Sécurité publique : "Qui fait quoi ?" demande Villes de France

Hugo Soutra
Sécurité publique :

Etat d’urgence, sécurité renforcée

© Flickr-CC-P.Ibanez

Alors que le contexte terroriste brouille le paysage de la sécurité publique, l’association Villes de France interpelle l’Etat et demande une clarification des rôles. Face à l’accroissement des effectifs de police municipale et au retrait du terrain des forces régaliennes, la question de l’armement apparaît presque secondaire aux yeux des élus concernés…

Les « prolongations successives du régime d’état d’urgence » et, dans ce cadre, « l’extension, à priori temporaire, des missions des policiers municipaux » interrogent jusque dans les rangs des élus locaux. A quoi ressemblera, demain, la doctrine d’emploi des polices municipales ? C’est la question qu’a posé l’association pluraliste Villes de France aux élus membres de son réseau. A la quasi-unanimité (90%), ceux-ci répondent que le rôle d’une police municipale est d’être « à la fois une police de proximité qui va au contact de la population, et un relais d’information du maire. »

Est-ce le chemin que le métier prend actuellement ? A la lecture du « Panorama de la police municipale » établi par Villes de France, réactualisé donc avec les réponses d’une centaine de villes infra-métropolitaines, disposant d’un tel service pour la très grande majorité d’entre elles, il est permis d’en douter. Dans un communiqué paru le 16 janvier 2017, elle rappelle que « la police municipale doit continuer à agir en complémentarité – et non pas en substitution des forces de police de l’Etat. » Autrement dit : l’Etat ne doit pas se décharger de ses missions régaliennes sur les villes.

Evolution des missions de police municipale

Sur le terrain, il n’est en effet plus si rare de voir des policiers municipaux relayer les forces de l’ordre étatiques pour la surveillance des bâtiments sensibles, voire contribuer à des actions de maintien de l’ordre public ou d’escortes à priori réservées au pouvoir régalien. Et pour cause : la photographie prise par Villes de France nous apprend que le nombre de policiers municipaux a crû de 20% au cours des six dernières années. Une hausse qui se serait « accompagnée d’une diminution de la présence de terrain de la police nationale ou de la gendarmerie » dans un certain nombre de territoires…

Effectifs de police : un jeu de vases communicants ?

Un jeu de vase communicants d’autant plus difficile à contrer, dans le contexte terroriste actuel, que nombre de policiers municipaux se révèlent aujourd’hui équipés « presque comme leurs confrères de la police nationale ou de la gendarmerie. » Alors que toutes les villes équipées d’une police municipale ont à minima équipé leurs agents de moyens d’auto-défense (tonfa, bombes aérosol), deux tiers des élus répondants au sondage de Villes de France font état de policiers municipaux « armés de catégories B » (armes à feu, pistolets à impulsion électrique, flashballs). Ils n’étaient qu’un quart à répondre à l’affirmative, en 2010. De façon plus anecdotique, certaines villes ont même acheté des caméra-piétons pour enregistrer les interventions des PM, des casques, des tenues de maintien de l’ordre et des boucliers balistiques…

Dans tous les cas, il s’agit, à entendre les élus, de protéger leurs agents. « La légitime défense des policiers municipaux, la protection de la population ou encore la prolongation de l’état d’urgence, ont plaidé pour ce choix politique – qui relève jusqu’ici uniquement du maire » note Villes de France. Dans son éditorial, la sénatrice-maire de Beauvais, Caroline Cayeux parle « d’une véritable course à l’armement, mais justement, pourquoi faire ? » Attention, en effet, « il ne faudrait pas que pas que l’armement des agents municipaux devienne un prétexte pour les faire évoluer à la frontière du droit de leurs missions. Beaucoup de maires sont en effet attachés à la distinction entre la gestion de la sécurité et de l’ordre public qui relèvent de l’Etat, et la tranquillité publique, qui relève du seul maire » assure l’association d’élus présidée par la première édile de Beauvais, qui avait interrogé sa population par réferendum quant à la pertinence ou non d’armer sa police municipale.

"Boom" des systèmes de vidéosurveillance

L’enquête de Villes de France, qui défend les intérêts des villes moyennes, nous apprend également que 81% de ce type de communes bénéficient d’un système de vidéosurveillance filmant la voie publique – contre 73% en 2015 et 55% en 2010. Et parmi les 18 villes ne disposant pas encore de caméras, sept d’entre elles « ont précisé avoir un projet d’ouverture de réseau de vidéosurveillance cette année. » Même si ce type de dispositifs n’a pas gêné la cavale des frères Kouachi à Paris en janvier 2015 ni les repérages de Mohamed Lahouaiej Bouhlel sur la Promenade des Anglais en juillet 2016, il est donc « en plein boom » euphémise Villes de France.

« Le nombre de caméras installées sur la voie publique est de plus d’une cinquantaine dans ces villes » indique l’association, qui note « un doublement des efforts réalisés sur les six dernières années, et une extension importante des réseaux existants. » Si l’Etat participe au financement de l’achat et de l’installation des systèmes de vidéosurveillance, l’entretien est assuré par les collectivités. « Les dépenses annuelles d’équipements consacrées à la vidéo-protection sont de l’ordre de 290 000 euros en moyenne en 2016 dans ces villes. »

Méthodologie du « Panorama des polices municipales »

Résultats obtenus à partir des réponses fournies par 92 villes de France, dont Angoulême, Béziers, Douai, Laval, Limoges, Montélimar, Rillieux-la-Pape, Soissons, Thionville ou encore Vitrolles. Echantillon d’une population moyenne de 41 028 habitants, représentatifs des villes de taille infra-métropolitaines ayant une population comprise entre 15 et 150 000 habitants.

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