Najat Vallaud-Belkacem
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L'Assemblée nationale a voté en première lecture, le 28 janvier, le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes présenté par Najat Vallaud-Belkacem (photo). Le texte se veut transversal, avec de nombreuses conséquences pour les collectivités dans les domaines de la parité, la protection des femmes, l'état civil ou encore la gestion du personnel.
Après son adoption en première lecture devant le Sénat, le projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » a été voté par les députés le 28 janvier 2014, à une très large majorité (359 pour et 24 contre). La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, franchit donc avec un certain succès une nouvelle étape vers l'adoption de son projet phare. Le texte qui, à la faveur d'un amendement, se nommera désormais loi « pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes », intervient dans de nombreux domaines avec l'intention de rendre effective l'égalité entre les hommes et les femmes, que plusieurs lois avant lui avaient œuvré à inscrire dans le droit.
Dès son premier article, il investit l'Etat mais aussi « les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics » de cette politique générale « selon une approche intégrée ». Cela se traduit pour les collectivités territoriales par de nombreuses dispositions dans des domaines aussi divers que l'état civil, la protection des femmes, la parité élective, la gestion des ressources humaines ou encore la commande publique.
Renforcement de la parité des exécutifs
Après la loi du 17 mai 2013 qui impose la parité aux assemblées départementales et aux communes à partir de 1 000 habitants (contre 3 500 auparavant), le projet de loi Vallaud-Belkacem ajoute une exigence de parité à la tête de l'exécutif des assemblées locales. Désormais, le président de région ou de département et son premier-vice président ou le maire et son premier-adjoint devront être de sexes opposés. Cette nouvelle règle s'appliquera dès les prochaines élections cantonales et régionales, et en 2020 pour les communes.
Un amendement présenté lors de l'examen à l'Assemblée et adopté par celle-ci, prévoit par ailleurs d'étendre l'exigence de parité à la composition des conseils d'administration des régies municipales – hors personnalités qualifiées – et des instances consultatives collégiales créées par la loi, par décret ou par délibération des collectivités territoriales.
A noter que ces mesures s'accompagnent, pour les partis politiques, d'une hausse de la pénalité financière en cas de non-respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives.
Sensibilisation accrue des collectivités
Préalablement aux débats sur le projet de budget, chaque année, les communes de plus de 10 000 habitants, les départements, les régions mais aussi les EPCI regroupant plus de 10 000 habitants, devront présenter un rapport sur la situation en matière d'égalité femmes/hommes dans leurs politiques et leurs fonctionnements. Un décret précisera ultérieurement le contenu et les modalités d'élaboration de ce rapport annuel.
Cette démarche qui, au minimum, imposera aux élus locaux de se pencher sur la question de l'égalité régulièrement, là où elle n'était pas toujours prioritaire, s'imposera aussi aux trois conseils supérieurs des fonctions publiques pour obtenir une vision d'ensemble et des axes d'intervention à l'échelle nationale.
Marchés publics, gestion RH et état civil
A la faveur de la loi, renforcée sur ce point lors du passage à l'Assemblée, les collectivités territoriales vont devoir être vigilante quant aux candidats à leurs appels d'offres. En effet, le texte interdit de soumissionner aux marchés publics, concessions de travaux publics, contrats de partenariat et délégations de services publics, toute entreprise qui ne respecterait pas ses obligations légales en matière d'égalité professionnelle, et notamment celle de négocier annuellement sur le thème des inégalités salariales hommes-femmes.
Pour renforcer la responsabilité sociale des commanditaires publics, la loi leur donne en sus la possibilité d'imposer des clauses d'exécution en faveur de l'égalité professionnelle.
De leur côté, en tant qu'employeurs, les collectivités territoriales devront prendre en compte les nouvelles règles du congé parental d'éducation. La loi prévoit que sa durée et son niveau d'indemnisation par la CAF seront modulables selon qu'il sera utilisé par un seul ou les deux parents. La mesure vise clairement à favoriser la prise de ces congés par les pères. Si elle parvenait à ses fins, elle provoquerait certainement une transformation importante dans la gestion des ressources humaines et des carrières.
En attendant, employeurs privés comme publics devront mettre en place un accompagnement renforcé des travailleurs concernés, dans le cadre de leur reprise d'activité.
"En passant", un article rappelle la loi aux administrations, à savoir que le nom d'état civil doit être le nom de naissance. L'usage est souvent tout autre. Mais désormais, donc, sauf demande expresse, les administrations et services publics devront s'adresser à tous les usagers, hommes comme femmes, mariés ou non, par leur nom de naissance.
Protection des femmes
Enfin, sûrement le volet du texte qui a fait le plus débat avec l’amendement (adopté) visant à retirer la notion de « détresse » dans le droit à l'IVG, la protection des femmes va concerner les départements à deux titres principaux.
D'une part, le projet de loi prévoit la généralisation du dispositif « Téléphone grand danger » (le 3919) expérimenté aujourd'hui dans une quinzaine de départements en association avec les conseils généraux. D'autre part, un nouvel article prévoit que les personnes victimes de violences pourront bénéficier des aides du Fonds de solidarité logement pour faciliter leur relogement, fonds géré par les conseils généraux.
Le texte doit à nouveau passer devant le Sénat qui examinera alors les amendements des députés. Mais il ne devrait pas subir de grosses modifications. Peut-être les sénateurs UMP rouvriront-ils le débat sur l'amendement portant sur le droit à l'IVG. D'autres pensent que le remplacement dans le droit de la notion juridique « en bon père de famille » par « raisonnable » ou « raisonnablement » pourrait aussi provoquer quelques discussions de droit. Mais les éléments principaux de la loi semblent acquis.