A la veille du nouvel acte de décentralisation, 1 élu sur 3 souhaite son renforcement (29 %) et 1 élu sur 5 le transfert de nouvelles compétences (19 %). Si l’on additionne les réponses à ces deux items, 48 % des répondants (8 points de plus qu'en 2011) souhaitent un renforcement de la décentralisation. Sur la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, leur jugement est plus nuancé.
Le scepticisme des communes de moins de 5 000 habitants, très lisible lors du Baromètre du Courrier des maires 2011, se dissipe. Si plus d’un tiers de ces répondants souhaitait, en 2011, la "recentralisation" de certaines compétences, seul 1 sur 4 l’espère encore en 2012.
Selon les élus, l’approfondissement de la décentralisation doit se traduire, avant tout, par une "remise en ordre et en lisibilité du paysage" institutionnel, comme l’indique Martin Malvy. Deux chantiers sont prioritaires : la clarification des compétences et la simplification des normes.
Fracture urbains/ruraux
Soulevées chacune par deux tiers des répondants, ces questions révèlent en réalité une fracture.
En effet, si la première constitue le premier choix de réponse des élus de plus de 20 000 habitants, ceux des zones rurales mettent en avant la régulation réglementaire, rejoignant les 78 % de maires de moins de 3 500 habitants qui évoquaient ce point lors des Etats généraux de la démocratie territoriale (EGDT), irrités de devoir appliquer des textes normatifs inadaptés à leurs besoins et à leur budget.
Non-cumul : 67% sont pour
L’attente forte d’un statut de l’élu modernisé est largement confirmée, notamment pour 1 répondant sur 2 issu des villes de 20 000 à 50 000 habitants… Une avancée que le président de la République a confirmée, le 5 octobre, devant les Etats généraux du Sénat. Mais qu’il conditionne à la fin du cumul des mandats, "meilleure manière de justifier ce renforcement", selon lui. Message reçu : 67 % des élus ayant répondu à notre Baromètre estiment que la suppression du cumul parlementaire-exécutif local est "une bonne chose".
La refonte de la fiscalité locale peut attendre
Plus surprenant, en revanche, la réforme de la fiscalité locale, "priorité des priorités" en 2011 pour 70 % des élus, chute en 4e position de leurs attentes, plus de 1 élu sur 2 ne la citant même pas.
"Des élus exigeants"
Yves Krattinger,
sénateur de la Haute-Saône, président du comité de pilotage des Etats généraux de la démocratie territoriale
"Un élu sur deux souhaite un renforcement de la décentralisation. Est-ce à dire qu’un élu sur deux désire le statu quo, voire une recentralisation de certaines compétences par l’Etat ? Certainement pas ! Mais, en personnes avisées, les exécutifs locaux refusent de se lancer sans être assurés de pouvoir travailler dans les meilleures conditions.
Il n’est pas question, par manque de moyens ou excès de charges, de risquer de mal faire, surtout à quelques mois des élections… D’où l’exigence d’un paysage territorial clarifié, avec des relations apaisées entre l’Etat et les collectivités, des normes assouplies, et un statut de l’élu digne de ce nom qui reconnaisse enfin le travail accompli, tout en protégeant ceux qui, désormais, y consacrent de plus en plus de temps."
Jugement mitigé sur la réforme de 2010
Alors qu’un élu sur deux rejetait, l’an passé, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités (RCT), le temps a rendu les élus locaux plus réservés : aujourd’hui, 56 % — contre 32 % en 2011 — manifestent un scepticisme certain sur la pertinence de ce texte et à son apport pour la décentralisation. Un texte dont la principale disposition, la création du conseiller territorial, devrait être abrogée par le Parlement, conformément à l’engagement du chef de l’Etat François Hollande.
En 2011, 52 % des élus ayant répondu au baromètre récusaient la création de ce nouvel élu censé se substituer au conseiller général et au conseiller régional en 2014. Logiquement, 53 % des élus approuvent sa suppression en 2012.
La proposition de loi supprimant le conseiller territorial devait être examinée par l'Assemblée nationale le 15 novembre. En effet, en novembre 2011, le Sénat avait voté en première lecture une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur (PS), dont l'article unique porte sur la suppression de ce nouvel élu.
La loi RCT n’est plus rejetée en bloc
La refonte de la carte intercommunale prévue par ce texte, perçue un moment comme un recul de la décentralisation au regard du pouvoir d’arbitrage dévolu au préfet, a, au fil des mois, révélé ses atouts. L’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), toujours en cours dans une trentaine de départements, ne s’est finalement pas traduite par la "foire d’empoigne" prédite.
Si le rôle et l’avenir de la commune, donc des maires, dans la perspective d’une rationalisation de la carte intercommunale demeure une vraie question, comme le souligne le président de l’Association des petites villes de France, Martin Malvy, 55 % des maires considèrent désormais l’intercommunalité comme une chance pour les communes, d’après l’enquête TNS Sofres menée à l'occasion des Etats généraux de la démocratie territoriale.
Les collectivités de 10 000 à 20 000 habitants, villes centres des communautés de communes le plus souvent, sont celles dont les élus expriment l’avis le plus positif sur la loi RCT (38 % d’avis positifs, soit 20 points de plus que le taux général).
"Un texte illisible"
Pascal Perrineau,
politologue, directeur du CEVIPOF
"Clarification des compétences et des financements, rationalisation territoriale… Modelée à partir des préconisations du Comité Balladur, la loi du 16 décembre2010 devait être la réforme décisive que beaucoup attendaient. Or, déjà confuse pour 1 maire sur 3 en 2011, elle confirme sa forte illisibilité, un an plus tard, après avoir notamment avorté d’un de ses pans principaux : la création de conseiller territorial. Mais le contexte économique très lourd dans lequel les collectivités évoluent explique aussi cette incertitude, tout changement étant plutôt perçu comme un danger dans la tempête. A n’en pas douter, le gouvernement devra compter avec cette réalité pour acter une nouvelle réforme dont la nécessité convainc pourtant chacun."
Laurence Denès
Photo : © L. Cheviet, CG Haute-Saône