Révision constitutionnelle : les lignes rouges tracées par l'AMF pour les communes

Aurélien Hélias
Révision constitutionnelle : les lignes rouges tracées par l'AMF pour les communes

100 eme congres des maires

En prévision de la présentation en conseil des ministres le 9 mai des projets de loi de réforme des institutions, l’Association des maires dirigée par François Baroin diffuse « sa » révision constitutionnelle pour les collectivités. Où il est autant question de ce qu’elle veut introduire – pouvoir d’adaptation local, statut particulier de la commune, impossibilité de voter au Parlement des amendements accroissant les charges des collectivités – que ce dont elle ne veut pas entendre parler, comme la limitation du cumul des mandats dans le temps ou un pouvoir réglementaire aux régions synonyme selon elle de tutelle sur les communes.

Le 4 avril dernier, le Premier ministre présentait les grandes lignes de la réforme des institutions, composée de trois projet de lois dont un visant à modifier la Constitution. Cinq semaines plus tard, le 9 mai, les textes seront présentés officiellement en conseil des ministres. Un laps de temps utilisé par l’Association des maires de France pour écrire noir sur blanc sa propre réforme constitutionnelle, du moins les dispositions visant les collectivités.

Dans sa révision de la loi fondamentale, la « puissante AMF » se distingue d’abord de l’exécutif par… ce qu’elle ne veut pas voir écrit, y compris sur des chapitres où elle partage les objectifs gouvernementaux. L’attribution de compétences différentes à des collectivités d’une même catégorie ? « Les dispositions constitutionnelles existantes sont suffisantes pour permettre à la loi d’organiser différemment l’attribution des compétences entre collectivités », assure-t-elle en s’appuyant sur l’avis du Conseil d’Etat. Raison de cette timidité : l’attachement de l’association au « principe de d'égalité entre collectivités », qu'elle lie à celui de non-tutelle  entre collectivités.

Raison également pour laquelle l’association se dit opposée à un pouvoir réglementaire local généralisé qu’on imagine être celui que l’Etat pourrait attribuer aux régions. L’AMF « continue de s’opposer à ce que les communes et les intercommunalités soient confinées à un rôle de sous-traitant dans la mise en œuvre opérationnelle des politiques qui seraient décidées par d’autres niveaux, à travers notamment la reconnaissance d’un pouvoir réglementaire local ». Et de préférer l’introduction d’un pouvoir de dérogation aux dispositions législatives et réglementaires en faveur des collectivités « chacune pour ce qui les concerne et pour un objet limité ». Un champ bien plus restreint donc, celui de la simple « amélioration de certaines obligations ou procédures : dispositions dans le projet de loi sur l’alimentation sur les quotas en matière de restauration collective, loi littoral, adhésion de la commune nouvelle issue d’une intercommunalité à un nouvel EPCI. » illustre-t-elle.

Même relevé, le seuil du non cumul dans le temps ne passe pas

Pour l’association d’élus, il n’est pas non plus question de s’engager sur la limitation dans le temps du cumul des mandats et ce même si le seuil d’application a été relevé par le Premier ministre aux collectivités de 9000 habitants – le chef de l’Etat avait évoqué 3 500 habitants lors du Congrès des maires de novembre dernier -, exemptant de fait une large partie des quelque 36 000 maires . Disposition qui « sanctionne l’expérience acquise », la limitation du cumul dans le temps est aussi dénoncée comme une restriction du mandat des 524 280 élus municipaux (et intercommunaux), à travers « cette mesure qui constitue une atteinte grave à la liberté de l’électeur et à la liberté des conseils municipaux puisque le maire est élu parmi eux ».

En revanche, l’AMF souhaiterait réserver une place à part aux commune dans l'article 72 de la Constitution par rapport aux autres collectivités, pour mieux valoriser et protéger la clause générale de compétence, qu’elle est désormais la seul à détenir depuis la loi Notre, et le rôle des maires en tant qu’agents de l’Etat sur certaines de leurs missions.

Prise en compte resserrée des "ressources propres" des collectivités

Au-delà du symbole, l’AMF voudrait surtout largement réécrire l’article 72-2 de la Constitution dédié aux ressources propres des collectivités. D’une part pour prévoir que seules, au sein des ressources fiscales, sont considérées comme telles « celles sur lesquelles les collectivités ont la maîtrise des taux » ; et, d’autre part, pour éviter « qu’une éventuelle baisse des dotations conduise à faire augmenter mécaniquement le ratio d’autonomie en violation de la philosophie portée par l’article 72-2 et son principe d’autonomie financière ». Les ressources propres ne comporteraient plus les impositions « dont la loi détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette », mais les seules ressources où les collectivités fixent la totalité de l’assiette, le taux ou le tarif », une modification qui nécessiterait la modification du code général des collectivités dans son article LO 1114-2 issu de l'article 3 de la loi organique du 29 juillet 2004.

Toujours au sein de ce large chapitre financier, l’AMF voudrait constitutionnellement interdire toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses publiques locales et qui ne prévoirait pas un transfert de « ressources strictement proportionnées et déterminées par la loi à partir d’une étude d’impact », loi qui devrait obligatoirement être votée antérieurement à la loi de finances prenant en compte ces missions et donc ces charges supplémentaires.

Des parlementaires empêchés d'imposer de nouvelles charges publiques locales

Dans la même veine, l’AMF verrait d’un bon œil l’application impérative aux amendements parlementaires aggravant les charges des collectivités de l’article 40 de la loi fondamentale interdisant à ce jour les amendements créant une charge publique, une disposition qui reste souvent soumise à l'interprétation du Conseil constitutionnel.

Enfin, de manière préventive, le Comité des finances locales (CFL) comme le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) devraient obligatoirement être consultés sur tout projet ou proportion de loi impactant le secteur public local (art.72).

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