Après l'accident nucléaire de Fukushima, au Japon, le Premier ministre François Fillon a annoncé, le 15 mars 2011, une inspection des 58 réacteurs nucléaires français, dont les résultats seront rendus "intégralement publics". Les communes limitrophes des centrales soulignent une prévention insuffisante. Témoignage et avis d'expert.
"Nous sommes prêts dans un rayon de 10 km"
Alexis Calafat, maire de Golfech (82),
président de l'Association des représentants des communes d'implantation de centrales et établissements nucléaires (Arcicen*)
"Ce qui se passe au Japon montre que nous ne sommes pas à l'abri d'un accident. En France, les communes sont assez bien préparées au post-accidentel dans un rayon de 10 km.
Les plans communaux de sauvegarde sont à jour, nous sommes bien informés et, contrairement au Japon, les habitants ont déjà des comprimés d'iode: nous nous sommes battus pour ça.
Cependant, il existe des problèmes de formation et d'information au-delà de ce rayon.
De plus, ce rayon des 10 km ne correspond à rien, il faudrait l'adapter aux données du terrain comme les vents dominants... Un autre point faible des dispositifs est le volet indemnisation des victimes.
Il y a quelques années nous nous sommes rendus compte que l'enveloppe financière prévue était misérable par rapport aux risques encourus. Nous avons monté une commission des activités nucléaires, que j'anime au sein de l'Anccli (Association nationale des comités et commissions locales d'information).
Après deux ans de travail, nous allons présenter en mai une synthèse de nos travaux, avec pour objectif l'obtention d'une enveloppe à la hauteur du risque. Un autre point dont il faudrait débattre concerne les niveaux de dose à partir desquels il est possible d'envisager un retour sur les territoires touchés. Enfin, il faudrait avoir le courage d'organiser des exercices inopinés, en conditions météorologiques réelles ! Ces exercices réserveraient certainement des surprises, dont on pourrait tirer les enseignements."
"Mettons les citoyens au centre des dispositifs de prévention"
Patrick Lagadec, directeur de recherche à l'Ecole polytechnique,
expert en problématiques de gestion de crise
"Il en est du risque nucléaire comme des autres risques d'envergure. Les responsables ont leur rôle à jouer. Cependant, pour se préparer à l'impensable, la clé est la créativité partagée, non le suivi conforme. Ne disons pas aux citoyens : "Ne faites rien, attendez les instructions". Inversons nos logiques.
Aidons les habitants des communes exposées à trouver eux-mêmes des réponses adaptées. Les citoyens doivent être au centre de la dynamique de préparation et d'intervention. Sinon, le rejet est quasi certain, quels que soient les efforts de communication.
Les maîtres mots : écoute, confiance, partage de l'action concrète, apprentissage en commun.
Les élus locaux sont les mieux placés pour engager cette démarche de proximité et la marier avec les logiques plus régaliennes.
Par exemple, organiser des exercices avec les citoyens, en partant de leurs attentes spécifiques: quels problèmes auriez-vous ? Qu'est-ce qui vous serait le plus utile ? On peut imaginer dans une classe un atelier "pastille d'iode". Les enfants, les enseignants et le chauffeur de bus réfléchiraient à la problématique : comment les récupérer, que faire avec... Au Japon, les enfants sont invités à parcourir leur ville et à dessiner la carte des points où ils pourraient trouver de l'aide en cas de séisme. Une fois qu'ils ont fait cet exercice, eux-mêmes, ils ne l'oublient pas. C'est leur exercice."
(*) L'Association des représentants des communes d'implantation (et des districts s'y rattachant) de centrales et établissements nucléaires est une association à but non lucratif (loi 1901) qui regroupe l'ensemble des représentants élus des communes d'implantation et des intercommunalités s'y rattachant, des centrales et établissements nucléaires.
Article publié dans "le Courrier des maires et des élus locaux" du 7 avril 2011