Sections de communes - Le transfert des biens aux communes

Bernard Poujade

Sujets relatifs :

Le Conseil d’Etat juge que les dispositions du CGCT ne portent pas atteinte au droit de propriété.

Les modalités de transfert des biens des sections de communes aux communes sont-elles conformes à la Constitution ? Oui, selon cette décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011, « M. Mongaboure » (n° 2011-118 QPC). Elle a été rendue sur saisine, le 28 janvier 2011, par le Conseil d’Etat dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L.2411-12-1 du CGCT.

La disposition contestée

Il résulte de l’article L.2411-12-1 du CGCT : « Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d’une section de commune est prononcé par le représentant de l’Etat dans le département sur demande du conseil municipal dans l’un des trois cas suivants : lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ; lorsque les électeurs n’ont pas demandé la création d’une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu’elles sont définies aux articles L.2411-3 et L.2411-5, sont réunies ; lorsque moins d’un tiers des électeurs a voté lors d’une consultation. »

Les droits et libertés en cause

Le requérant faisait valoir que ces dispositions ne prévoient aucune indemnisation des membres de la section de commune en cas de transfert de propriété de ses biens ou droits à la commune. Et qu’ainsi, elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; ce dernier prévoit que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

En l’absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

L’analyse du Conseil

En premier lieu, selon l’article L.2411-1 du CGCT, une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. En vertu de l’article L.2411-10 du même code, les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; ainsi, ils ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur ces biens ou droits. Par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de ce que le transfert des biens d’une section de commune porterait atteinte au droit de propriété de ses membres.

En second lieu, le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l’Etat et des autres personnes publiques, résultent, d’une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d’autre part, de ses articles 2 et 17 ; le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s’oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d’intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques.

Les dispositions contestées ont pour objet de permettre le transfert des biens ou droits de la section à la commune afin de mettre un terme soit au blocage de ce transfert en raison de l’abstention d’au moins deux tiers des électeurs, soit au dysfonctionnement administratif ou financier de la section. Dès lors, elles ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles en matière de propriété des personnes publiques.

Commentaire

L’article L.2411-12-1 du Code général des collectivités territoriales est donc jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Les dispositions contestées n’autorisent le transfert à titre gratuit des biens ou droits de la section que pour des motifs imputables aux membres de la section ou à leurs représentants ; au demeurant le législateur n’a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour les membres de la section une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi. Dans ces conditions, ces dispositions n’affectent pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789.

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS