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Faut-il autoriser ou non les entreprises à plaquer leurs publicités à même le sol ? La question divise l'Etat et les collectivités territoriales. Conformément à un décret pris par le gouvernement fin décembre 2017, la ville de Lyon expérimentera la pratique tandis qu'elle restera illégale à Bordeaux et Nantes à la suite des protestations des élus concernés ainsi que de collectifs anti-pubs.
C’était l’une des dernières surfaces de l’espace public interdite à la publicité. Après les murs, abris de bus et autres véhicules mobiles, des tags à visée commerciale et/ou promotionnelle allaient pouvoir être appliqués à même le sol.
Concertation insuffisante
Du moins, c'était ce que prévoyait le décret n° 2017-1743 du 22 décembre 2017 portant expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires légalise cet exercice à Lyon, Bordeaux et Nantes, durant un an et demi. Ou plutôt, c'était ce que prévoyait l'Etat avant que les mairies de Bordeaux et Nantes déclinent plus ou moins poliment.
L’état avait décidé tout seul de permettre de l’expérimentation de publicités au sol à #Nantes en 2018.
Et bien à @nantesfr on n’en veut pas. Non à cette expérimentation qui serait une marchandisation de l’espace public et une pollution visuelle supplémentaire. pic.twitter.com/ddej4Id8jz— Thomas Quéro (@thomasquero) 28 décembre 2017
Outre l'argument de la "marchandisation de l'espace public", le manque de concertation était également pointé du doigt par deux des principaux concernés. "Quelle mouche a piqué le gouvernement pour autoriser une expérimentation dont il n'a jamais parlé avec les villes qui gèrent l'espace public ? Nantes, qui pourtant apprécie les expérimentations, ne participera pas à celle-ci car elle dégrade le patrimoine et l'environnement" a réagi Bassem Asseh, l'adjoint à la maire de Nantes en charge de la co-construction et du dialogue citoyen.
Poursuite de l'expérimentation à Lyon, suspension à Bordeaux et Nantes
Face à ce véritable camouflet, le premier ministre n'a eu d'autres choix que d'opérer un rétropédalage en règle, lundi 8 janvier. Se disant "soucieux d'une concertation systématique avec les collectivités territoriales", Edouard Philippe "a demandé aux ministres compétents de prendre un arrêté suspendant l'expérimentation dans les agglomérations ayant indiqué postérieusement à l'adoption du texte ne pas souhaiter y participer." C'est chose faite avec l'arrêté du 8 janvier 2018 relatif à la suspension à l'intérieur des agglomérations de Bordeaux et Nantes de l'expérimentation des marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires.
L'expérimentation continuera d'avoir cours, pour sa part, à Lyon. L'assouplissement permis par le décret du 22 décembre déroge aux articles R418-3 du code de la route et R581-27 du code de l’environnement, qui « interdisent d’apposer des marquages publicitaires sur les trottoirs. » Le gouvernement a néanmoins pris la peine de l'encadrer fermement : ces publicités devront être réalisées à l’aide de pochoirs, ne pas rester plus de dix jours ni excéder 2,5 m², être distantes d’au moins 80 mètres les unes des autres et, surtout, ne pas diminuer les caractéristiques d’adhérence du sol.
Pratique illégale... mais plus ou moins tolérée
Objectif : lever le flou juridique autour d’une pratique qui, bien qu’illégale, commençait à se répandre comme les graffitis depuis plusieurs années sur les trottoirs de Paris mais aussi Lyon, Besançon, Nantes ou Bordeaux plus récemment. Rappelant qu’il est interdit de diffuser des slogans commerciaux sur le domaine public sans son autorisation, la capitale facturait le coût d’enlèvement aux sociétés bénéficiaires et aux agences de publicité pratiquant ce marketing sauvage.
D’autres durcissaient leurs règlements locaux de publicité dans certaines zones fréquentées. A Bordeaux, la mairie a rappelé à l’ordre à plusieurs reprises l’annonceur y ayant recours mais sans jamais le sanctionner financièrement. Celui-ci arguait d’un procédé « biodégradable et éphémère, bien plus écologique qu’une affiche rétro-éclairée toute la nuit ».
Marketing sauvage
Des avancées, certes, mais n’empêchant aucunement les collectifs - national et locaux - de Résistance à l’agression publicitaire (RAP) d’être vent debout contre ce décret n’autorisant que l’expérimentation des « clean tags ». « C’est une pollution supplémentaire. Le dispositif peut être propre, mais son objectif est très sale », a réagi le président du collectif national, Khaled Gaiji. « Nous demandons à ce qu’on laisse des espaces libres de tranquillité, sans injonction à consommer. »
Au grand dam des entrprises de publicité, ces collectifs citoyens semblent donc avoir été entendu par les élus de Nantes et Bordeaux. A Lyon, une évaluation aura lieu tous les six mois, suivies d’un rapport précisant le nombre d’annonceurs ayant eu recours à ces marquages, la mesure d’un éventuel lien entre accidents de la route et publicités, ou l’opinion des riverains - comme prévu initialement par le décret du 22 décembre. Les ministères de l’Economie, de l’Environnement et de l’Intérieur pourront, si besoin, suspendre ou mettre fin à l’expérimentation à tout moment.
MD - 09/01/2018 14h:13
C'est l'article R581-27 du code de l'environnement qui interdit les publicités non lumineuses à moins de 0,50 mètres du niveau du sol ! (confusion avec L581-27)
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