Guide de prévention de la radicalisation
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Après le « fiasco » des tentatives de déradicalisation, l’Etat souhaite renforcer la prévention de la radicalisation islamiste, en associant davantage les collectivités territoriales. En attendant la présentation d'un nouveau plan par Emmanuel Macron et Edouard Philippe, la bonne formule reste néanmoins à trouver.
Officiellement, la radicalisation est rentrée dans les radars de l’Etat, des conseils départementaux et des mairies au printemps 2014, avec l’installation d’un numéro vert, d’une plateforme de signalement et l’organisation de premières sessions de formation. Mais, si des plans d’action ont commencé à voir le jour, la mobilisation reste balbutiante. Le quasi-doublement du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation depuis 2015 - permettant à l’Etat d’afficher sa préoccupation et de rassurer la population française - a davantage créé un effet d’aubaine que des réponses concrètes et efficaces. En pleine disette budgétaire, plusieurs acteurs autoproclamés « experts en déradicalisation » ont profité de cette manne inespérée, avant que deux rapports sénatoriaux ne finissent pas dénoncer ce « fiasco ».
Le discours et les actes
« Il est difficile de jeter la pierre aux pouvoirs publics qui ont agi dans l’urgence, au rythme des attentats », défend Roger Vicot, maire (PS) de Lomme (Nord). En tant que président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), il critique néanmoins volontiers le « décalage total » entre les discours évoquant une réorientation de l’action de l’Etat vers la prévention de long terme, grâce aux acteurs de droit commun, et les actes. Dans son viseur : l’inconstance des récentes décisions budgétaires affectant justement les collectivités territoriales, la politique de la ville, le logement social ou encore la prévention spécialisée, censées aider les services de l’Etat.
Pourtant, par leur connaissance des vulnérabilités de leur territoire autant que des fragilités de leurs habitants, les élus locaux peuvent, lorsqu’ils en ont les moyens, participer activement à la lutte contre le djihadisme. En amont, en signalant des cas suspects aux services de renseignement et de police. Mais aussi en aval, en renforçant l’action socio-éducative et le soutien psychologique pour les jeunes (voire leurs familles) suivis pour radicalisation modérée, c’est-à-dire ceux n’étant pas encore totalement acquis aux thèses islamistes. Au-delà de l’aspect financier, le soutien de l’Etat aux acteurs de droit commun doit aussi être opérationnel et se traduire par une coopération renforcée. Problème : mis à part dans les territoires où le partenariat local est déjà effectif depuis quelques années, les réticences des préfets, procureurs et autres recteurs à travailler avec les agents territoriaux restent vives sur le terrain.
Coûteuse « paix sociale »
Mais comme le remarque Muriel Domenach, « Madame Prévention de la radicalisation de l’Etat », les collectivités ne sont pas davantage exemptes de tout reproche. « Il existe des bonnes pratiques - de Bordeaux à Sarcelles en passant par Strasbourg ou Nice - qui méritent d’essaimer. Reste qu’il y a encore trop de territoires où nous constatons un manque d’implication faute de formation ou, pire, un manque de volonté », confessait, en novembre, la secrétaire générale du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR).
Un manque d’entrain manifeste même là où la radicalisation est de notoriété publique. « Quelques collectivités ont trop laissé faire, en espérant obtenir une « paix sociale » qui n’en est pas une en réalité », fustige le député (PS) du Val-de-Marne, Luc Carvounas. Même condamnation de la part du rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène : « Certains élus et bailleurs adeptes d’une gestion communautaire et clientéliste se sont trop longtemps satisfaits de la ségrégation. Ce faisant, ils ont donné des prises et laissé le champ libre aux rigoristes qui en profitaient pour faire de l’entrisme, déstabiliser des associations ou remettre en cause des exigences républicaines comme l’égalité femmes-hommes. » Sont-ils seulement prêts à ouvrir les yeux ? Il est permis d’en douter, à la vue des retours reçus par « Le Courrier des maires » aux multiples sollicitations de communes réputées sensibles : « Nous ne souhaitons pas donner suite à votre demande d’entretien » ; « Le maire n’est pas intéressé par une expression dans ce dossier ». Simple prudence ou déni ?
Silence, on expérimente en toute discrétion...
Tout juste ouvert en septembre 2016, il a été fermé l’été suivant dans la précipitation, après avoir accueilli seulement neuf pensionnaires : c’est peu dire que le « centre de déradicalisation » inauguré par le gouvernement Valls à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire) illustre les tâtonnements de l’Etat. Initialement censé assurer une prise en charge pluridisciplinaire de jeunes sous main de justice, c’est-à-dire une alternative à la prison, plusieurs parlementaires d’Indre-et-Loire avaient finalement obtenu que cet espace n’accueille que des radicaux « modérés », sur la base du volontariat.
Sans grand succès, donc… Si ce n’est celui de rassurer la population locale qui avait manifesté ses craintes. Par les voix d’Emmanuel Macron et du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, l’Etat - reconnaissant ne pas avoir de recette miracle - a réitéré à plusieurs reprises son souhait d’expérimenter des structures d’accompagnement psychiatrique et/ou socio-éducatif d’individus radicalisés sous main de justice. Sans plus de précisions. Mais cette volonté renvoie déjà, selon nos informations, à des dispositifs déjà sur les rails comme l’action menée par le tribunal de grande instance de Colmar (Haut-Rhin), en lien avec les collectivités et des partenaires locaux. Dispositifs encore en cours d’expérimentation, qui n’attendent plus que le signal d’un Etat extrêmement discret pour essaimer dans d’autres territoires.
DAGINCOURT - 30/01/2018 13h:39
Le problème ne doit pas être réglé "dans l'urgence", mais doit faire l'objet d'un travail de fond au travers d'associations qui ne doivent pas être fictive ou qui ne doivent pas répondre à un clientélisme trop souvent constaté dans ce que l'on appelle pudiquement "les quartiers". Les clubs sportifs pourraient devenir un excellent lanceur d'alerte pour les dérives qu'ils peuvent constater chez les jeunes qui pratiquent un sport. Encore faut-il que les responsables politiques cessent de segmenter les activités en refusant d'écouter les clubs sportifs au prétexte que ceux-ci ne doivent faire que du sport. Cette affaire doit faire l'objet d'une vraie transversalité. Trop souvent on demande au club de sport de ne faire QUE du sportif et on ignore le rôle éminemment social qu'ils ont, tout autant que des structures associatives dites sociales auxquelles n’adhèrent pas forcément les jeunes. Vaste chantier en perspective !!
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