Activités périscolaires
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Depuis le décret autorisant les collectivités à repasser à la semaine de 4 jours, nombre de communes se retrouvent aujourd’hui confrontées à un dilemme. Devant les élus, le ministre de l’Education a réaffirmé sa neutralité idéologique quant à leurs choix et évoqué son futur projet visant à muscler les mercredis (extra-scolaire) d’un point de vue éducatif. Toutes les communes seraient accompagnées…
Selon une enquête réalisée par l’Association des Maires de France (AMF) cet automne ((6 500 communes ou intercommunalités ont répondu, soit un tiers des collectivités démarchées par l'AMF)), 43 % des communes ont d’ores et déjà fait le choix de repasser à la semaine de 4 jours lors de la rentrée de septembre 2017. « Et sur les 57% restantes, la moitié se dite prête à faire ce choix lors de la rentrée 2018 » a complété Agnès Le Brun, maire de Morlaix et rapporteur de la commission Education à l’AMF, lors d’un atelier dédié aux rythmes scolaires.
Si le décret signé fin juin par le ministre a bien été perçu comme une « liberté rendue aux maires » selon les mots d’Agnès Le Brun, sa date de publication tardive ajoutée à l’annonce de la diminution des contrats aidés (souvent utilisés par les collectivités pour les postes d’animateurs des temps d’activité périscolaire, TAP) ont pourtant plongé nombre de maires dans des situations cornéliennes en plein cœur de l’été.
Trois élus sont venus témoigner de l’état de leurs réflexions et des choix qu’ils ont (ou non) opérés.
La semaine de 4 jours... dès la rentrée 2017 à Les Echelles (Savoie)
Selon le maire de la petite commune (1 250 habitants), une conviction et trois raisons objectives ont emporté cet été sa décision, et ce malgré un fonctionnement en 4 jours et demi jugé « très satisfaisant » par une majorité des parents d’élèves.
« La conviction, c’est le fait que nous n’avons pas la certitude que ce rythme de 4,5 jours est meilleur que les autres pour l’apprentissage des enfants et leur réussite » a plaidé Cédric Vial. Un maire qui estime en outre, que la charge financière pesant sur sa commune (18 000 euros la première année, 24 000 la seconde) devenait trop lourde à supporter. Ce coût – 2,5% du budget annuel de la commune – augmentant face aux demandes croissantes des intervenants externes, sans être compensé par la participation des parents ni de l’Etat.
Deuxième raison évoquée par ce maire : la responsabilité. « Nous avions des animateurs qui changeaient tout le temps et qui ne connaissaient pas les parents. Parfois, je me disais que c’était un miracle que rien de grave ne se soit jamais produit » analyse-t-il. Enfin, Cédric Vial raconte le poids que représentait ces TAP pour son adjointe à l’Éducation et la secrétaire de mairie, seules en charge des inscriptions et du contact avec les animateurs. « Nous n’avions pas les moyens d’embaucher quelqu’un ».
Après quelque deux mois de fonctionnement en semaine de 4 jours, le maire des Echelles ne regrette rien de cette décision (plébiscitée par les parents). Mais entrevoit tout de même deux bémols pour les « personnels municipaux qui complétaient leur revenu grâce aux TAP » et certains enfants « qui n’ont plus accès à certaines activités ».
Le maintien de la semaine de 4,5 jours à Soueich (Haute-Garonne)
« Quand le décret est sorti, nous n’avons pas tout de suite voulu trancher. Nous avons pensé aux économies possibles mais nous voulions nous laisser le temps de la réflexion » a expliqué Brigitte Ségard, maire de Soeich (500 habitants).
Ces dernières semaines, l’élue a donc fait le tour des différentes parties prenantes (« les enseignants sont en faveur du maintien de leurs cinq demies-journées de travail ; quant aux parents, aucune majorité ne s’est vraiment dégagée ») et des contraintes induites. Notamment la question du transport - car les enfants du village sont transportés en même temps que les collégiens - et celle « épineuse » du mercredi matin. En effet, la compétence extra-scolaire ayant été transférée à l’intercommunalité, l’élue n’était pas « en mesure de proposer une solution pour les parents sans solution alternative le mercredi matin, en cas de basculement vers la semaine de 4 jours ».
Enfin, les coûts et les économies ont été évalués mais « finalement nous avons voté en faveur du maintien de la semaine de 4 jours et demi, car nous n’avons pas voulu réduire cette question à une simple question comptable » raconte Brigitte Ségard, qui assure aussi « vouloir lutter contre l’isolement de ses petits élèves, qui parfois rentrent à la maison et sont seuls dans leur village de 45 habitants. Nous voulons lutter contre les pratiques individuelles de l’écran, même si cela implique des sacrifices. Forcément. »
Libourne (Gironde) ... encore en réflexion !
« Sur notre agglomération, certaines communes sont déjà revenues à 4 jours. Mais nous, cela nous gênait d’être dans la réaction immédiate » témoigne Thierry Marty, adjoint au maire de Libourne (25 000 habitants). Avant de poursuivre : « et nous ne voulions pas passer par un référendum, car, cette question des rythmes scolaires nous semble globale et ne peut être résumée par un simple bulletin ‘oui’ ou ‘non’ ».
Comme la commune de Soueich, Libourne a donc fait le tour des acteurs de l’Education pour recueillir leurs avis (enseignants, mais aussi inspecteur d’académie et recteur)…avant de proposer aux parents de voter sur 4 propositions différentes (deux à 4 jours et deux sur 4,5 jours) variant en fonction des horaires d’entrée et de sortie de l’école. Les parents devaient voter en classant les propositions de la pire à la meilleure.
Mais face à des résultats très partagés (deux propositions – 4 jours et 4,5 jours - ont obtenu 60 % des suffrages), la mairie a décidé… de se laisser encore le temps de la réflexion. « Nous avons beaucoup de familles monoparentales et la question du mercredi matin nous interroge beaucoup, ainsi que celle de ne pas laisser certains enfants rester dans leur quartier toute la journée » conclut Thierry Marty.
Le ministre de l'Education se penche sur les activités extra-scolaires
Jean-Michel Blanquer, intervenu au tout début de l’atelier, a justement évoqué cette question du « mercredi » et annoncé son souhait de muscler, d’un point de vue éducatif, les activités extra-scolaires, en accompagnant les communes dans cette montée en qualité à travers les fonds de la CAF et peut-être ceux de l’Etat. Même celles ayant choisi de revenir à 4 jours.
Le ministre a par ailleurs rappelé que son décret n’était pas une incitation à repasser à la semaine de 4 jours, mais devait être perçu simplement comme un assouplissement face à des communes en difficulté. Une souplesse et une liberté de choix qu'avait aussi mises en avant le Premier ministre la veille.
« Pour réduire les inégalités, il faut surtout travailler sur la qualité des matinées scolaires »
Pour Eric Charbonnier, spécialiste des questions d’Education à l’OCDE, on a « confondu les problèmes liés au temps scolaire et au temps périscolaire ». Selon l’économiste, la France est l’un des pays européens les plus inégalitaires en Europe et « ce que l’on apprend en regardant nos voisins, c’est que ceux qui ont réussi sont ceux qui ont misé sur la qualité ». En clair : le vrai moteur de la réussite de nos enfants, ce ne sont pas les activités périscolaires mais les activités scolaires et donc les enseignants avec leurs qualifications, leurs formations, leurs expériences etc.. Et cet expert de noter que c’est « plus simple de réussir de bonnes matinées d’école lorsque le rythme est sur 5 jours que sur 4 ».