Le président de la Miviludes Georges Fenech a accordé un entretien au "Courrier des maires", publié dans le mensuel en décembre 2011. Propos recueillis par Bénédicte Rallu.
Le Courrier : Comment les sectes agissent-elles ?
Les dérives sectaires se répandent dans le domaine de la santé à travers les offres alternatives à visée thérapeutique de gourous susceptibles de mettre sous emprise leurs patients. Elles se développent aussi par le biais de la formation professionnelle et d’organismes tournant autour des problématiques du coaching et du développement personnel.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a d’ailleurs signé des partenariats avec Pôle emploi pour former les contrôleurs sur le terrain et leur donner des outils de détection des organismes suspects.
Quel est l’impact de la loi About-Picard (12 juin 2011) ?
Il y a eu des avancées en matière de santé et de formation professionnelle. Le titre de psychothérapeute est encadré juridiquement, il exige une formation et une déclaration auprès de l’agence régionale de santé.
Pour la formation professionnelle, sont désormais interdits d’exercer tous ceux qui ont été condamnés pour des infractions relevant de la loi About-Picard, du trafic de stupéfiants ou des agressions sexuelles. La loi permet aussi d’exercer un meilleur contrôle sur la qualité des enseignants, des formations dispensées et facilite les contrôles par l’inspection du travail. Des polices spécialisées, les Caimades (1), dépendant de l’Office central pour la répression des violences faites aux personnes, apportent une assistance technique aux enquêteurs.
Quelles actions avez-vous engagées ?
Nous avons institué auprès du directeur général de la santé un groupe d’appui technique chargé d’évaluer toutes les pratiques non conventionnelles de soins pour informer le public sur leur éventuelle dangerosité.
Dernièrement, nous avons développé des campagnes d’affichage pour alerter les malades du cancer sur des offres alternatives de soins pouvant conduire à des ruptures dans leur traitement et donc à une perte de chance de guérir.
Y a-t-il des actions au niveau international ?
La Miviludes se mobilise pour convaincre les partenaires européens de la France de développer une coordination européenne de protection des mineurs contre les organisations sectaires.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) travaille à une proposition de résolution [APCE, Doc. 12595, 18/04/2011] sur cette question, dont le rapporteur est le député français Rudy Salles.
Quels problèmes les élus rencontrent-ils sur le terrain ?
Le maire peut être confronté au phénomène sectaire lorsqu’une organisation demande un prêt ou une location de salle pour une conférence, fait du prosélytisme sur la voie publique, sur un marché, lors de la délivrance d’un permis de construire et, de plus en plus, dans le cadre de salons thématiques (bien-être, écologie, développement personnel, zen…).
Ces derniers mois sont symptomatiques de dangerosité en raison de la préparation de la fin du monde en 2012 par plusieurs mouvements.
L’élu, le maire en particulier, est aux avant-postes et joue un rôle prépondérant en matière de lutte contre la délinquance.
A ce titre, il a des obligations concernant notamment les mineurs et les enfants que l’on déscolarise pour les instruire dans les familles. Mais les élus doivent être extrêmement vigilants sur le fait de ne pas prendre de décisions discriminatoires.
Les mouvements sectaires infiltrent-ils les administrations ?
A travers la formation professionnelle, certains pratiquent l’entrisme auprès des entreprises, des administrations. Ce n’est pas quelque chose de très important mais cela reste signifiant.
La vraie question n’est pas l’appartenance d’un fonctionnaire à un mouvement, mais de voir si cela a une incidence sur le fonctionnement de la collectivité, de l’administration et s’il y a mise en danger des personnes, notamment des enfants.
Vers qui les élus peuvent-ils se tourner ?
Les élus peuvent interroger la Miviludes par lettre, par mail, consulter le site de la mission interministérielle, utiliser le guide pratique des collectivités locales que nous avons édité et qui offre des grilles de lecture, ainsi que le guide de l’agent public.
Nous sommes là pour répondre dans des délais rapides (nous recueillons entre une et cinq saisines par semaine).
Les élus ont aussi la possibilité de se mettre en rapport avec le correspondant des dérives sectaires au sein de la préfecture, qui est très généralement le directeur du cabinet du préfet.
Pour certains dossiers, nous pouvons prendre des initiatives en direction des administrations compétentes (préfectures, DDT…) puisque nous sommes chargés de la coordination des moyens de l’Etat.
Comment pallier la disparition des cellules départementales de vigilance ?
Ces cellules ont été restaurées en 2009 par une circulaire ministérielle qui a institué les groupes de travail restreints à dimension opérationnelle (GTRDO). Une circulaire du 2 avril 2011 vient de le rappeler.
Ces groupes sont une émanation thématique des conseils départementaux de prévention de la délinquance. Ouverts aux associations de défense des victimes, ils se consacrent uniquement à la question des dérives sectaires et se réunissent au moins une fois par an.
Note
(1) Cellules d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires
BIO EXPRESS
Georges Fenech, ancien magistrat, a présidé la Miviludes du 1er octobre 2008 au 31 juillet 2012.
Il a été député (UMP) du Rhône de 2002 à 2008 et vice-président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale.
Elu député de la 11e circonscription du Rhône aux législatives de 2012, il a alors démissionné de la présidence de la Miviludes.
Contact
Miviludes, tél. : 01.42.75.76.08
Courriel : miviludes@pm.gouv.fr
Site web : www.miviludes.gouv.fr