Projet de loi ESR : vers une entrée des collectivités dans la gouvernance de l'Université

Marion Esquerré

En première lecture, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (loi ESR). Le texte doit passer en commission mixte paritaire le 15 juillet 2013. En l'état, le texte satisfait les régions et les principales associations représentant le bloc local. En termes de gouvernance, elles devraient voir leur rôle auprès de l'Université reconnu.

Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (loi ESR), dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 juin 2013, soit un jour plus tôt que ce que prévoyait le calendrier législatif. Dans un communiqué, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR), Geneviève Fioraso, « a salué » ce vote qui, selon elle, « illustre une large convergence autour des deux priorités du projet de loi : la réussite des étudiants et une nouvelle ambition pour la recherche ».

C'est surtout le soulagement qui devait régner au ministère tant le sort du texte était incertain. Le groupe écologiste au Sénat avait annoncé qu'il voterait contre ou, au mieux, s'abstiendrait tandis que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) était décidé à s'opposer au texte. Le texte a finalement été voté par 172 voix contre 157, avec les écologistes et une partie des élus du groupe UDI-UC.

« On attend de voir ce que donnera son examen devant la commission mixte paritaire du Parlement, le 26 juin », insiste toutefois David Constans-Martigny, chargé de mission éducation, insertion et culture à l'AMGVF. L'association ainsi que l'AVUF, l'AdCF, l'ACUF et la FNAU ont travaillé ensemble à une contribution aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche qui,  à l'automne dernier, ont précédé la rédaction de la loi. Pour l'heure, les collectivités locales comme les régions d'ailleurs, sont plutôt satisfaites du rôle que le projet de loi, après de nombreux amendements, leur donne désormais auprès de l'Université.

« Tout le monde se rend bien compte que l'Université avait tendance à se penser comme une “savante hors sol”, tournée parfois, avec plus ou moins de succès, vers l'international, explique David Constans-Martigny. Le texte lui donne un ancrage territorial et implique que les acteurs travaillent ensemble. » Laurent Beauvais, président de la région Basse-Normandie et responsable de la commission enseignement supérieur, recherche et innovation à l'ARF, insiste : « Les régions investissent plus d'un milliard d'euros par an dans ce secteur, ce qui en fait des partenaires légitimes pour apporter une approche territoriale dans ce grand investissement pour l'avenir qu'est l'ESR. »

Schémas régionaux
Deux articles du projet de loi satisfont en particulier ce besoin de reconnaissance. L'article 12 ter oblige à élaborer des « schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche ». « Cela s'appuie sur du concret, souligne Laurent Beauvais. Une dizaine de régions ont déjà mis en place de tels schémas. Donc, le fait qu'on les place maintenant dans une référence législative nous paraît aller dans le bon sens. »

Les collectivités du bloc local sont aussi satisfaites car ces schémas devront prendre en compte les schémas locaux, établis à l'échelle de communes ou intercommunalités. « Ce premier volet offre une première reconnaissance de l'implication des autorités locales, notamment des grands villes et agglomérations, insiste David Constans-Martigny. Ce sont des schémas qui aujourd'hui prennent des formes très variées, allant d'un appui financier à la recherche et à la vie étudiante – ce qui est le plus classique et certainement le plus répandu – jusqu'au soutien de l'innovation, etc. »

Coopération et regroupement
L'article 38 établit les nouvelles règles de coopération et de regroupement entre les établissements d'enseignements publics supérieurs et les organismes de recherche, dont la création des « communautés d'universités et d'établissements » succédant aux PRES. Ces communautés seraient une trentaine alors qu'existent aujourd'hui une quarantaine de PRES. Elles seraient liées à l'Etat par un « contrat de site » dont, et c'est la nouveauté qu'applaudissent les collectivités, un volet serait discuté avec les collectivités territoriales, régions incluses. « Nous avons beaucoup insisté pour que les régions soient associées à l'élaboration des contrats de sites, rappelle Laurent Beauvais. Nous souhaitions même être cosignataires avec l'Etat et les communautés, sans y parvenir. Cependant, cette volonté d'association reste un geste intéressant. »

Les collectivités devraient être par ailleurs présentes dans les conseils d'administration de ces communautés, à hauteur de deux sièges dont un au moins occupé par la région. « C'est une bonne manière de donner un ancrage territorial plus fort aux universités », estime David Constans-Martigny.

Enfin, les régions se sont aussi félicitées que le texte prévoit qu'elles soient consultées par l'Etat « sur les aspects régionaux de la carte des formations supérieures et de la recherche dans le but de favoriser une meilleure adéquation avec les besoins liés au développement économique, social et culturel des territoires », peut-on lire dans un communiqué du 25 juin 2013.

A condition que les discussions de la commission mixte paritaire ne touchent pas à ces articles – qui ne sont pas les plus sensibles pour la communauté universitaire –, l'entrée des collectivités dans la gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche semble donc assurée. Pour David Constans-Martigny, de l'AMGVF, « on fait enfin revenir les universités à l'intérieur des villes tout en réfléchissant à la manière dont elles pourront s’inscrire dans une stratégie plus globale, à l'échelle d'un territoire plus vaste ».

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