les élus s’intéressent peu à leur parc immobilier, estimant que cela est du ressort des services techniques. Nombreux sont les mauvais esprits aimant à souligner que les maires préfèrent construire du neuf, pour laisser une trace et valoriser leur mandat auprès de la population, plutôt que de réutiliser des bâtiments existants dans leur parc.

Toujours est-il que le parc immobilier des collectivités progresse toujours et encore. Si l’acte 2 de la décentralisation a contribué à l’accroissement du nombre de biens immobiliers avec le transfert notamment des collèges et des lycées mais aussi de certains monuments historiques, les collectivités ont une tendance à accumuler les bâtiments sans se poser la question de l’impact financier d’un tel choix.

Pourtant, entretenir un parc et le maintenir aux normes a un coût important. C’est pourquoi, dans un environnement budgétaire de plus en plus contraint, il est nécessaire de passer à une gestion active de son patrimoine immobilier. A l’image des grandes entreprises, les collectivités doivent valoriser leurs biens, vendre ceux dont elles n’auront pas l’utilité pour pouvoir entretenir ou racheter un bien plus adapté aux besoins de la collectivité.

1. Mener un inventaire

On ne peut gérer correctement que ce que l’on connaît bien. Réaliser un inventaire de tous les biens immobiliers de la collectivité est donc un exercice incontournable.

Dans les plus grandes, cela représente un travail titanesque : il faut reprendre tous les titres de propriété et travailler avec la trésorerie pour recenser les différents biens. Avec les transferts de l’Etat vers les collectivités, ou au niveau des intercommunalités, savoir qui a la propriété de certains bâtiments s’avère complexe.

En général, des inventaires existent déjà mais ne sont pas utilisables parce qu’incomplets et insuffisamment renseignés. Le parc des collectivités est constitué d’immeubles de bureaux et de bâtiments techniques tels que les écoles, les bibliothèques et les équipements, mais pas uniquement. Les locaux d’habitations ou commerciaux, les bâtiments prêtés à des associations sont souvent beaucoup moins suivis. Et, au fil des années, à la faveur de dons et de legs, d’achats dans le cadre d’opérations immobilières, de construction de route, des biens plus ou moins hétéroclites s’accumulent.

A l’occasion de son travail d’inventaire, la ville de Bordeaux a ainsi découvert qu’elle était notamment propriétaire d’un centre de vacances et d’une grotte en Dordogne.

A noter. L’inventaire doit donner des informations précises sur la surface du bâtiment, sa date et son mode d’acquisition, son prix d’achat, le coût cumulé des travaux effectués, son occupation ou sa non-occupation, son état de vétusté, son coût d’entretien annuel… Le régime juridique du bien doit également y figurer (recevant du public, propriété totale ou partielle, bail commercial, mise à disposition gratuite, occupation partagée…).

2. Connaître ses coûts

La Cour des comptes recommande d’attribuer un numéro d’inventaire unique à chaque bâtiment. Tous les services, qu’ils soient gestionnaires, en relation avec les structures hébergées, en charge de leur maintenance… utilisent ainsi le même numéro, ce qui facilite la collecte des informations au fil de l’eau. Toutes les données recueillies permettent qu’acquérir une connaissance exhaustive du patrimoine, une vision de sa valeur réelle, des charges afférentes à sa remise en état, de ses frais de fonctionnement.

Il existe des logiciels qui aident à organiser toute cette information. La ville de Besançon, grâce à une application informatique partagée entre plusieurs services, peut ainsi reconstituer tous les coûts d’un bâtiment (chauffage, travaux…). Elle a également calculé des coûts moyens standards au mètre carré par grand type d’infrastructures (maison de quartier, école, gymnase…).

Tous ces éléments constituent pour les services et les élus des outils d’aide à la décision. En effet, en examinant tous les coûts d’un bâtiment, on peut parfois en conclure qu’il est plus rentable de le démolir et de le reconstruire, plutôt que de coller des rustines année après année, souvent peu satisfaisantes en termes de qualité de service rendu et très consommatrices de ressources.

3. Avoir une gestion active de ses bâtiments

Accumuler les bâtiments est coûteux en entretien, en assurance… Mieux vaut donc faire tourner son stock de biens en fonction de l’évolution des besoins. La géographie d’une ville bouge, ses équipements aussi. La gestion du patrimoine ne peut donc être uniquement technique.

Il faut s’assurer que le patrimoine est utilisé à bon escient, que les surfaces sont bien optimisées et adaptées… Ainsi, la ville de Bordeaux vend chaque année cinq à dix millions d’euros de patrimoine et rachète des biens mieux adaptés aux besoins du moment ou futurs.

Les assemblées délibérantes ne doivent pas se contenter de débattre sur les investissements portant sur la construction de bâtiments neufs. C’est aussi à elles de prendre la décision de vendre les locaux dont la collectivité n’a plus besoin à moyen terme, d’acheter, de louer ou de réutiliser des bâtiments existants autrement.

