Ex-QPV, aujourd'hui « territoire en veille » pour la municipalité : les Chartrons, à Bordeaux
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C’est un portrait très fin des « habitants des quartiers politique de la ville en France » qu’a présenté le 3 mai l’Insee, sur la base de données récentes et surtout infra-communales. L’étude met au jour la concentration des difficultés socio-économiques rencontrées par les habitants dans ces quartiers par rapport aux populations des aires urbaines qui les englobent, mais aussi des disparités entre les différentes régions abritant ces « QPV ».
Alors que l'Observatoire national de la politique de la ville, successeur de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, remettait le 3 mai au matin son premier rapport, l'Insee présentait de son côté une étude sur « les habitants des quartiers politique de la ville en France », sous-titrée « Pauvreté monétaire et autres précarités ».
Le rapport du jeune observatoire, réalisé au cours de l'année 2015, s'appuyait sur des données datant de 2011, tandis que la nouvelle enquête de l'Insee analyse des données de 2012 issues d'une nouvelle base de données infra-communales, Filosofi((Fichier localisé social et fiscal (Filosofi).)).
Celle-ci recoupe à l'échelle de « carreaux » géographiques de 200 m sur 200 m, les informations fiscales des habitants ainsi que le niveau des prestations familiales dont ils bénéficient pour, au final, déterminer le revenu moyen disponible des ménages, leur niveau de vie et leurs caractéristiques socio-démographiques.
Au-delà des « unités urbaines englobantes »
Complétée par des données démographiques, sur le logement, sur le niveau de diplôme, etc., l'ensemble offre, selon Sylvie Marchand, chef du département de l'action régionale à l'Insee, « une connaissance fine des caractéristiques socio-économiques des quartiers en politique de la ville », les « QPV », et notamment au regard des unités urbaines qui les englobent((L'Insee emploie la notion d'unité urbaine pour désigner un territoire urbain continu qui se compose généralement d'une ville-centre et de ses communes limitrophes. Par convention, on estime qu'il y a continuité urbaine lorsque la distance qui sépare deux bâtiments est inférieure à 200 mètres. L'unité urbaine englobante est l'unité urbaine dans laquelle s'inscrivent un ou plusieurs quartiers de la politique urbaine.)).
Cette contextualisation est d'autant plus importante que l'un des critères de délimitation des quartiers de la politique de la ville, telle que fixée par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de février 2014, est l'existence d'un écart important entre la situation générale de leurs habitants – taux de chômage, niveau de ressources, niveau de formation, etc. – et celle des habitants des unités urbaines qui les englobent – dites unités urbaines englobantes (UUE).
L’hyper-concentration de la pauvreté dans les « QPV »
Selon la cartographie prioritaire, la France métropolitaine compte 1 300 quartiers politique de la ville (QPV) qui concentrent au total 4,8 millions d'habitants ; 42% d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté((Le seuil de pauvreté correspond à 60% du revenu médian, soit 11 871 euros ou un peu moins de 1 000 euros par mois pour une personne seule.)), contre 16% des habitants des unités urbaines englobantes, indique l'étude de l'Insee. Ce taux de pauvreté descend même à 12% autour des QPV, soit 30 points de moins qu'en leur sein.
Toutefois, le taux de pauvreté varie d'une région à l'autre. Ainsi, ce sont les quartiers politique de la ville d'Ile-de-France et de Corse qui enregistrent le taux le plus « faible », avec 37%. En Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Centre-Val de Loire, il est de 45% environ. Et il dépasse 47% en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-D’azur.
Des profils très spécifiques observés dans les quartiers prioritaires
Autre traits saillants, la population des QPV est en moyenne plus jeune que celle des unités urbaines englobantes. Elle compte une part plus importante d'étrangers, de ménages de 5 personnes ou plus et de familles monoparentales :
- 24% de la population des QPV a moins de 15 ans (6 pts de plus que dans les UUE) ;
- 14% des ménages compte 5 personnes pour plus (6 pts de plus que dans les UUE) ;
- 18% des ménages sont des familles monoparentales (7 pts de plus que dans les UUE) ;
- 19% des habitants sont de nationalité étrangère (11 pts de plus que dans les UUE).
Cependant, là encore, sur certains points, il existe des différences régionales. Ainsi, en Ile-de-France, la part des résidents étrangers dans la population des QPV atteint 25%, contre 13% dans ses UEE. En Normandie et en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, en revanche, la part de résidents étrangers est de 11% et 10% – et seulement 4% dans les dans des UEE.
Les contrats précaires dominent
Les problématiques de l'accès au marché du travail et de la qualification, souvent liées, viennent aussi caractériser en partie les habitants des QPV.
Le taux de chômage y est plus important qu'ailleurs et lorsqu'ils sont en emploi, ils sont plus nombreux en contrat précaire. De même, les femmes habitants dans les quartiers de la politique de la ville sont moins fréquemment en emploi – c’est moins vrai en Ile-de-France.
- 25 % des ménages des QPV perçoivent des allocations chômage (8 pts de plus que dans les UUE) ;
- 21 % des actifs occupés des QPV sont en emploi précaire (7 pts de plus que dans les UUE) ;
- 58 % des femmes vivant dans les QPV sont sans emploi (17 pts de plus que dans les UUE).
Retards scolaires et formation insuffisante
Ces difficultés dans le marché du travail sont concomitantes avec un niveau de formation globalement inférieur à celui de la population des UUE. Cela se traduit par une part très importante (75%) de la population à un niveau de qualification nul ou inférieur au baccalauréat contre 55% dans les unités urbaines englobantes. De même, la part d'enfant en retard scolaire à l'entrée en 6e s'élève à 22% contre 12% dans les UUE.
Enfin, l'enquête s'intéresse à la configuration du logement dans les quartiers de la politique de la ville pour constater, comme on s'en doute, que la part de logements sociaux y est bien plus importante que dans les unités englobantes, respectivement 0,76 logement social par ménage contre 0,24.
Cette densité est encore plus forte dans les régions du nord de la Loire où elle s'établit autour de 0,9 logement social par ménage tandis qu'elle est faible dans les régions du pourtour méditerranéen : 0,5 en PACA et 0,55 en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon.