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Dans la nouvelle carte territoriale choisie par les députés, 16 régions sont concernées par une fusion à deux, voire trois. Dès lors, laquelle des capitales "l'emportera" sur les autres, et accueillera l'exécutif de la nouvelle région XXL?
La question ne se pose pas pour 6 des régions qui devraient, à ce jour, poursuivre leur vie en solitaire. Mais elle n’a pas tardé à surgir dès la nouvelle carte choisie par les députés pour les 16 régions appelées à fusionner : laquelle des deux (voire trois) capitales conservera son statut ? Quelle ville sera encore chef-lieu régional demain et accueillera le nouvel exécutif de la collectivité territoriale ?
Pour certaines fusions, la réponse semble évidente : on imagine mal Clermont-Ferrand accueillir les 150 élus d’Auvergne-Rhône-Alpes ou Poitiers, et Limoges contester à Bordeaux le droit de présider la région Aquitaine-Poitou-Charente-Limousin. Mais l’incertitude planant sur les futures capitales des régions XXL est source de tensions. Peu de nouvelles entités régionales appelées à fusionner deux, voire trois, régions échappent à cette question, sur laquelle les réactions sont souvent épidermiques.
Casus belli en germe dans les régions XXL
Dernier exemple en date dans l’est de la France : Strasbourg, forte de son prochain statut d’"Eurométropole" consacré par la loi Mapam, ne pensait en aucun cas pouvoir perdre celui de chef-lieu de région face à ses voisines Metz et Nancy. Mais c’était sans compter le nouveau découpage adopté à l’Assemblée, adjoignant à l’Alsace-Loraine déjà dessinée à l’Elysée la région Champagne-Ardenne. Un ajout tout de suite analysé par le président (UMP) de l’exécutif alsacien Philippe Richert (photo) comme donnant à la Lorraine une position centrale dans le nouvel ensemble, avec un « affaiblissement de Strasbourg » comme siège potentiel au profit de Nancy ou Metz.
Rouen contre Caen, bataille historique
Même les fusions les plus consensuelles, comme celle des deux Normandie, font ressurgir le vieux démon de la capitale in fine couronnée. Un sujet qui a longtemps empêché tout rapprochement des deux collectivités régionales, malgré les nombreuses coopérations et des opinions publiques locales favorables à la réunification.
Enlever à Caen sa fonction de capitale la mettrait grandement en danger. Cela risquerait de la dévitaliser peu à peu en lui retirant des services publics et toutes les activités associées qui créent et maintiennent de l'emploi. Caen ne peut s'en passer."
Extrait de la lettre de 7 parlementaires de la Basse-Normandie à Manuel Valls
Ainsi 7 parlementaires bas-normand de droite ((La lettre est signée du sénateur et président du conseil général du Calvados UDI Jean-Léonce Dupont, de l'ancien ministre UMP Alain Lambert, président du conseil général de l'Orne, de l'ancien sénateur UMP Jean-François Le Grand, président du conseil général de la Manche, ainsi que des quatre sénateurs René Garrec (Calvados, UMP), Ambroise Dupont (Calvados, UMP), Jean-Claude Lenoir (Orne, UMP) et Nathalie Goulet (Orne, UDI)) ont écrit le 18 juillet au Premier ministre pour faire part de leur inquiétude sur l’avenir du chef-lieu bas-normand : « Enlever à Caen sa fonction de capitale la mettrait grandement en danger. Cela risquerait de la dévitaliser peu à peu en lui retirant des services publics et toutes les activités associées qui créent et maintiennent de l'emploi. Caen ne peut s'en passer », préviennent les parlementaires, dans ce courrier diffusé par le conseil général du Calvados.
Les élus mettent en avant la « position géographique centrale » de Caen, à une distance de Paris qui « assurerait à la région une visibilité claire aux niveaux national et international ». « Il faut assurer à Caen sa place historique de capitale administrative, tandis que Rouen, proche de Paris, conserve son rôle économique », poursuivent-ils, offrant ainsi une reconnaissance uniquement symbolique à la ville aux 100 clochers. Quelques jours auparavant, c’est le député UMP de l’Eure Bruno le Maire qui avait prévenu qu’il « ne voterait pas un texte sans consultation des Normands », souhaitant notamment « qu'ils se prononcent sur la future capitale »… dont on imagine qu’il la verrait plutôt haut-normande, donc rouennaise.
L'arme des anti-réforme territoriale
Les deux présidents de région ont, eux, jusqu’à maintenant, soigneusement évité d’entrer dans le débat. Ainsi, Laurent Beauvais (Basse-Normandie, PS) avait-il récemment répondu à une question sur l’identité du futur chef-lieu que « la question ne se posait pas en ces termes » et qu'il allait falloir « innover ». Les défenseurs de la candidature de Rouen jouent, eux, sur le prochain statut de métropole qu’obtiendra la ville au 1er janvier 2015, forte de ses 500 000 habitants supplémentaires, par rapport à la communauté d’agglomération caennaise. « Notre agglomération deviendra la Métropole Rouen Normandie, capitale d'une région de 3,4 millions d'habitants », n’a pas manqué de souligner le maire (PS) Yvon Robert.
