Aménagement du territoire, développement économique, lutte contre les déterminismes sociaux, orientation et politiques « Jeunesse », revitalisation des centre-villes… De plus en plus d'élus, de villes petites et moyennes mais aussi ruraux, plaident pour une déconcentration du système d’enseignement supérieur et des laboratoires de recherche. Tous ou presque rêvent d’un meilleur maillage territorial des lieux de savoirs, ainsi que d’un élargissement de l’offre dans la centaine d’antennes universitaires et campus de proximité existant déjà, de Bourg-en-Bresse à Saint-Brieuc en passant par Laval. Tous ou presque rêvent d’en revenir… au plan « Université 2000 », lancé dix ans plus tôt lorsque le « keynésianisme spatial » avait encore des adeptes au sein de l’Etat central et que la rigueur budgétaire n’était pas encore à la mode. Alors que la démocratisation et la massification des études supérieures s'est pour l’essentiel traduite ces dernières décennies par la métropolisation des facultés, ils alertent contre la fuite, souvent sans retour, d'une partie de la jeunesse des territoires intermédiaires. Qui coïnciderait, à les entendre, avec le cercle vicieux duquel bon nombre d’entre eux peinent à s’extirper depuis…
Ces territoires ruraux et villes moyennes ne seraient pas les seuls à payer le prix de la « déclaration de Bologne » de 1999. Les élus des grandes villes comme les étudiants semblent, eux aussi, pénalisés par cette stratégie européenne visant à consolider une poignée de pôles d’excellence dans quelques capitales et métropoles régionales, au nom du nécessaire rayonnement dans la « compétition mondiale émergente ». La concentration des étudiants dans des territoires urbains saturés, où le coût de la vie est notoirement plus élevé et où apprendre nécessite donc plus d’argent, a effectivement pris de court les pouvoirs publics ne parvenant pas toujours à adapter l’offre de logements ou de transports en commun, pas davantage que répondre à la précarité grandissante de ce jeune public.
Au point de rompre avec la logique du « big is beautiful » ? Il est encore un peu tôt pour le dire. D’autant que les universités, en quête d’économies, semblent davantage s’orienter vers une mise sous pression financière de leurs antennes… Nul doute, néanmoins, que le dialogue entre intercommunalités – dont bon nombre se sont saisies de cette compétence facultative –, régions et ministère de l'enseignement supérieur autour d'un possible changement de paradigme et renforcement du maillage universitaire dans les préfectures et sous-préfectures serait fécond.
Les objectifs poursuivis par ces élus faisant de l’enseignement supérieur et de la recherche une pierre angulaire de leurs projets de territoire s’avèrent ainsi aussi multiples que variés. Certains décideurs locaux prétendent être avant tout guidés par la lutte contre les déterminismes et inégalités sociales, faisant valoir – chiffres à l’appui – que le développement d’une offre de proximité renforcerait les chances des jeunes bacheliers issus des classes moyennes et catégories populaires à suivre des études supérieures.
D’autres reconnaissent y voir un « talisman » à même de renforcer l’attractivité de leurs territoires intermédiaires, par des formations généralistes ou spécialisées – selon les besoins et débouchés locaux –, privées ou publiques, en présentiel voire en distanciel à travers des outils numériques, etc. L’idée consistant, dans ce cas précis, d’ancrer une partie du corps enseignant ainsi que des diplômés, et s’appuyer sur le bagage et les compétences de ces futurs « talents » pour relever des défis structurants tels que la désertification médicale, la ré-industrialisation ou la transition écologique. Et modifier ainsi la destinée de leurs territoires à plus long-terme.
De manière plus immédiate, tous les élus ou presque disposant d’un pôle universitaire s’efforcent en parallèle de les rapatrier en centre-ville, en écho avec leurs stratégies Action cœur de ville, afin d’appuyer leurs politiques de revitalisation et enrayer la spirale du déclin.
Ces bonnes volontés suffiront-elles seulement à battre en brèche les logiques budgétaires et réputationnelles qui gouvernent encore au niveau national, au sein de l’Etat central comme des principaux directeurs de facultés ? Décryptage et perspectives dans notre dossier consacré au sort de l'université...