René Dosière
© J. Ber
Le député de l’Aisne plaide pour l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct : « Ils lèvent 21 milliards d'impôts ! » Spécialiste du budget de la présidence de la République et apôtre de la transparence des comptes des fonds publics, il ne veut cependant pas que celle-ci se transforme en voyeurisme. Selon lui, la fin du cumul des mandats intervient comme facteur de lutte contre la corruption. René Dosière a récemment publié « Le métier d’élu local », aux éditions du Seuil.
Courrierdesmaires.fr. Vous êtes un militant de la transparence du financement de la vie politique. Que pensez-vous de l’obligation de déclaration du patrimoine ?
René Dosière. L’objectif de la loi est de vérifier que l’élu ne s’enrichit pas de manière anormale durant son mandat. J’ai l’espoir qu’un véritable contrôle du patrimoine s’exercera avec, si nécessaire, déféré devant la justice et peine lourde. Mais avec l’annulation de la publicité par le Conseil constitutionnel, la population ne sera pas directement associée.
Moi-même, j’ai déclaré mon patrimoine. Mais je n’ai pas d’avis général sur la question. La transparence ne doit pas se transformer en voyeurisme. L’élu qui ne veut pas publier son patrimoine a le Conseil constitutionnel en sa faveur. Mais en réalité, l’essentiel est la vérification du patrimoine, pas sa publication.
Et qu’en est-il de la déclaration d’intérêts ?
R. D. Elle est très importante, car le maire et ses adjoints gèrent des sommes considérables. Il est indispensable de vérifier qu’ils n’avantagent pas des sociétés dans lesquelles ils ont des intérêts.
La motivation de la publication d’intérêts n’est pas la sanction mais d’éviter la prise illégale d’intérêt. Les citoyens pourront tirer la sonnette d’alarme. Cela conduira les élus à être prudents. Cette disposition montera en puissance au cours du mandat et renforcera la confiance des citoyens dans leurs élus.
Vous êtes également en faveur de l’interdiction du cumul des mandats. Pour quelle raison ?
R. D. Parce que le cumul des mandats est un facteur favorisant la corruption. Je ne dis pas que tout cumulard soit corrompu… Mais les organismes luttant contre la corruption soulignent que le cumul la favorise, compte tenu du poids des élus.
Les maires seront plus disponibles pour la gestion de leur collectivité, ils iront plus au fond des choses. Même chose pour les parlementaires”
Par ailleurs, le fonctionnement des conseils municipaux en sera modifié. Les maires seront plus disponibles pour la gestion de leur collectivité, ils iront plus au fond des choses. Même chose pour les parlementaires.
Aujourd’hui, un député-maire est maire trois quarts du temps, député pour le reste. Ce n’est qu’un titre. Demain, grâce au non-cumul, on progressera dans la législation sur les collectivités locales.
De quelle façon la législation sur les collectivités sera-t-elle meilleure ?
R. D. Aujourd’hui, le cumul empêche toute réforme. Le cumulard défend avant tout l’intérêt de sa collectivité. Les élus locaux n’ont même pas besoin de faire du lobbying, comme ils devront le faire demain : ils sont au cœur du processus législatif.
Cela permettra au Parlement d’avoir plus d’imagination, d’être moins protecteur à l’égard des collectivités. Actuellement, lorsque l’on regarde les finances de l’Etat et des collectivités locales on voit que celles-ci sont particulièrement protégées. Les élus nationaux sont toujours davantage préoccupés par l’intérêt des collectivités.
Je comprends que tout ceci inquiète les collectivités, protégées par le cumul. Elles le seront un peu moins. Mais l’intérêt national est d’avoir des élus nationaux prenant leurs distances et faisant des réformes.
Que pensez-vous de la désignation directe des élus communautaires ?
R. D. Le nouveau mode de suffrage est du bricolage. Tant qu’il n’y aura pas de débat sur le projet intercommunal, tant qu’il n’y aura pas une véritable élection au suffrage universel direct, rien ne changera.
Je pense que le thème du suffrage universel gagne progressivement divers milieux. La question de la légitimité des élus et du dialogue avec les citoyens est posée. Bien sûr, avec ce suffrage, les intercos deviendraient des collectivités locales. Dans les années à venir, nous irons vers un renforcement substantiel de l’intercommunalité, qui demandera une réponse plus fondamentale.
Ceci veut-il dire que vous ne vous satisfaites pas de la situation des intercos aujourd’hui ?
R. D. Effectivement. Le regard sur le bloc communal, communes et intercommunalité, sera différent après le mandat qui s’achève, dans la mesure où la carte intercommunale est complétée. Mais ce regard sera plus critique, pour trois raisons.
Dans les intercos… toutes les décisions sont prises à l’unanimité. Il n’y a donc plus de débat politique”
D'abord, l’intercommunalité, non seulement n’a pas réduit les dépenses publiques, mais les a augmentées.
Ensuite, il faut constater – un aspect développé par les universitaires – la profonde dépolitisation des décisions dans les intercos. Elles fonctionnent en associant communes petites, moyennes et grandes, territoires périurbains et centraux. Si bien que toutes les décisions sont prises à l’unanimité. Il n’y a donc plus de débat politique.
Les élus s’en contentent mais, pour ceux qui réfléchissent au fonctionnement de la démocratie locale, celui-ci n’est pas démocratique du tout. Aujourd’hui, il est difficile de politiser l’interco, d’y débattre d’options politiques différentes. Pourtant, la démocratie c’est la confrontation des idées. Tout ce qui tend à réduire les problèmes locaux à des problèmes managériaux est dangereux pour la démocratie locale.
Enfin, le troisième aspect, qui ne suscite pas beaucoup de réactions et me choque profondément, est que les intercos prélèvent 21 milliards d’euros d’impôts, dont elles redistribuent 9 milliards, sans en rendre compte aux électeurs. Il y a un vrai problème de consentement à l’impôt.
Et comment voyez-vous les progrès de la parité ?
R. D. Avec ces élections municipales, elle progressera dans les conseils municipaux et donc aussi dans les conseils communautaires.
C’est une bonne chose pour les conseils municipaux, tant leur composition n’est pas à l’image de la population.Ce qui est dommage pour l’institution qui représente l’échelon de base de la démocratie. Il est important qu’un plus grand nombre de femmes puissent y débuter. Le nombre d’adjointes femmes va aussi augmenter ce qui est positif. En effet, le mode de scrutin favorise une parité quantitative, et pas forcément qualitative.
Enfin, avec la parité dans les conseils départementaux, on va créer un vivier de candidates pour les législatives.
Vernet - 21/03/2014 17h:04
Dommage que lors de l'examen de la loi Valls sur les élections départementales et communautaires, il n'y ait pas eu plus de voix au PS pour soutenir un scrutin proportionnel pour ces deux élections. Le fléchage et le scrutin binominal sont effectivement des bricolages destinés à conserver un fait majoritaire écrasant la diversité politique. Il n'y avait guère que les écolos pour défendre une véritable vision démocratique des intercos. Idem pour les conseils métropolitains lors de l'examen de la loi métropole :http://helene.lipietz.net/spip.php?article291
Répondre au commentaire | Signaler un abus