Sécurité publique : en finir avec le pré carré du préfet !

Hugo Soutra
Sécurité publique : en finir avec le pré carré du préfet !

Préfets : une cinquantaine de cas de dissolution qui passent mal

© Flickr-CC-Pierre.Selim

Réunissant grandes villes et métropoles, l’association d'élus "France Urbaine" estime nécessaire de revoir la gouvernance de la sécurité publique. Les préfets devraient lâcher une partie de leurs prérogatives aux élus locaux, afin de mieux faire entendre les priorités des populations et faire en sorte que la police nationale réponde aux besoins locaux.

«La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Cette sentence tirée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 12) fait écho aux revendications exprimées depuis plusieurs semaines par divers élus chargés de la sécurité dans les métropoles et autres grandes villes de France.

Réunis à Arras, fin mars, lors du premier congrès de France Urbaine, ils ont appelé à « repenser la gouvernance » de la sécurité publique en France « dans un esprit de coconstruction ». Objectif ? Disposer, eux aussi, de marges de manœuvre, aux côtés des préfets, pour influer sur les phénomènes de délinquance.

Gouvernance partagée

« Nous sommes régulièrement mis en responsabilité par nos administrés sur la persistance du trafic de stupéfiants ou la peur de rentrer chez soi en devant baisser les yeux, mais nous sommes démunis sans la police nationale. C’est insupportable », ne décolère pas le maire (PS) de Dijon, François Rebsamen, devant ses pairs.

D’où son souhait, faisant largement consensus au sein de la commission sécurité de France Urbaine, de changer rapidement le logiciel de la sécurité publique en France. « Si nous n’établissons pas au plus vite une gouvernance partagée entre les préfets et les élus métropolitains, ce sera une course sans fin, conduisant les policiers municipaux à suppléer constamment la police nationale, sans jamais répondre aux attentes de nos concitoyens », confiait-il encore lors du congrès.

Prioriser les attentes des populations locales

A les entendre, lui et ses confrères, police nationale, justice et pouvoirs locaux devraient pouvoir négocier la stratégie locale à adopter et les moyens à y consacrer. Dans les grandes villes au moins. « Quand on parle de partenariat ou de contractualisation, il faut au moins être deux. Cela doit être du donnant-donnant, ce qui n’est pas toujours le cas », euphémise François Rebsamen, qui avait un temps été pressenti pour devenir ministre de l’Intérieur.

Cette mutation d’une gouvernance centralisée vers un véritable partenariat local, « où la coopération ne se ferait plus à sens unique », permettrait d’adapter les objectifs en fonction des attentes des populations locales. Sans abandonner, bien sûr, les priorités nationales que sont la lutte contre le terrorisme ou la gestion de la crise migratoire. Les enjeux n’étant pas véritablement les mêmes à Marseille, dotée de vastes quartiers populaires en plein cœur de métropole, et d’autres grandes villes réputées plus calmes et égalitaires, les partenaires s’engageraient plutôt sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et les cambriolages ici, et les feux de poubelles, troubles de voisinage et autres incivilités là-bas.

Qualité de service

D’après Sébastian Roché, l’un de ses promoteurs, cette coconstruction collégiale des politiques pourraient faire rentrer les citoyens, à travers leurs élus du moins, dans la boîte noire de la sécurité locale. Ce directeur de recherches au CNRS, auteur de l’ouvrage « De la police en démocratie » (éd. Grasset, 2016), argue que, contrairement aux préfets, les présidents ou conseillers d’agglomération n’auront d’autres choix que de devoir rendre des comptes à leurs électeurs-habitants.

Un risque que semble prêts à prendre les membres de France Urbaine, tant il pourrait permettre d’améliorer la qualité du service rendu par la police aux citoyens et le niveau de satisfaction des usagers. Nul doute qu’il sera question de ce chantier stratégique, et pas seulement du renforcement des champs d’action des polices municipales, lors de leur prochain rendez-vous au ministère de l’Intérieur, avec leur semblable lyonnais, Gérard Collomb.

« Le partenariat n’est pas une réunion mondaine »

Gilles Nicolas, , adjoint au maire de Nantes en charge de la sécurité, ancien commissaire de police

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« La gouvernance de la sécurité entre métropoles et préfets n’a rien d’utopique ! Le gouvernement devra passer au-dessus du corporatisme du corps préfectoral, et il aurait tort de ne pas réinjecter ainsi un peu de matière grise dans les politiques de sécurité.
Le partenariat ne doit plus se résumer à ces réunions mondaines du CLSPD ((Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.)), où le patron de la police nous chante les chiffres de la délinquance. Peut-être que ce commis de l’Etat, qui ne rend de comptes à personne et change régulièrement de territoire, remplit ses objectifs lorsqu’il démantèle un trafic de stup mais il doit comprendre que la résolution de son affaire ne change rien si les forces de l’ordre ne sont pas capables, ensuite, d’occuper durablement le terrain.
Tant que les stratégies continueront d’être définies depuis Paris, au lieu d’être négociées localement avec les élus en fonction des problèmes de nos villes, le sentiment d’insécurité de nos concitoyens à Nantes ou Besançon ne diminuera pas. »

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