Présidentielle 2017 : Ville & Banlieue attend bien plus des candidats

Hugo Soutra
Présidentielle 2017 : Ville & Banlieue attend bien plus des candidats

Ville et Banlieue, Herouville Saint-Clair le 15 mars 2017

© Ville et Banlieue

Et si on parlait des quartiers populaires dans la campagne présidentielle ? Voici la suggestion faite par les élus de l'association Ville & Banlieue, lors d'une rencontre à Hérouville St-Clair, dans la banlieue de Caen (Calvados). Interview de son président, Marc Vuillemot, par ailleurs maire de La-Seyne-sur-Mer (Var) qui ne cache pas son désespoir face à la faiblesse des projets présidentiels en la matière.

[caption id="attachment_68070" align="alignleft" width="263"] Marc Vuillemot[/caption]

Plusieurs candidats ont parlé d'une France au bord de la guerre civile. Comment réagissez-vous à cette radicalisation des discours politiques à quelques semaines de la présidentielle ?

Cela ne vous étonnera pas : à Ville & Banlieue, nous continuons à considérer que les quartiers populaires sont des territoires à part entière de la République française. Plutôt que poser un regard partiel sur la situation, les candidats auraient tout intérêt à analyser la situation dans sa globalité et aborder également les enjeux d’éducation, de formation et d’insertion professionnelle, de services publics qui y sont plus que prégnants.

Attention : nous ne nions pas pour autant les lourdes difficultés auxquelles font face une partie de leurs habitants. C’est tout le sens des propositions que nous formulons à l’adresse des différents prétendants à la présidence de la République. La promesse d’égalité contenue dans notre devise républicaine doit enfin être traduite en direction des quartiers prioritaires.

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L’affaire Théo explique-t-elle ce sentiment que les banlieues, la politique de la ville, aient été expulsées des enjeux de cette présidentielle ?

Oui, et cela montre à quel point rétablir une police de proximité pourrait faire sens. D’ailleurs, les maires de Ville & Banlieue, toutes sensibilités politiques confondues, sont unanimes sur le sujet. C’est entendu qu’il ne reviendrait pas à un tel corps de garantir qu’il n’y ait plus d’émeutes, de maîtriser les individus brûlant des voitures ou ceux compliquant les interventions des sapeurs-pompiers, mais il devient urgent de retravailler le lien entre la police et la population autrement que par le seul biais du maintien de l’ordre.

Nous avons également formulé quelques propositions pour améliorer l’efficacité et la rapidité de la Justice. Lorsque des faits délictueux sont commis, il faut pouvoir apporter des réponses en temps réel et pouvoir convoquer les délinquants pour qu’ils ne développent pas une forme de sentiment d’impunité.

Ces discours alarmistes, assez courants dès qu’on parle des banlieues, tiennent-ils suffisamment compte des récentes lois Egalité et Citoyenneté (2016) ou de programmation pour la politique de la ville et la cohésion urbaine (2014) ?

Il y a eu deux lois intéressantes, effectivement, au cours du quinquennat. Malheureusement, le volontarisme d’une partie du gouvernement pour mettre en place une discrimination positive territoriale en faveur des quartiers prioritaires ne semble pas avoir été suivie d’effets. Les administrations centrales comme territoriales continuent d’allouer, encore et toujours, moins de moyens aux services publics. Outre la diminution des budgets d’intervention, faire République y compris dans les quartiers prioritaires passera aussi par plus d’investissements dans la formation, le recrutement de fonctionnaires ainsi qu’en matière de ressources humaines et de règles d’affectation.

C’est pour cela que nous insistons sur la nécessité de dépasser le ministère de la Ville pour rattacher ces dispositifs au niveau du Premier ministre, par exemple par le biais d’un Haut-commissariat. Rendre efficiente la politique de la ville nécessite les mêmes moyens budgétaires que ceux consacrés par Jean-Louis Borloo pour la rénovation urbaine. Ce serait intéressant de se poser la question, un jour, de ce que coûte les actions de « réparation sociale » menées à posteriori faute d’avoir investi suffisamment d’argent dans l’espoir de tenir ses engagements budgétaires ?

En l’état de la campagne électorale, les différents candidats – de gauche ou de droite – formulent-ils des propositions suffisamment ambitieuses et fournies pour s'attaquer aux véritables maux des "QPV" ?

Non, nous ne sommes pas véritablement ravis de ce que nous lisons ou entendons sur le sujet. Peu ont développé des réponses spécifiques – contrairement au volet « ruralités » de leurs programmes. Nous ne désespérons pas qu’ils formulent de nouvelles propositions en s’inspirant si besoin de nos travaux. Quoi qu’il en soit, nous attendons qu’ils haussent le niveau lorsque nous recevrons les candidats ou leurs représentants, mi-avril, à la commission Politique de la ville de notre association, de l’AMF et de France urbaine.

A nos yeux, il faut cibler de toute urgence les efforts sur l’insertion professionnelle. C’est la clé de la prévention. L’éducation,  la formation et l’accès à l’emploi sont susceptibles d’éviter qu’un jeune ne s’égare et se prête à des violences. Comme évoqué tout à l’heure, un renforcement de l’efficience de la police et de la justice est également nécessaire pour que ces résidents de la République soient respectés et considérés comme n’importe quel Français.

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