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Bastions de fonctionnaires, les petites préfectures sont en pointe contre la réforme des retraites. Les localités où les salariés ont commencé à travailler tôt se mobilisent aussi massivement. De quoi ressusciter les Gilets Jaunes ? Pas si simple.
10 000 manifestants à Morlaix (Finistère) qui compte 15 000 habitants, 4 500 à Guéret (Creuse, 13 500 habitants), 3 000 du côté de Privas (Ardèche, 8 300 habitants)… : le mouvement contre la réforme des retraites affole les compteurs dans les villes petites et moyennes. Au point d’inquiéter en haut lieu.
Contrairement à ce qui avait pu être observé au moment de la première tentative de refonte des pensions fin 2019, la grogne est souvent plus forte dans la France périphérique que dans les métropoles. Elle atteint même, dans certaines localités, des sommets inégalés depuis la fronde contre le plan Juppé en décembre 1995.
Importants cortèges dans les villes-préfectures
C’est singulièrement le cas parmi les villes-préfectures des départements les plus ruraux de l’hexagone. Des communes où le poids des fonctionnaires, œuvrant dans les collectivités locales (Au siège du conseil départemental, notamment), les antennes de l’Etat, les hôpitaux, les collèges et lycées, se révèle prépondérant.
« Les agents publics sont davantage syndiqués que les salariés du privé. Ils peuvent plus facilement faire grève que des employés de PME soumis au bon vouloir de leur patron », avance le géographe Laurent Chalard. Ainsi, le chef-lieu de la Charente Angoulême (44 000 habitants) a vu, le 31 janvier dernier, 8 500 manifestants battre le pavé.
Ils ont été 2 500 à descendre dans les rues de Mende (12 500 habitants), préfecture du département le moins peuplé de France, la Lozère.
Diagonale du vide
La révolte s’étend à des villes petites et moyennes de tradition ouvrière. Des cités jadis gouvernées par le Parti Communiste. En proie, à des degrés divers, à la désindustrialisation, Alès (40 000 habitants., Gard) et Montluçon (35 000 habitants., Allier) crient leur ras-le-bol. Des cortèges ont rassemblé respectivement 7 000 et 5 000 manifestants le 31 janvier.
Ces communes sont pourtant aujourd’hui dirigées par des élus de droite, tout comme Charleville-Mézières (48 000 habitants) dans le département en difficulté des Ardennes, où pas moins de 8 500 personnes se sont massées la semaine passée.
Elles se situent, pour les deux dernières, dans la diagonale du vide. « C’est la France des abandonnés, des services publics qui s’en vont, des déserts médicaux », jauge Laurent Chalard.
Conseiller municipal La France Insoumise de Vierzon (Cher) et auteur d’une note pour la Fondation Jean-Jaurès intitulée « Etre majoritaire : la gauche face à la fracture territoriale », Thibault Lhonneur privilégie une grille de lecture un peu différente : « Ce mouvement est porté par les salariés de la seconde ligne, les auxiliaires de vie, les caissières et les ouvriers d’usine qui ont été réduits à leur statut de travailleur tout au long de la crise sanitaire. Des populations qui ont ensuite subi de plein fouet l’explosion du prix des carburants. » « Dans ces départements, le taux d’immatriculation des véhicules diesel avoisine les 55 % », rappelle Thibault Lhonneur.
La France qui a commencé à travailler tôt
Les villes petites et moyennes accueillent proportionnellement moins de CSP+ que les métropoles. Elles sont davantage le refuge des catégories populaires.
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