Pour préserver l’investissement, il faudra moins dépenser…

Comment les collectivités seront-elles "acteurs du retour à l’équilibre et moteurs de la relance" ? L’intitulé de la table ronde du Congrès des maires, le 22 novembre 2012, comme la teneur des débats ont montré à quel point communes et intercommunalités ne pouvaient que maîtriser leurs dépenses de fonctionnement pour, a minima, préserver leurs capacités d’investissement et participer ainsi à la relance de l’économie.

Le gel des dotations aux collectivités locales en 2013, avant les 750 millions d’euros en moins en 2014, puis à nouveau en 2015 fait peser sur la capacité d’investissement des collectivités locales une épée de Damoclès. Et ce, sans compter les multiples dépenses incompressibles qui s’imposeront aux collectivités.

A elle seule, l’augmentation de la cotisation des collectivités à la Caisse nationale de retraite de ses agents (CNRACL) coûtera de "350 à 400 millions d’euros aux collectivités", selon les calculs d’André Laignel, président du Comité des finances locales.

"Quand on recense les charges nouvelles, sans les normes, on arrive déjà à 700 millions de dépenses nouvelles. Donc, quand on dit gel [des dotations], c’est déjà une baisse que l’on aura à subir !" s’emporte le maire d’Issoudun (Indre). "Trouvons ensemble des solutions qui nous permettent de moderniser nos territoires […], mais aussi de soutenir l’économie nationale", poursuit-il.

Pour continuer à investir demain, il faudra donc moins dépenser en matière de fonctionnement. Une voie que tous les acteurs du débat se sont évertués à explorer.

Endiguer le coût des normes, objectif n° 1

"Malgré tous nos efforts, nous n’avons pu endiguer le flux des normes. 300 normes sont éditées par an alors que déjà nous en avons déjà 400 000 en stock", rappelle le président la commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), Alain Lambert. Des normes de plus en plus coûteuses pour les collectivités, et qui ne sont pas toujours justifiées, n’ont cessé de souligner les élus locaux, notamment lorsqu’elles s’appliquent aux plus petites communes.

Introduire le principe de proportionnalité en droit administratif

"Pour une rampe d’accès à un bâtiment, la règle doit-elle être la même si 100 000 personnes doivent la franchir ou s’il s’agit d’une vingtaine de personnes seulement ? Le droit ne nous permet pas d'adapter la règle. Or cette question de proportionnalité est applicable en droit pénal, en droit civil, mais non en droit administratif !" s’emporte Alain Lambert.

Malgré les difficultés juridiques pour mettre en place un tel principe de proportionnalité, l’élu évoque l’idée de "permettre au représentant de l’Etat, et non au maire maître d’ouvrage, de pouvoir adapter la norme. Nous ne pouvons pas dépenser 1 milliard d’euros supplémentaires par an pour satisfaire les administrations centrales !".

Une "sorte d'article 40" de la Constitution

Au-delà de la piste d’un principe de proportionnalité, défendu également par le sénateur UMP du Loiret Eric Doligé dans une proposition de loi, Alain Lambert évoque la création d’une "sorte d’article 40". Il fait référence à l’article 40 de la Constitution qui précise que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement "ne sont pas recevables, lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique."

Selon le président de la CCEN, il s’agirait de ne plus "adopter une norme nouvelle si on n’en supprime pas une ancienne. C’est possible", assure-t-il.

Il estime illégitime "que les administrations publiques qui ne sont pas directement sous l’autorité de l’Etat puissent prescrire sans qu’au moins le ministre des Finances soit au courant. Cette faille de gouvernance met en danger le respect du pacte de stabilité".

S’ajoutent aux responsables de l’inflation normative les parlementaires, qui devraient mieux surveiller leur action, estime Philippe Laurent.

"Au contraire des projets de lois, il n’existe pas d’étude d’impact sur les propositions de loi ni sur les amendements présents en cours de lecture au Parlement !", rappelle-t-il.

Droit de veto à la CCEN

"Nous devons exiger de l’Etat qu’il arrête de nous imposer des dépenses nouvelles. Le premier, ce sont les normes. Je vais déposer dans le collectif budgétaire, un amendement qui donne droit de veto à la Commission consultative des normes", a pour sa part proposé le président de la commission des finances de l’Assemblée, Gilles Carrez.