Il y a les régions où la « question capitale » devient une arme politique pour condamner jusqu’à l’idée même de fusions de régions. Furieux de voir « son » Languedoc-Roussillon marié à Midi-Pyrénées, Christian Bourquin (photo) ne perd pas une occasion de souligner ce que pourrait perdre Montpellier à l’occasion de ce mariage forcé, n’hésitant pas à accuser le maire montpelliérain, Philippe Saurel (Divers gauche), favorable au projet du rapprochement avec Toulouse, de sacrifier la ville. « Je ne pense pas que les Montpelliérains veuillent ça. C'est une faute politique grave », assénait récemment Christian Bourquin, dans un entretien à Midi Libre.
Et demain, plus au Nord, si la fusion se fait, Lille et Amiens se disputeront la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie dans un climat ou la majorité de la classe politique (PS) du NPDC s’est exprimée contre la fusion… Là aussi, nul doute que Lille jouerait de son statut de future « métropole européenne » promis par la loi Mapam, de son poids démographique et de son rayonnement transfrontalier pour s’imposer.
Le choix repoussé à un décret en Conseil d'Etat
Alors comment surmonter l’obstacle ? A ce jour, le gouvernement, qui a déjà fort à faire avec les nombreuses contestations de la nouvelle carte, s’est bien gardé de fixer dans son projet de loi une liste de chacun des nouveaux chefs-lieux, qui seront définis ultérieurement par décret. Chacun sera dans un premier temps fixé « de façon provisoire » par décret simple « après avis des actuels conseils régionaux et consultation des conseils municipaux concernés. […] Le gouvernement recueillera ensuite, avant le 1er juillet 2016, l'avis des conseils régionaux nouvellement élus sur le périmètre des nouvelles régions sur leur chef-lieu. Celui-ci sera fixé par décret en Conseil d'État », précise le texte.
Des pistes lancées comme autant de ballons d'essais...
Le pôle métropolitain, chef-lieu à plusieurs têtes ?
En attendant, les ministres en charge du dossier sont régulièrement interrogés sur le sujet, par les acteurs politiques locaux comme par la presse quotidienne régionale. Et évoquent tour à tour diverses pistes de sélection de ces chefs-lieux, comme autant de ballons d’essais.
Premier en date, celui « lâché » par la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, lors d’un déplacement le 26 juin à Dijon, dont la région Bourgogne doit fusionner avec la Franche-Comté voisine. Pour éviter un choix cornélien entre la cité dijonnaise et son alter-ego franc-comtoise, Besançon, pour devenir capitale de la nouvelle région, la ministre a évoqué la possibilité de créer des « pôles métropolitains, car la loi nous demande un siège social mais on peut dissocier le siège social de la capitale ».
Marylise Lebranchu
Les régions ne sont pas des mini Etats-nations où la capitale regroupe tous les services, la capitale n'est qu'un site. »
Explication de la ministre : « Les régions ne sont pas des mini Etats-nations où la capitale regroupe tous les services, la capitale n'est qu'un site. » Une interprétation qui collerait effectivement avec la forme du pôle métropolitain, « simple » syndicat mixte regroupant en réseau plusieurs agglomérations sous conditions qu’elles soient constituées en EPCI.
Une capitale « d’Etat », une autre de collectivité…
Une piste qu’a pourtant semblé rapidement refroidir le nouveau secrétaire d’Etat à la réforme territoriale. Selon André Vallini, il ne saurait y avoir « qu’une seule capitale par région ». Tout en assurant le 9 juillet à l’Assemblée qu’il n’y aurait pas de « transferts massifs de personnel » d’une ville à l’autre (« les services vont demeurer là où il sont actuellement »), il assurait que « les bureaux de l'exécutif et l'hémicycle du conseil régional seraient en un seul lieu ». Et de prendre pour exemple la fusion Auvergne-Rhône-Alpes, où Lyon serait bien la capitale ; l'hémicycle de l'hôtel de région de Clermont-Ferrand, tout juste inauguré, pouvant accueillir toutefois des sessions décentralisées du conseil régional ou d'autres forums.
Il ne saurait y avoir qu'une seule capitale par région. »
André Vallini
Une région, une capitale, un horizon indépassable ? Dans certains ministères, on évoque une solution de compromis à même de ne pas froisser les susceptibilités des grandes villes : celle de dissocier le chef-lieu de région, en tant que commune abritant la préfecture de région et ses services déconcentrés ; de la ville qui sera le siège de du conseil régional et abritera les services de la collectivité. Encore faudra-t-il surmonter « la forte opposition des fonctionnaires d’Etat », très prompts à s’indigner d’une dissociation des deux statuts. « C’est une question d’apparat, de qui aura la plus belle casquette… », entend-on dans les allées du pouvoir.
La fusion à trois… capitales
Pour autant, l’option pourrait être sérieusement envisagée si la bataille des capitales continuait à faire rage, surtout si elle devait complexifier un peu plus l’adoption définitive au Parlement de la nouvelle carte. Si le principe était adopté, celui-ci serait-il de nature à convaincre les élus de hisser le drapeau blanc, et notamment les maires des grandes villes concernées, souvent parlementaires ? Le dispositif serait a minima un élément facilitateur pour l’adoption des nouvelles régions… du moins celles fusionnant deux collectivités car les deux nouvelles régions issues de mariage à trois ((Champagne-Ardenne Alsace Lorraine d’une part et Aquitaine Poitou-Charentes Limousin d’autre part)) auront du mal à trouver des services et des statuts également prestigieux pour trois « co-capitales »…
Jean - 22/07/2014 16h:42
Au nom de principe de libre administration des collectivité, il le semble que c'est aux nouvelles assemblées de choisir, non ?
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