Comps-sur-Artuby, (Var). Parmi les priorités des zones montagnardes, l'amélioration de la couverture numérique
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Un rapport du think-tank Terra Nova, aidé de Google pour l’occasion, imagine pouvoir remédier au décrochage des territoires ruraux par le biais du numérique. Le haut-débit permettrait en effet de déconcentrer le développement économique, et faciliterait l’accès aux services publics et de santé.
La nouvelle division internationale du travail et la métropolisation condamnent-elles définitivement les territoires ruraux ? Bien sûr que non, répond le think-tank Terra Nova, qui en veut pour preuve l’exode urbain en cours de populations plus ou moins diplômées à la recherche d’une meilleure qualité de vie.
D'après un de leur rapport publié mercredi 11 janvier, le numérique permettrait même d’accélérer le rebond des 10% de communes françaises les plus éloignées des aires urbaines et comptant moins de 25% de leur population active y travaillant. A condition, toutefois, que la puissance publique garantisse un « environnement réglementaire » attractif, propre à favoriser le développement d’innovations économiques et sociales.
Lobbying pour les géants de l'économie collaborative
C’est l’une des principales préconisation de Terra Nova, qui s’est adjoint les services de Google et d’AirBnB pour la préparation de ce rapport – deux firmes adeptes de l’optimisation fiscale. Au centre de leurs revendications : obtenir une garantie que la puissance publique offre un « cadre juridico-fiscal stable et non dissuasif », à même de favoriser l’essor de l’économie collaborative dans les territoires isolés, donc.
Le rapport, qui se garde d’évoquer les potentielles externalités négatives de ces activités, insiste sur la « valorisation d'un capital souvent sous-utilisé (véhicule, matériel agricole, résidence secondaire)» que permettrait l'économie collaborative. Alors que 66% des communes isolées ne comptent aucun hôtel, 30% ont au moins une annonce AirBnB. A noter que ces locations de courte durée ont généré 14 millions de revenus, « dont 10 rien que sur la dernière année d’exploitation. Surtout, les visiteurs font travailler les commerces locaux et produisent eux aussi des retombées économiques locales significatives » développe Thierry Pech, DG de Terra Nova.
Offices Régionaux Numériques : guichet unique pour la transition
Le rapport de Terra Nova et Google propose également de créer des Offices Régionaux Numériques, véritables points d’entrées pour accompagner entrepreneurs, artisans et agriculteurs dans leur transition numérique. L’idée est de faire tomber les barrières susceptibles aujourd’hui de freiner un tel mouvement susceptible de doper le développement économique du territoire. Concrètement, outre s’assurer de la bonne marche du plan France Très Haut Débit (THD) ou de la qualité de services rendus par les différents opérateurs, ces guichets uniques du numérique redirigeraient les ruraux vers les acteurs les plus pertinents, en fonction de leurs projets.
Un accompagnement ô combient nécessaire, car pour Elisabeth Bargès, directrice des relations institutionnelles chez Google France, le numérique permettra en effet de « réduire les fractures entre métropoles favorisées et territoires oubliés. Il est un outil de lutte contre le sentiment d’abandon, en quelque sorte, un outil formidablement égalitaire d’ailleurs, en cela qu’il nécessite peu de moyens. » A entendre cette lobbyiste, ancienne haut-fonctionnaire à Matignon, « la transition numérique peut permettre de réinventer certains métiers, offrir une visibilité accrue et donc être un facteur de développement et de résilience pour les entrepreneurs. Les petits commerces en train de péricliter, faute d’une zone de chalandise suffisante, peuvent parfaitement s’en saisir : regardez le cas de la quincaillerie TomPress. »
Le numérique, 3ème critère d'installation des néo-ruraux
« Même si nous n’aimons pas trop le terme de territoires isolés à l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), nous nous félicitons que Google et Terra Nova confirment notre constat, chiffres à l’appui. Grâce au numérique, le monde rural a de beaux jours devant lui » réagit John Billard, maire de Le Favril (Eure-et-Loir) et vice-président de l’AMRF. « Après l’eau et l’électricité, l’accès à la téléphonie mobile et au haut-débit constitue le troisième critère d’installation des néo-ruraux. Il représente jusqu’à 10 à 15% du prix d’une maison. »
Dans son rapport, Terra Nova identifie le numérique non seulement comme un outil de développement économique mais aussi d’inclusion sociale et civique. Le think-tank propose ainsi d’expérimenter le remboursement des actes de télémédecine dans les territoires ruraux, en parallèle du développement des maisons de santé. Il serait judicieux, d’après le rapport, de s’assurer que ces dernières soient « raccordées au réseau, afin d’en faire l’échelon local de référence du télésuivi et de la téléconsultation. »
Quid de la qualité d'accès au réseau ?
Autres mesures qui figurent dans la contribution de Google et Terra Nova : imposer aux organismes de formation professionnelles et continues de dispenser un enseignement des compétences numériques de base, ou encore l’organisation d’une négociation interprofessionnelle visant à offrir un cadre légal minimal pour le télétravail. « Il s’agit là d’une mesure de bon sens qui fera bondir notre solde migratoire et est même susceptible de rajeunir le profil de certains élus » témoigne John Billard, maire et salarié d’une entreprise privée lui-même régulièrement en télétravail. « Outre le frein de certains managers, il existe des freins réglementaires comme la question de la prévention des risques à domicile qui reste à clarifier » explique Thierry Pech.
Le numérique ouvrirait donc nombre de possibilités de développement pour les territoires ruraux. Mais la concrétisation de ce rapport, sur le terrain, pose néanmoins la question… de l’accès au réseau, encore plus que problématique dans certains territoires dits isolés. Malgré un rattrapage rapide en termes d’équipements (connexion internet, smartphones ou tablettes), la qualité d’accès au réseau reste médiocre : avec un débit de 2,5 Mbits/seconde, près de 75% des bâtiments des territoires isolés n’offrent pas les conditions pour télétravailler…