Planification, ingénierie, habitat : l’intercommunalité s’impose

Le pilotage de l'urbanisme relève désormais des "instances supracommunales", ont reconnu, le 21 novembre 2012 les intervenants à un atelier du Congrès des maires. La ministre de l'Egalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, elle, a souligné la nécessité de "mutualiser l'ingénierie" et rappelé le cadre strict, dans ce domaine, de l'intervention de l'Etat.

Traditionnellement, les ateliers du Congrès des maires portant sur l’urbanisme et l’habitat suscitent chez les élus locaux une bronca "antinormes" et "antirecours abusifs". Ces deux thèmes ont été évoqués lors des débats sur le thème "Bien aménager pour bien construire", le 21 novembre 2012. Mais rapidement, comme une évidence. Le public qui remplissait le grand auditorium s’intéressait plus à la planification, au plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) et au schéma de cohérence territoriale (Scot) ou d’ingénierie. Preuve de maturité ? Pierre Jarlier, président de la commission urbanisme de l’Association des maires de France (AMF) et maire de Saint-Flour (Cantal), s’en réjouissait.

Pilotage de l’urbanisme

Sur le pilotage de l’urbanisme, aucun élu ne réclame de monopole pour la commune. Au contraire, intercommunalité ou Scot s’imposent comme la bonne échelle. Eux seuls permettent la "recherche du consensus", selon Pierre Ducout, maire de Cestas (Gironde), rapporteur de la commission urbanisme de l’AMF.

Michel Heinrich, maire d’Epinal (Vosges) et président de la Fédération des Scot, plaide, sans surprise, pour l’échelle du Scot, dont la réalisation est le fruit de la collaboration de tous les acteurs élus ou non d’un territoire, et dont l’échelle diffère selon les lieux. Des démarches et des documents intéressants, à condition de préserver la souplesse de la mise en œuvre. Ainsi, Valenciennes métropole traite-t-elle de la question du logement par secteurs et non par communes, et les maires peuvent proposer des niveaux de production variables selon les besoins, explique Valérie Létard, sa présidente.

Sur le terrain, plusieurs maires déplorent la rigidité des services de l’Etat, souvent "intégristes" qui préfèrent rappeler à l’ordre et donnent des documents une autre lecture que celle élaborée et adoptée par les élus.

Face au retrait des services de l’Etat de l’ingénierie territoriale, la solution est de se tourner vers toutes les instances supracommunales, soulignent plusieurs intervenants, qu’il s’agisse de l’intercommunalité, du périmètre du Scot, des agences d’urbanisme, de services à l’échelle du département.

Politique locale de l’habitat

Alors que le besoin de logements est massif et général sur le territoire (lire encadré), Michel Piron, président du Conseil national de l’habitat et président de la communauté de communes des Coteaux-du-Layon, relève 4 questions qui sous-tendent la problématique de la production de logements :

  1. la question foncière, "majeure" ;
  2. l’augmentation du coût de la construction, due avant tout à la complexité du montage des opérations ;
  3. la réglementation, comme celle de l’utilité publique, qui ne hiérarchise pas les avis et donne autant d’importance à ceux des particuliers qu’à l’avis du conseil municipal, ou encore la difficulté à caractériser le recours abusif ;
  4. le financement par les communes.

Appel solennel de Cécile Duflot

Intervenant en clôture du débat, Cécile Duflot, ministre du Logement et de l’égalité des territoires, souligne l’importance de "mutualiser l’ingénierie". Alors que la compétence en urbanisme a été transférée aux communes il y a trente ans, il serait temps que les maires "s’en saisissent à bras le corps" et cessent de se reposer sur les services instructeurs de l’Etat, explique, en substance, la ministre. "L’Etat conservera l’ingénierie de très haut niveau, précise-t-elle, celle des territoires à risques, les plus sensibles et des zones en tension."

D’où sa conviction qu’il faut aller vers les PLU intercommunaux. L’ingénierie pouvant être assumée par les interco, les établissements publics fonciers, les agences d’urbanisme et les services des communautés urbaines, qui pourraient intervenir au-delà de leurs frontières.

Le projet de loi sur l’urbanisme et le logement, qui devrait être débattu durant le premier semestre 2013, devrait clarifier le droit de l’urbanisme, instituer le PLUI, "si les parlementaires le décident", revoir la loi de 1970 sur les agences immobilières et celle de 1965 sur les copropriétés, a précisé Cécile Duflot.

La ministre conclut son intervention par un "appel solennel" aux élus locaux sur un chantier "essentiel ", celui de la rénovation thermique de logements, qui bénéficiera d’un "grand plan", avec un guichet unique et qui pourrait bénéficier des 500 millions d’euros non utilisés du grand emprunt.

Pour sa réussite, il est indispensable d’avoir accès aux personnes concernées, avec le relais de l’AMF. "J’ai besoin de l’aide des 36 000 maires de France pour donner confiance à ceux qui n’osent pas franchir ce pas", lance-t-elle.

Pénurie de logements

Michel Mouillard : "Les tensions sont présentes sur tout le territoire"

Tous les territoires ont besoin de construction de logements et les interventions de l’Etat doivent se déployer partout, sans exclusive, a démontré Michel Mouillard, professeur d’économie à l’université de Paris Ouest Nanterre, en introduction de l’atelier "Bien aménager pour bien construire", le 21 novembre.

A l’appui de sa démonstration, le coût du logement rapporté aux revenus des ménages. Ainsi, en moyenne, l’acquisition d’un logement représente 5,5 années de revenu (6,4 à Paris, qui ne pèse que pour 3 % du marché). Elle représente 5,2 années dans les communes de moins de 200 000 habitants, y compris dans les communes rurales.

Il en va de même lorsque l’on regarde le niveau des loyers au mètre carré par rapport aux revenus. " Le niveau des prix est fixé en fonction du revenu des ménages présents sur le marché", explique Michel Mouillard, qui souligne qu’avec un niveau historiquement faible de constructions "les tensions sont présentes sur tout le territoire".

Autre démonstration, les communes de moins de 10 000 habitants, qui représentent 35 % des ménages comptent 3 millions de ménages modestes et très modestes et 1 million de pauvres. Les communes de plus de 200 000 habitants, avec 40% des ménages, soit quasiment le même nombre, comptent le même nombre de modestes et pauvres.
"L’argument  selon lequel il faut concentrer les interventions là où les déséquilibres sont les plus forts n’est pas valable" en conclut l’économiste.

Michel Mouillard ne dit pas qu’il faudrait intervenir plus lourdement sur les territoires peu denses. Pourtant, souligne-t-il, ceux-ci connaissent des difficultés spécifiques. Ainsi, les communes de moins de 10 000 habitants, avec 35 % de la population ne comptent que 6 % de locatif social comme résidences principales. Les besoins sont bien là. Autre problème : les loyers étant plus bas dans les villes petites et moyennes, en adéquation avec les ressources des habitants, les propriétaires n’ont qu’une capacité réduite pour réaliser des travaux. 15 % de ces logements sont rénovés chaque année, contre de 30 % à 40 % dans les grandes villes. Ce qui entretient un déséquilibre territorial important et contribue au départ des populations vers les périphéries.

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