"Revoir la loi Notre ? Chiche !" L'appel d'André Laignel à Emmanuel Macron

Aurélien Hélias
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BOURBON Christian - 26/02/2019 17h:02

La Loi Notre nous a enlevé la quasi totalité de nos compétences communales pour une pseudo mutualisation ! erreur les plus petits sont toujours perdants dans les regroupements. La proximité devient très aléatoire et la démocratie n’existe plus. Les Maires sont devenus inexistants, les bureaux des CC sont des petites dictature, pas forcément très compétents puisque c’est les intérêts personnels et arrangements entre certains qui ont constitué les bureaux. De plus le montant cumulé des indemnités est très déraisonnable ! le Président et les VP sont de fait des fonctionnaires interco. je

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André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF et président du Comité des finances locales

© V. Vincenzo

Maintes fois interpellé sur les intercommunalités XXL et les fusions imposées par les préfets lors de sa tournée auprès des maires, Emmanuel Macron a ouvert la porte à des "corrections" de la loi Notre ayant imposé des seuils de 15 000 habitants minimum, sauf dérogation. "Chiche !" lui répond aujourd'hui le n°2 de l’Association des maires de France, André Laignel. Alors que les deux hommes se sont affrontés sur le sujet des dotations, le président de la communauté de communes du Pays d’Issoudun (Indre) et du groupe intercommunalité de l'AMF appelle le chef de l'Etat à rouvrir les dossiers gouvernance, périmètres et compétences des EPCI.

Par André Laignel,  premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF) et maire (PS) d'Issoudun

"L’intercommunalité est désormais une pratique quotidienne pour nos communes. Comptant parmi les premiers maires à avoir créé une communauté de communes dès 1992, je me réjouis de cette situation : la coopération entre les communes leur permet d’assurer des services publics dont elles n’auraient seules ni les capacités ni les moyens.

Bien que l’immense majorité des communes ait fait le libre choix de se regrouper en intercommunalité hors de toute contrainte de l’Etat, les gouvernements successifs ont décidé depuis plusieurs années d’imposer une certaine intercommunalité sur l’ensemble du territoire. La loi RCT de 2010 puis la loi Notre de 2015 – que j’ai toutes deux combattues – ont en effet traduit une vision technocratique, de l’intercommunalité. L’esprit de la décentralisation aurait commandé que l’Etat encourage les synergies locales, à l’initiative des élus et sur la base des défis rencontrés dans chaque territoire. Il a, au contraire, choisi la voie de l’uniformité, fondé sur la certitude dogmatique que les communes françaises sont trop nombreuses et qu’il convient de les dissoudre au sein d’une carte intercommunale « rationalisée ».

Cette vision est une impasse. Passer de l’interco choisie à l’interco forcée conduit aujourd’hui à affaiblir sa légitimité et son efficacité. En matière d’organisation territoriale comme ailleurs, « écarquiller n’est pas voir ».

Les maires sont des élus responsables, respectueux des lois de la République. Ils ont joué le jeu de la concertation des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), malgré l’autoritarisme de beaucoup de préfets. Des conseils communautaires comptant parfois plus de 100 membres ont été installés. Des intercos ont été fusionnées de force au nom du « big is beautiful » en créant une identité artificielle pour ces nouveaux espaces. Nous avons bouleversé l’organisation de nos collectivités, de leurs agents, des services publics, pour tirer tant bien que mal les conséquences des transferts obligatoires de compétences. Nous avons tenté d’organiser les solidarités entre les communes, malgré des modes de calcul des dotations devenus obsolètes. Bref, nous avons fait le travail.

Le danger serait pourtant grand de confondre résignation et adhésion. Les difficultés d’hier n’ont pas disparu, bien au contraire. Refuser de les voir serait aujourd’hui le pire service à rendre à l’intercommunalité. L’enquête menée par le Cevipof, à la demande de l’AMF, a fait office de révélateur en mettant au jour le malaise perçu massivement par les maires : 75% d’entre eux soulignent les effets négatifs des changements qui ont affectés l’intercommunalité.

Prétendre que l’intercommunalité peut prospérer sans des communes fortes constitue un contresens profond qui méconnaît la réalité de ce qu’est la décentralisation, mais aussi la relation qu’ont les Français avec leurs maires. Il est donc temps, en responsabilité, de réorienter le régime de l’intercommunalité pour que celle-ci demeure un outil utile et souvent nécessaire au service des communes.

Cet exercice, le président de la République semble nous y inviter. Il a annoncé à plusieurs reprises ces dernières semaines que tout devait être mis sur la table. Que la loi Notre devait être revue. Que la législation pouvait évoluer, y compris en matière de gouvernance, de périmètre et de compétences. Je dis : « chiche ! ».

Les maires et les présidents d’intercommunalité ont entendu cet appel et sont prêts à se mettre au travail sans plus attendre. Nous avons d’ores et déjà de nombreuses propositions à formuler. Il faut également que l’exécutif s’engage à y répondre, à la mesure – considérable – de nos attentes. A l’issue du grand débat, l’ouverture d’une véritable négociation serait la méthode à la fois attendue et adaptée. Une mauvaise réponse à de tels espoirs ne pourrait que raviver la défiance des élus locaux, dont on a mesuré le rôle indispensable ces dernières semaines.

S’agissant de l’avenir de l’intercommunalité et de la révision de la loi Notre, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité entend donc saisir l’opportunité. C’est dans cet esprit que nous organisons le 5 mars une grande rencontre ouverte à l’ensemble des présidents d’EPCI. Il s’agira de dégager collectivement des propositions ambitieuses et cohérentes avec la réalité vécue par les élus et les citoyens.

Le président de la République semble avoir compris qu’en matière d’intercommunalité la fuite en avant est un aveuglement. Défenseur de la commune donc promoteur de l’intercommunalité, je suis convaincu qu’il existe un chemin engagé et pragmatique pour avancer ensemble."

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