Pour décider s’il faut ou non bâtir un nouvel immeuble afin de rassembler sur un même site différents services, les élus devraient savoir à combien les anciens bâtiments pourront être revendus, avoir un chiffrage des coûts de fonctionnements du nouvel immeuble, les comparer avec ceux des anciens, savoir combien coûterait une location, la réhabilitation de tel ou tel bâtiment…

A noter. Au début des années 1980, la valeur des actifs des collectivités (les ponts, les routes, le foncier, les bâtiments) était de 140 milliards d’euros dans la comptabilité nationale. Trente ans plus tard, ces actifs dépassent les 1 100 milliards. Les collectivités accumulent les biens sans se poser de questions sur les conséquences financières de cette stratégie.

4. Planifier l’entretien de ses locaux

L’entretien des biens immobiliers est très coûteux, surtout s’il n’a pas été fait régulièrement. Leur mise aux normes réglementaires est aussi source de nombreuses dépenses. Lorsque les budgets se tendent, il est tentant de rogner sur ces postes. En effet, ne pas effectuer certains travaux ou les retarder sine die, évite à court terme de détériorer ses ratios financiers.

Une ville peut sembler en très bonne santé financière alors qu’en fait, n’ayant pas entretenu son patrimoine, elle aura de très grosses dépenses à effectuer, souvent dans l’urgence. Ne pas entretenir régulièrement son patrimoine constitue une véritable bombe à retardement.

« Négliger l’entretien du patrimoine peut conduire à l’alourdissement des charges de fonctionnement par l’accélération de la dégradation du bâti provoquant des interventions plus lourdes, voire une détérioration irréversible du bâtiment », soulignait la Cour des comptes dans son rapport 2013 consacré aux collectivités.

Il est donc conseillé de mettre en place des plans pluriannuels d’investissements, afin de lisser l’effort dans le temps et d’éviter que l’entretien ne soit une variable d’ajustement du budget.

5. Grouper certaines opérations

En ayant une vision globale de leur parc et en connaissant les prochains chantiers, les collectivités peuvent coupler certains projets et optimiser les dépenses. Par exemple, elles pourront passer un même marché plomberie pour plusieurs bâtiments.

En groupant différents petits chantiers, grâce à la planification des travaux, elles obtiendront plus de réponses à leur appel d’offres et, grâce à l’effet de volume, obtiendront probablement des prix plus intéressants.

Par ailleurs, une ville qui, sur une même période, sait qu’elle va devoir détruire un site contenant de l’amiante, réhabiliter un gymnase et valoriser une parcelle foncière en construisant une nouvelle zone d’habitation, aurait intérêt là encore à coupler ces opérations qui semblent n’avoir rien en commun.

Elle aura peut-être des propositions revues un peu à la baisse de la part des promoteurs pour le projet de construction de logement, mais n’aura ainsi pas à trouver un prestataire pour la destruction ses bâtiments pollués à l’amiante, le promoteur se chargeant de trouver ce prestataire. Au global, elle sera probablement gagnante et n’aura eu qu’un projet, avec un seul interlocuteur à gérer.

6. Professionnaliser la fonction immobilière

Souvent, le service culture gère les bâtiments des bibliothèques, conservatoires et salles de spectacles, le service des sports les piscines, stades, gymnases… Le service urbanisme s’occupe lui des ventes et des achats, la direction du patrimoine prend en charge le suivi des travaux.

Cependant, certaines grandes collectivités commencent à rassembler dans un seul service toutes les compétences nécessaires pour gérer le patrimoine en termes juridiques, techniques, comptables et budgétaires. Ce service doit être capable de mener des études de besoins et d’opportunité.

Si elles peuvent s’appuyer sur les Domaines, les collectivités ont intérêt à être capable d’évaluer la valeur du bien qu’elles souhaitent vendre sur le marché. Pour les communes, cette centralisation peut s’opérer au niveau de l’intercommunalité.

7. Valoriser son patrimoine auprès des banques

Une collectivité qui a besoin d’emprunter, alors que ses ratios financiers ne sont pas très bons, peut mettre en avant la valeur de son patrimoine bâti et foncier afin de rassurer les banques. Elle leur démontre ainsi qu’elle est solvable.

Le risque étant moindre, elle obtiendra de meilleures conditions. Pour cela, il faut cependant avoir dressé la liste des biens qui sont cessibles, et avoir établi leur valeur de marché.

A noter. Un bien d’une collectivité ne peut être vendu que s’il n’est plus affecté au domaine public. Selon l’article L.2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, le domaine public d’une personne publique « est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

Actualiser la valeur de ses biens
Les collectivités connaissent la valeur comptable de leur patrimoine immobilier et non sa valeur vénale. Et, le décalage entre les deux peut être très important. En effet, certains biens, qui avaient plus de 100 ans ont été valorisés pour 1 euro symbolique, alors qu’ils peuvent être situés dans un quartier très prisé et avoir une valeur de marché très élevée.
A l’inverse, un bâtiment où des travaux très importants ont été réalisés peut avoir une valeur comptable supérieure à la valeur vénale. Les experts estiment cependant que dans la plupart des cas, la valeur du patrimoine des collectivités est largement sous estimée. Les collectivités n’étant pas taxées sur les plus-values de cession, contrairement aux entreprises, elles n’ont pas d’incitations financières à actualiser la valeur de leur patrimoine. C’est pourtant un élément important pour mener une gestion active de son patrimoine.

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