Train de nuit Intercites
© Flickr-CC-V.Brito
Le Premier ministre Edouard Philippe dit avoir abandonné la piste de la fermeture, préconisée par le rapport Spinetta, des quelque 9 000 kilomètres de petites lignes de chemin de fer. Partie gagnée pour les élus hérauts de l'aménagement du territoire ? Pas si sûr...
Ouf de soulagement des élus locaux : le gouvernement ne suivra pas la préconisation du rapport Spinetta d’en finir avec les lignes ferroviaires de proximité. « On ne décide pas la fermeture de 9 000 km de lignes depuis Paris sur des critères administratifs et comptables », a consenti Edouard Philippe, visiblement soucieux de ne pas ajouter au front social avec les cheminots une épreuve de force avec les collectivités, alors que les fils viennent juste d’être renoués.
L’ineptie des chiffres
Si la manœuvre n’est pas exempte de tout calcul politique, on ne peut que se réjouir de voir l’exécutif enterrer l’hypothèse. Car l’alignement des chiffres ne suffirait à légitimer la suppression pure et simple d’un réseau maillant les zones rurales et non-métropolitaines. Oui, 17 % des 10,5 milliards d’argent public consacrés au système ferroviaire le sont à la partie la moins empruntée du réseau. Oui, Etat et régions dédient plus de 2 milliards par an à des lignes n’accueillant que 2 % du trafic. Oui, 150 lignes comptent moins de 50 voyageurs par train. « Et alors ? », est-on tenté de lancer. Doit-on arrêter d’entretenir les routes départementales sous prétexte qu’elles connaissent moins de trafic et d’embouteillages que le réseau autoroutier en étoile autour de Paris et des métropoles ?
[caption id="attachment_73897" align="alignleft" width="584"] Les lignes de train les moins fréquentées de France (UIC 7 à 9)[/caption]
Au-delà, c’est aussi la cohérence de l’action de l’exécutif qui est en jeu. Voir les voyageurs se reporter malgré eux sur leur voiture, c’est mettre à mal le « Make our planet great again ». A l’heure où la sécurité routière est érigée en priorité, multiplier le trafic de ces cars interpellerait. Et alors que le gouvernement se fait fort de favoriser les mobilités dans cette France périphérique, et de réhabiliter les « transports du quotidien », la fiabilité de la desserte des centres-villes des petits et moyennes villes par des trains ne connaissant pas les embouteillages reste une donnée fondamentale.
Des CPER financés selon les besoins ?
Pour autant, malgré l’engagement de Matignon, la préservation à terme de ces petites lignes n’est pas gagnée. L’exécutif pourrait être tenté de passer le mistigri de l’impopularité de leur fermeture aux régions. Car si ces dernières ambitionnent de sauver ce réseau capillaire, elles pourraient se heurter à une baisse de financement des contrats de plan Etat-Région... alors que ces enveloppes sont essentielles au maintien et à la rénovation du réseau vieillissant. Pour les élus locaux, la bataille du rail s’annonce également durable.