Réforme de l’Etat en régions : accords et désaccords entre élus et préfets préfigurateurs

Aurélien Hélias
Réforme de l’Etat en régions : accords et désaccords entre élus et préfets préfigurateurs

Préfecture

© Wikimedia-CC-F.Cardenas

Face aux élus des grandes villes (AMGVF) soucieux d’en savoir plus sur la réorganisation et la nouvelle implantation des services de l’Etat, le coordonnateur national de la réforme des services déconcentrés et le préfet préfigurateur de la future région du Grand Est sont venus préciser, le 23 juin 2015 à Paris, le calendrier et la méthode de la réforme de l’Etat local en régions. Et ont tenté de rassurer les élus des villes en passe de perdre leur statut de chef-lieu...

Le 30 juin, les préfets préfigurateurs pour les 7 nouvelles régions issues de fusions rendront leur copie sur l’organisation des services de l’Etat dans ces nouveaux périmètres.

Coordonnateur national de la réforme des services déconcentrés de l’Etat, Jean-Luc Névache est venu détailler la suite de cette réforme d’ampleur devant un parterre d’élus réunis par l’AMGVF à l’Assemblée nationale pour un colloque consacré aux « réformes en marche ». A savoir celle des collectivités territoriales qui se joue au Parlement avec la loi NOTRe et celle, moins médiatique, des services déconcentrés, qui progresse à coups de réunions régionales entre préfets préfigurateurs et élus locaux.

Avantage de cette méthode pour le coordonnateur national : « Il pourra y avoir de la modularité » dans les « différents schémas retenus », se réjouit-il. Et de se référer à l’initiative locale, désormais reconnue dans la nouvelle Charte de la déconcentration.

Les calendriers technique, politique et électoral se chevauchent

Des 7 copies bientôt rendues par ces préfets préfigurateurs, Jean-Luc Névache attend des propositions de « macro-organigrammes », c’est-à-dire des schémas de réorganisation des services avec des préconisations relatives à l’implantation géographique des directions déconcentrées, « des directions multisites ».

C’est sur ces propositions que s’organisera un débat interministériel fait « d’arbitrages politiques et aussi un certaine examen technique », pour des décisions officialisées et mises en œuvre « la deuxième quinzaine de juillet ».

Cette salve d’annonces comportera par ailleurs la liste des chefs-lieux provisoires, après que « l’ensemble des conseils régionaux concernés par une fusion se seront exprimés par délibération », la dernière délibération de conseil régional étant prévue pour le 24 juillet.

Puis, « de septembre à décembre », il s’agira de passer à la deuxième étape des « micro-organigrammes » sur « l’organisation des directions régionales de l’Etat » et sur la répartition précise des agents. S’ensuivront « trois ans de mise en œuvre » officiellement lancés par l’instauration des nouvelles régions au 1er janvier 2016.

Sans compter qu’il « faudra tenir compte de ce qui aura été décidé par le conseil régional en juillet 2016 pour son organisation et son fonctionnement, […] pour qu’on puisse avoir des interlocuteurs », détaille le préfet de la région Alsace, Stéphane Bouillon, préfigurateur de la future Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine.

Des préfets préfigurateurs juges et partie ?

Car si le calendrier technique de la réforme apparaît bien balisé malgré l’ampleur des transformations administratives, le calendrier politique s’avère plus ardu. D’abord parce qu’il dépend d’un troisième calendrier, celui des élections régionales de fin décembre qui verra nombre d’exécutifs, si ce n’est changer de couleur politique, du moins changer dans des proportions non négligeables de représentants.

Le chevauchement des calendriers technique et politique, des services de l’Etat et des conseils régionaux, ne facilite donc pas l’avancée de la réforme des implantations des directions publiques locales.

D’autant que la contestation politique n’a pas attendu la campagne des régionales et l’instauration de nouveaux exécutifs pour se matérialiser, puisque ce sont avant tout les maires des villes susceptibles de perdre leur statut de chef-lieu qui contestent dès aujourd’hui la réorganisation des services régionaux de l’Etat.

« Je milite pour un aménagement équilibré du territoire [qui] ne passe pas forcément par le renforcement du plus puissant. Ou alors l’Etat ne sert à rien ! », a pesté la maire d’Amiens, Brigitte Fouré. L’élue ne décolère pas, jugeant « que les choses sont faites à la hussarde », les trois préfigurateurs – préfet, recteur et directeur d’agence régionale de santé – de la future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant ceux de la région NPDC et de sa capitale… Lille.

Au-delà du déménagement des services de l’Etat…

« Je constate plutôt qu’il y a une reconcentration de la galaxie des services de l’Etat autour de Strasbourg », a pour sa part lancé le président de Metz Métropole, Jean-Luc Bohl, aux préfets Stéphane Bouillon et Jean-Luc Névache, qui évoquent pourtant tous deux leur objectif « d’équilibre territorial ». Car, rappelle l’élu mosellan, la future région du Grand Est connaît déjà sa capitale, la seule déjà inscrite dans la loi : Strasbourg.

Mais l’inquiétude des édiles ne s’arrête pas à l’implantation stricto sensu des services de l’Etat. En effet, loin d’être isolée, ce déménagement des services déconcentrés pourrait être suivi par d’autres acteurs déconcentrés.

« Les villes qui auront le statut de chef-lieu vont amener les grands services autour, comme la direction régionale des finances publiques », a prédit ainsi Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon. Une ville qui pourrait bien perdre son statut de capitale au profit de Dijon dans la future Bourgogne-Franche-Comté.

La crainte d’un « effet aspirateur »
Et le 1er vice-président de l’AMGVF d’attirer l’attention sur le probable « effet aspirateur » de ces nouvelles capitales uniques sur d’autres acteurs locaux. Un exemple : les associations sportives, qui auront tendance à vouloir se rapprocher du Cros, le Comité régional olympique et sportif, illustre Brigitte Fouré.

« Effectivement, beaucoup d’opérateurs économiques, associatifs, regardent ce que fait l’Etat », convient Jean-Luc Névache. Mais il nuance le risque d’une concentration de tous les acteurs locaux du fait d’une possible agrégation des services régionaux de l’Etat dans le nouveau chef-lieu : « Ce ne sera pas forcément le cas, ni dans toutes les régions, ni dans tous les réseaux, en fonction de propositions qui seront faites », fait-il espérer aux élus des villes « reléguées ».

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS