Relations avec les métropoles : les présidents de régions sceptiques sur le « contrat de coopération »

Denis Solignac
Relations avec les métropoles : les présidents de régions sceptiques sur le « contrat de coopération »

Pierre Cohen préside la FNESR

© Flickr-CC-Pierre-Selim

Si les exécutifs régionaux sont nombreux à vouloir que soient encadrées par leur collectivité les marges de manœuvre des métropoles en matière de développement économique, ils semblent sceptiques sur le « contrat de coopération » prôné par l’ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen (photo). Le président de l’ARF, Alain Rousset, veut privilégier le volet métropolitain des contrats de plan Etat-région, a-t-il indiqué le 25 juin lors du congrès de l’association à Rouen.

En matière de gouvernance de la compétence développement économique, une concurrence stérile est-elle à craindre entre les régions et les métropoles ? Oui, a clairement témoigné au congrès des régions de France le 25 juin à Rouen, le président de la région Bretagne, Patrick Massiot.

Pour ce dernier, la réforme territoriale « doit s’accompagner de l’allègement des dispositifs de l’Etat en régions, je pense notamment aux Direcctes ».

Et aussi selon lui « lever l’ambigüité avec les métropoles. On peut penser deux stratégies différentes, de la métropole et de la région, et ce sera alors problématique pour l’ensemble du développement économique de la région », prévient le patron de l’exécutif breton.

« Dans un schéma régional idéal, la région devrait donner le la », milite pour sa part Laurence Lemouzy, directrice scientifique de l’Institut de la décentralisation et « régionaliste » convaincue en matière économique. Et de prédire que « c’est un enjeu qui va être très différemment assumé d’un espace à l’autre, en fonction de l’intelligence collective ». Et des affinités politiques.

Ailleurs en Europe…
Comment, pourtant, s’assurer d’une saine collaboration sans compter uniquement sur la bonne volonté politique locale ?

« Comme souvent, il suffit de regarder ce qui se fait en Europe », juge le chercheur au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (Crape) de Sciences-po Rennes, Romain Pasquier.

« Les métropoles allemandes, qui ne sont pas moins fortes que les métropoles françaises, sont soumises au pouvoir normatif des länder. Oui, les métropoles ont les stratégies opérationnelles, mais encadrées par le pouvoir normatif des länder », décrypte-t-il en promouvant ce modèle qui fonctionne selon lui.

Seul problème : la portée du pouvoir réglementaire accordé bientôt aux régions par la future loi Notre n’est en rien comparable à celle dont disposent les états fédérés allemands.

Prévoyant l’impasse, la ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu avait commandé fin 2014 à l’ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen, un rapport sur ces relations entre régions et métropoles « dans la nouvelle organisation territoriale de la République »((Lire le rapport de Pierre Cohen.)) – rapport qu’il vient de lui remettre.

L’exemple nantais
Principale préconisation du président de la FNESR : la signature entre métropoles et région de « contrats de coopération » pluriannuels à même d’organiser aux mieux les relations entre ces deux collectivités qui montent en puissance.

Un dispositif qui s’inspirerait « du contrat de plan Etat-région (CPER), dispositif existant et ayant fait ses preuves en matière de planification et de coopération locale », selon l’élu. Mais aussi d’une expérience locale précoce : celle du contrat de coopération qu’ont signé ensemble en 2015 la région Pays de la Loire et Nantes métropole.

Une solution à même de séduire les autres présidents de région ? « Dans le contrat de projet, sauf le précédent, il y a déjà un volet territorial », répond, dubitatif, le président de l’Aquitaine, Alain Rousset. « Comme l’Etat veut contractualiser sur les compétences qui ne sont pas celles des régions, le contrat intègre par définition les départements et les métropoles », poursuit-il, semblant se satisfaire de cette participation métropolitaine aux travaux prospectifs de la région.

Pour le président de l’ARF, les régions en font déjà beaucoup, voire suffisamment, en matière de coopération. « Nous sommes la seule collectivité à mettre tous les acteurs autours de la table, […] toutes les collectivités infrarégionales. Quelle est la collectivité française qui chaque fois qu’elle décide de son schéma peut dire : “J’ai passé six mois de concertation et j’ai synthétisé ce que je présente à l’assemblée délibérante ?” Il n’y en a pas d’autres », assène-t-il.

Au-delà du volet métropolitain du CPER
Reste que le contrat de coopération prôné par Pierre Cohen ferait, selon ses préconisations, de la métropole « non plus seulement un partenaire subsidiaire auquel est parfois dédié un volet métropolitain du contrat de plan », mais bien « un signataire à part entière, traduisant à la fois son rôle de puissance publique et sa place centrale dans l’organisation régionale ».

Le contrat peut, de même, prévoir l’association systématique d’autres acteurs concernés : conseils de développement, CESER, chambres consulaires, pôles métropolitains, etc. », ajoute l’ancien président de la communauté urbaine de Toulouse.

« Un tel contrat doit pouvoir intégrer la méthodologie décrite. Il s’agit d’envisager politiques publiques et projets territoriaux depuis leur conception jusqu’à leurs retombées, chacune de ces étapes étant nécessairement concertées afin de répondre aux objectifs définis », conclut-il, très ambitieux, dans son rapport.

Aux présidents de région et à la ministre de la Décentralisation de se prononcer, même si tout porte à croire que le contrat de coopération restera un simple outil facultatif à disposition des exécutifs régionaux et métropolitains.

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