Cette proposition laisse toutefois sceptique Serge Morvan, directeur général des collectivités locales."Le droit de veto ne peut pas être de sa compétence [de la CCEN]", juge ce denier.

Le sujet devrait toutefois rebondir prochainement, avec la proposition de loi des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault ou à l'initiative de l’Etat, qui pourrait préférer être à la manœuvre sur ce sujet à la fois très politique et technique.

Se financer à moindre coût

"Sur cinq ans, il faudra faire 60 milliards d’économies. Et chacun va y être associé. Cela ne peut pas être fait bêtement et peser seulement sur les collectivités locales. […] Si j’appelle les collectivités à participer au pacte de compétitivité, elles ne pourront le faire que si des contraintes de financement insupportables ne pèsent pas sur elles", a indiqué le ministre de l’Economie et des finances, Pierre Moscovici.

Comment emprunter "moins cher" ?

Problème : "L’Etat emprunte environ à 2 % ; les conditions faites par le système bancaire aux collectivités locales tournent autour de 4,5 %, c’est-à-dire très supérieures aux conditions de l’Etat. Nous devons trouver des mécanismes qui nous permettent d’emprunter moins cher : le système bancaire ne nous permettra pas de le faire", a prévenu le rapporteur de la commission des finances de l’Association des maires de France, Philippe Laurent.

La piste de l'agence de financement des collectivités

Plusieurs pistes sont à l’étude, dont l’agence de financement des collectivités locales, qui a (enfin) reçu le feu vert du chef de l’Etat le 20 novembre.

"Dans tous les pays, les collectivités se financent par émissions obligataires", a rappelé Philippe Laurent. "Nous sommes disponibles pour créer les véhicules juridiques qui permettront de créer cette agence", a confirmé le ministre des Finances, Pierre Moscovici.

La banque publique d'investissement

Autre projet au ministère des Finances : la Banque publique d’investissement (BPI). "Elle verra le jour début janvier. Elle sera la banque des PME, des entreprises intermédiaires, de vos territoires", a assuré Pierre Moscovici aux nombreux maires présents.

"L’objectif est que 90 % des décisions de la banque publique d’investissement se fasse au plus proche du territoire", a-t-il ajouté.

Avec cet outil, les élus espèrent obtenir un effet levier en faveur du développement économique territorial alors que les finances locales ne leur permettent plus autant qu’auparavant de jouer ce rôle de soutien.

Plus de prévisibilité

Pour utiliser au mieux, et sur la durée, leurs ressources budgétaires, les élus locaux ont besoin de "prévisibilité", ne cessent-ils de répéter.

Une loi de financement des collectivités

Pour aller dans ce sens, Alain Lambert propose que les relations entre Etat et collectivités locales "soient d’une clarté absolue. Avec une loi de financement des collectivités territoriales, nous aurions l’avantage de pouvoir connaitre chaque année les charges et les ressources des collectivités", plaide-t-il.

Les collectivités ont aussi besoin d’en savoir plus en amont sur ce qu’elles recevront comme ce qu’elles devront donner dans leur participation au système de péréquation:

"La difficulté consiste à concilier une péréquation la plus juste possible dans le cadre de l’annualité budgétaire. La péréquation a un effet sur le montant perçu, parfois prélevé, pour les collectivités concernées. Mais nous sommes conscients qu’il faut de la lisibilité. D’où les éléments que nous essayons d’inscrire dans les lois de finances, notamment sur les dotations", souligne le DGCL Serge Morvan.

"C’est vrai, sur la CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises], il est difficile d’obtenir de la prévisibilité sur plusieurs années à ce stade", concède-t-il toutefois.

N’oubliez pas de mutualiser !

"L’évolution de la CNRACL, des frais financiers, des fluides: tout cela montre que notre difficulté est de maitriser le dépenses de fonctionnement pour mieux gérer les investissements", rappelle Christophe Sirugue, député-maire de Chalon-sur-Saône (71). Et l’élu de plaider pour accentuer dans les territoires les efforts de mutualisation entre intercommunalités et communes membres afin de plafonner les dépenses locales de fonctionnement.

"Nous essayons de produire un service en direction des communes les plus petites pour leur permettre un accompagnement en ingénierie. Il faut une nécessaire solidarité sur un territoire", ajoute-t-il.

 Aurélien Hélias

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