Police municipale, école
© B. Holsnyder
Le ministère de l’Intérieur a confirmé qu’une « police de la sécurité du quotidien » verrait bien le jour à partir de fin 2017, conformément au vœu formulé par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Pour autant, la bataille est loin d’être gagnée et de nombreuses étapes restent à franchir pour observer le retour d’une police de proximité en France, estime le chercheur spécialiste des questions de sécurité locale, Sébastian Roché.
Chose promise, chose due. Au cœur de l’été, Gérard Collomb a annoncé dans les colonnes du Figaro que la « police de la sécurité du quotidien » commencera à être mise en place « dès la fin de l’année 2017. » Sans s’épancher davantage, toutefois, sur le fonctionnement, le budget ou les effectifs qui seront alloués à ces brigades. Le ministre de l’Intérieur s’est contenté du minimum syndical, dévoilant simplement un embryon de calendrier.
L’idée philosophique, évoquée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron au cours de la campagne présidentielle, était de créer une « organisation policière au plus près de nos concitoyens », permettant de « construire les solutions de sécurité avec les élus de terrain, avec la population et l’ensemble des acteurs. » Autrement dit : une police qui prendrait mieux en compte les priorités locales, comme le réclamait notamment l’association d’élus France urbaine.
Une réforme amenée à durer
« Un tel projet est nécessaire, et très ambitieux, mais je ne pense pas que l’on puisse prendre l’annonce de Gérard Collomb au pied de la lettre. Des segments vont certainement être lancés : des éléments de doctrine, avec un texte qui ne sera pas une simple liste de mesures, des propositions sur son suivi-évaluation, sur la relation avec les maires et avec la population. Et, probablement, des tests dans certaines zones. Mais la réforme ne peut être terminée en quatre mois, car elle a de très nombreuses implications en matière de formation, de réorganisation territoriale, de mutualisations police-gendarmerie pour absorber une partie des surcoûts » précise l’universitaire Sébastian Roché au Club Prévention-Sécurité de la Gazette des communes, dans une sorte de liste à la Prévert.
Difficile, donc, pour l’heure, de savoir si la « police de sécurité quotidienne » d’Emmanuel Macron et Gérard Collomb s’inspirera ou non de la controversée police de proximité mise en place à partir de 1998 par les socialistes Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement.
Une police qui rende compte à ses usagers
Marqueur idéologique entre la gauche et la droite, qui privilégie des forces d’intervention et d’interpellation, la « pol prox » est régulièrement présentée comme un outil d’apaisement entre jeunes et police dans les quartiers populaires. Insuffisant pour convaincre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, de la maintenir lors du retour de la droite au pouvoir à partir de 2002 : « vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c’est bien mais ce n’est pas la mission première de la police. »
Après avoir démontré dans le Courrier des maires, au début de l’été, la nécessité que la police nationale rende des comptes localement, Sébastian Roché ne cache plus son intérêt pour la « police de sécurité du quotidien. » Ce directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la police de proximité auquel il avait consacré un ouvrage, donne la marche à suivre pour que cette idée ne connaisse pas le même sort que son aînée.
« C’est d’abord une bataille d’idée qu’il faut livrer. Elle va se gagner ou se perdre politiquement, et non au plan de l’application qui se fera progressivement et donc avec des ajustements. Entre 1997 et 2001, la bataille de la police de proximité a été perdue par le Parti Socialiste dans l’opinion et les médias, et non sur le terrain. Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement n’ont pas su convaincre » rappelle Sébastian Roché.