Prévention du vieillissement : quel rôle pour les collectivités locales ?

Aurélien Hélias

Trois rapports étaient remis le 11 mars 2013 au Premier ministre sur la prévention et l’adaptation de la société française au vieillissement démographique. Urbanisme, logement adapté au 3e âge et transports des séniors sont au cœur d’enjeux sur lesquels les collectivités sont appelées en renfort de l’Etat.

Pour établir un diagnostic sur la prévention et l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population, le Gouvernement avait commandé pas moins de trois rapports. L’un d’entre eux, celui du conseiller général du Val d’Oise (PS) Luc Broussy sonne comme un constat d’échec : « Face au défi de l'adaptation » aux troisième et quatrième âges, « notre pays peine à se doter d'une véritable stratégie globale définie, pilotée et voulue par l'Etat », écrit celui qui est également conseiller spécial du président de l’Assemblée des départements de France (ADF) en charge de la perte d’autonomie. Le sous-titre de son rapport -« France : année zéro ! »- rappelle que presque tout reste à faire pour sortir les personnes âgées « du ghetto médico-social ». Et si l’Etat devra assumer un rôle stratégique et de financement, les collectivités ne devraient pas être en reste selon lui.

Des MDPH aux MDA

D’abord en assurant un rôle pivot dans l’information sur l’accessibilité et les droits des personnes âgées, et d’organisation au niveau local des services dédiés à ces publics spécifiques : « les collectivités et notamment les départements, les intercommunalités et les communes, doivent être les interlocuteurs au quotidien des élus, des usagers et des familles », écrit-il. L’élu loue ainsi l’expérimentation des Maisons départementales de l’autonomie, aux attributions plus larges que celles des personnes handicapées (MDPH) puisqu’elles intègrent les personnes âgées à leurs missions : « aux départements de gérer non seulement les futurs "guichets uniques" que sont les MDA mais à eux également d’être, autour des "Conseils départementaux de la solidarité et de l’autonomie" dont nous prônons la création, les véritables chefs d’orchestre de l’anticipation et de la gestion du vieillissement dans notre pays », plaide Luc Broussy.  Ce dernier suggère ainsi une contractualisation tous les trois ans entre MDA et Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) afin que les territoires soient « en cohérence avec les politiques publiques nationales tout en gérant leurs spécificités ».

La généralisation des MDA devrait toutefois être encadrée, selon le Docteur Jean-Pierre Aquino, président du comité « avancée en âge ». Dans son rapport « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société », le professionnel de santé souligne l’importance  d’engager une réflexion sur la forme juridique de la MDA « pour qu’elle traduise bien, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, les orientations actuelles de la politique du handicap et de la perte d’autonomie qui prévoient l’association étroite des usagers et la nécessité de remontées d’’informations vers la CNSA. » « Le troisième acte de la décentralisation et le projet de loi sur l’autonomie peuvent être l’occasion de s’interroger sur les conditions de mise en œuvre de cette nouvelle organisation de travail afin de garantir aux personnes âgées et aux personnes handicapées ainsi qu’à leurs familles, l’égalité et l’équité de traitement », ajoute-t-il.

Des réponses locales à coordonner

Les collectivités locales sont d’autant plus sollicitées qu’elles seules seraient capables de mesurer le degré d’adaptabilité nécessaire des services locaux aux plus âgés, selon le nombre de ces derniers et leur degré d’autonomie. « La France sera confrontée à un vieillissement très varié d’une région ou d’un département à l’autre, rappelle Luc Broussy. Plus que jamais, les économies locales devront prendre en compte la structure de leur population. Plus que jamais, les collectivités locales devront s’adapter aux réalités locales ». L’Etat devra lui « assurer une égalité des territoires face à une inégalité des situations », ajoute rapidement le maire-adjoint de Goussainville.

Autre raison de l’appel à contribution des collectivités locales : ce sont elles qui se montrent les plus innovantes pour apporter des réponses pragmatiques au vieillissement, qu’il s’agisse de la France ou de nos voisins européens. Dans son rapport dédié aux « perspectives internationales » sur les moyens de « relever le défi politique de l’avancée en âge », la députée (PS) de Charente Martine Pinville observe que « la prévention se décline en majeure partie au niveau local, par l’action des collectivités qui, dans de nombreux pays, ont les compétences de définition et de mise en œuvre des politiques liées au vieillissement ». Ainsi, qu’il s’agisse de de l’adaptation de l’environnement urbain ou de l’accessibilité financière (réductions forfaitaires ou d’abonnements dédiés) ou physique (services de transport adaptés aux contraintes des personnes âgées : horaires aménagés, circuits « à la carte », etc.) en matière de mobilité, « ce sont là encore bien souvent les collectivités locales qui sont en pointe », insiste la membre du Comité national d'évaluation des dispositifs expérimentaux d'aide aux personnes âgées.

Un « benchmark » des opérations d’habitat intergénérationnel

Reste que les initiatives locales constituent tout à la fois une richesse mais aussi un défi, étant donnée la « difficulté à établir des plans nationaux de prévention qui ne soient pas la simple collection de programmes locaux épars. Au Québec, par exemple, le foisonnement d’initiatives au niveau communal, s’accompagne de problèmes de coordination globale entre les acteurs et entre les niveaux territoriaux », nuance-t-elle.

Conséquence : l’Etat devrait s’inspirer des réussites du secteur local, et notamment sur le défi principal du logement, pour mieux ensuite les piloter au niveau national. Ainsi le rapport Broussy suggère-t-il d’étudier la généralisation sur tout le territoire de l’opération de construction d’habitat intergénérationnel « Rhône + », entamée en 2010. Le Certu (Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques) se verrait pour sa part confier un recensement et un bilan des opérations d’habitat intergénérationnel, afin de « produire une circulaire de type "benchmarking" à adresser ensuite aux collectivités ».

Allier planifications urbaine et sanitaire

Enfin Luc Broussy propose de mieux articuler la planification urbaine avec les besoins sociaux et sanitaires des populations vieillissantes : structures de soins et médico-sociales, transports adaptés « à la demande », proximité des services publics et des commerces. « Encore faut-il, pour parvenir à ces articulations, que demain les SROSMS (Schéma régionaux d'organisation médico-sociale) et les Scot (Schémas de cohérence territoriale) puissent s’élaborer de concert, ce qui n’est évidemment pas du tout le cas aujourd’hui puisque la loi HPST n’a jamais prévu un tel dialogue entre l’administration sanitaire déconcentrée et les collectivités locales », déplore l’élu local..

Pour y remédier, ce dernier propose d’amender la loi afin de permettre cette articulation, mais aussi d’introduire dans les objectifs des plans locaux d’urbanisme (PLU) la prise en compte du vieillissement démographique. Une dimension « vieillissement » serait également intégrée aux Plans d’aménagement et de développement durable (PADD), « étant entendu que la démographie est un des éléments futurs d’un développement durable harmonieux »

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