Rythmes scolaires : assouplissements et rallonge budgétaire ne contentent pas encore les maires

Aurélien Hélias
Rythmes scolaires : assouplissements et rallonge budgétaire ne contentent pas encore les maires

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© Flickr/Chris230

Le ministre de l'Education Benoît Hamon a accordé aux communes un droit à l’expérimentation qui doit leur permettre d’adapter la nouvelle organisation des temps scolaires à leurs contraintes. Les maires apprécient cet assouplissement… mais demandent davantage.

A quatre mois de la rentrée scolaire 2014-2015 qui doit voir toutes les écoles maternelles et primaires se mettre en conformité avec les nouveaux rythmes scolaires, la réforme « Peillon », du nom de l'ancien ministre de l’Education nationale, fait l'objet d'un assouplissement réglementaire.

Objectif affiché : offrir un peu de souplesse aux communes ou regroupements de communes qui peinent à mettre en œuvre la nouvelle organisation du temps scolaire telle que formalisée dans le décret n°2013-77 du 24 janvier 2013.

Lire notre décryptage de ce décret : Retour à la semaine de 4,5 jours, à partir de septembre 2013 ou 2014

Le gouvernement tente ainsi de répondre aux critiques toujours aussi virulentes qui émanent des maires. Mais au vu des réactions, ce résultat est loin d'être acquis.

Dans son article 1, le décret signé le 7 mai 2014 (JO du 8 mai) par le nouveau ministre, Benoît Hamon, prévoit que « le recteur d'académie peut autoriser à titre expérimental des adaptations à l'organisation de la semaine scolaire dérogeant aux dispositions des alinéas 1, 2 et 4 de l'article D521-10 du Code de l'éducation ».

En d'autres termes, ces expérimentations qui pourront être mises en œuvre sur demande conjointe des communes et des conseils d'école, pour une durée de trois ans, permettront de déroger à la semaine de 24 heures répartie sur 9 demi-journées, dont le mercredi matin (à raison de 5h30 maximum d'enseignement par jour ou 3h30 par demi-journée).

Des marges de manœuvre très encadrées
Cette possibilité d'aménagement reste toutefois encadrée. La durée de l'enseignement ne pourra pas être répartie sur moins de 8 demi-journées par semaine, dont 5 matinées. Il n'est pas question de rester ou revenir à la semaine de 4 jours.

Quant aux 3 heures d'activités pédagogiques complémentaires confiées aux communes, elles pourront être regroupées dans une demi-journée.

Quoi qu'il en soit, la durée d'enseignement ne pourra pas dépasser 24 heures hebdomadaires, 6 heures quotidiennes et 3h30 par demi-journée. Elle pourra être inférieure à 24 heures. Mais afin de respecter la durée annuelle d'enseignement de 864 heures, l'expérimentation devra prévoir des modalités de récupération des heures non accomplies, en ponctionnant les seules vacances scolaires d'été.

Des modalités d'expérimentation jugées trop floues
A l'annonce de ce décret, l'Association des maires de France s'est montrée perplexe. Elle qui « a réclamé dès le départ un cadre réglementaire assoupli pour tenir compte des contraintes de terrain » attend des précisions. Elle demande à en savoir plus sur les modalités de prise en compte des spécificités des écoles maternelles. Elle souhaite des garanties sur l'harmonisation des normes d'encadrement prévues par le ministère de l'Education et celui de la Jeunesse dans le cadre des accueils périscolaires (notamment ceux qui seront regroupés, à titre expérimental, sur une demi-journée).

Les maires de France attendent que les communes qui ont mis en œuvre les nouveaux rythmes scolaires à la rentrée 2013-2014 et celles qui ont d'ores et déjà défini leur projet pour la prochaine rentrée, puissent s'emparer, si elles le souhaitent, des possibilités d'assouplissement offertes par le nouveau décret. Sur ce point, les annonces du ministère et le décret ne disent rien.

Des attentes financières à moitié satisfaites
Les maires de petites villes (APVF), eux, focalisent leur réaction sur l'annonce de la reconduction du « fonds d'amorçage » pour la rentrée de l'année scolaire 2015-2016. Ce fonds avait été créé pour soutenir l'effort des collectivités imposé par la réforme. Son attribution a, depuis sa création, connu quelques changements. En l'occurrence, outre sa reconduction, le nouveau ministre a indiqué que son montant serait « calibré pour répondre aux communes connaissant de grandes difficultés ».

Satisfaite de cette annonce, l'APVF continue toutefois de réclamer, à l'instar de l'AMF, la pérennisation de ce fonds, « indispensable »  pour les « communes [qui] seront confrontées à une baisse importante des dotations de l'Etat » durant trois ans. Elle ajoute que ce fonds devrait être mis selon elle « en cohérence avec le dispositif réglementaire de la réforme sur le taux d'encadrement ». Si un assouplissement homogène de ces taux n'était pas possible, l'association demande que le fonds soit augmenté en conséquence.

« L'important, c'est de commencer »
Même réaction du côté des maires ruraux (AMRF) qui reprochent au fonds son « insuffisance en volume » et le fait qu'il cible les communes en grande difficulté, laissant de côté les communes « simplement en difficultés ». « N'oublions pas, par ailleurs, que la DGF versée aux communes rurales représente la moitié de ce que perçoivent les communes urbaines, rappelle le président de l'Association des maires ruraux de France, Vanik Berberian. Or, une heure d'animation ou un litre d'essence ont le même coût partout. »

A mon sens, on s'éloigne un petit peu de l'esprit d'origine qui était d'alléger la journée scolaire ».

Vanik Berberian

Quant aux assouplissements prévus dans le décret, « ils permettent de tenir compte des réalités locales, reconnaît le président de l'association. Même si, à mon sens, on s'éloigne un petit peu de l'esprit d'origine qui était d'alléger la journée scolaire ».

Lire notre entretien avec Vanik Berberian : "Ne pas sacrifier l'intérêt de la réforme à des impératifs de calendrier" (mars 2013)

Lire notre article Les maires ruraux demandent la pérennisation du fonds d’amorçage (juin 2013)

Opposés à l'idée d'une date butoir comme à celle d'un moratoire qui repousserait aux calendes grecques la mise en œuvre de cette réforme qu'ils jugent importante, les maires ruraux insistent : « L'important, c'est de commencer ».

« La question des rythmes est un élément de la refondation de l'école que nous appelons de nos vœux, insiste Vanik Berberian. Mais ce n'est pas une réforme qui peut se faire en deux temps trois mouvements. Même si la mise en œuvre est imparfaite au début, commençons, et progressivement nous ferons en sorte que les choses s'améliorent. »

Une enquête AMF/Cnaf auprès des communes

L'Association des maires de France et la Caisse nationale d'allocations familiales lancent une enquête auprès des 24 000 communes ayant une école afin d'anticiper les conditions de mise en œuvre de la réforme en septembre 2014. L'objectif, même si tous les projets ne sont pas encore arrêtés, est de permettre à la Cnaf d'évaluer les besoins et leurs incidences éventuelles en termes de financement par les CAF.

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