Pauvreté en France
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Emmanuel Macron a dévoilé, jeudi 13 septembre, sa stratégie de lutte contre la pauvreté en France. Aide financière pour les places en crèches, accompagnement des décrocheurs scolaires et des bénéficiaires du RSA, mais aussi allongement de l’aide sociale à l’enfance au-delà de 18 ans font partie des mesures-phare du Plan. Des compétences qui concernent aussi les collectivités territoriales... qui, pour certaines, regrettent d’avoir été si peu associées en amont.
Annoncé il y a an, attendu avant l’été mais repoussé à la rentrée, le « Plan Pauvreté » a enfin été révélé, ce jeudi 13 septembre, au Musée de l’Homme à Paris par le Président, Emmanuel Macron, en personne. Chiffré à 8,5 milliards d’euros sur 4 ans (2,1 milliards consacrés à l'investissement social et à la prévention de la pauvreté, plus de 2,5 milliards à l'accompagnement vers l'emploi et 3,9 pour la revalorisation de la prime d'activité), le plan devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2019.
Parmi les mesures annoncées ce jeudi, et qui devraient directement impacter les collectivités territoriales, certaines étaient déjà connues des acteurs locaux, d’autres non, une situation qui a donc suscité des réactions plutôt fraîches de la part des collectivités.
Places en crèches et tarif social à la cantine
Comme cela avait été acté au mois de juillet dernier, (Convention de d’Objectifs et de Gestion 2018-2022), 30 000 places en crèches seront crées d’ici la fin du quinquennat avec un « bonus territoire » de 1000 euros par place et par an pour les berceaux situés dans des quartiers prioritaires, un « bonus handicap » de 1300 euros pour les structures qui accueillent des publics handicapés et enfin un « bonus mixité », pouvant aller jusqu’à 2100 euros par an pour les crèches soucieuse de créer de la mixité sociale en leur sein. » « Certaines communes, situées dans les quartiers politiques de la ville pourront ainsi investir dans de nouvelles crèches avec un reste à charge estimé à 10% » explique-t-on à l’Élysée.
Par ailleurs, pour les enfants d’âge scolaire, le gouvernement compte inciter les communes, rurales et/ ou pauvres, à mettre en place des tarifications sociales pour la cantine avec un plafond bas situé à 1 euro. « L’accès à la cantine sera rendu plus universel, en développant les repas à un euro pour les personnes les plus pauvres, de nombreux maires ont déjà pris des initiatives fortes en la matière, que je salue, dans des communes, dans les quartiers et des politiques de la ville notamment. Mais je souhaite que, sur tout le territoire, les enfants pauvres puissent bénéficier des mêmes atouts, et que nous puissions davantage accompagner les communes dans ce juste combat. » a déclaré Emmanuel Macron.
Aide sociale à l'enfance (ASE) et aide aux départements
Le président a par ailleurs insisté sur la nécessité de « sécuriser » l’entrée dans la vie des jeunes les plus fragiles, « comme ceux de la protection de l’Enfance » pour mieux lutter contre la pauvreté. En effet, selon le cabinet de la ministre de la Santé, 25% des SDF sont passés par l’aide sociale à l’enfance.
L’idée serait donc d’accompagner ces jeunes jusqu’à leurs 21 ans… en leur trouvant des solutions d’emploi, de logement ou de formation. Soulignant le « remarquable engagement des départements », Emmanuel Macron a évoqué une « contractualisation financière » avec ces derniers pour les accompagner dans cette mission nouvelle avec, à cette fin, la mobilisation de « 50 millions d’euros ». Un geste qui devrait en partie soulager les dépenses des départements en hausse structurelle en la matière.
Décrocheurs scolaires et missions locales
À l’instar de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, Emmanuel Macron instaure donc « l’obligation de formation jusqu’à 18 ans » avec un repérage plus accru des « décrocheurs scolaires » mais aussi un accompagnement renforcé de ces derniers qui sera mené en aval par les missions locales. Ces dernières, financées entre autres par les collectivités locales, devraient donc voir leur budget abondé par l’État.
Vers un service public de l’Insertion et une nouvelle contractualisation ?
Enfin, la stratégie gouvernementale mise également sur un accompagnement plus serré des bénéficiaires du RSA. Un rôle dévolu là encore aux départements. « Certains départements aujourd'hui accompagnent remarquablement vers l'emploi les bénéficiaires du RSA, parce qu'ils le peuvent, parce qu'ils en ont moins ou parce qu'ils sont plus motivés que d'autres. Mais je ne peux pas accepter de là où je suis que, dans un département, il puisse y avoir 90 % des bénéficiaires du RSA qui soient accompagnés, et dans un autre, 40, ça n'est pas possible, je ne remplirais pas ma mission » a ainsi pointé le Président de la République, qui a donc annoncé « un réinvestissement de l’État en lien avec l’ensemble des collectivités territoriales et les associations » dans un « service public de l’Insertion ». De nouveaux contrats seront donc envisagés entre l’État et les acteurs locaux pour mener à bien ces missions autour d’une loi votée en 2020.
Dernier point : l’expérience « Zéro chômeur de longue durée », saluée par le Président de la République et menée dans des territoires ruraux comme urbains, devrait « être étendue à d’autres territoires d’ici la fin du quinquennat ».
Les associations d'élus locaux regrettent le manque de concertation
« Dans l’ensemble des pays européens, ce plan aurait été co-construit » déplore l’association des Régions de France (ARF), qui a accueilli avec fraîcheur la nouvelle stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté. Regrettant l’absence de concertation avec les collectivités, « alors que les collectivités jouent un rôle un important dans plusieurs compétences évoquée par le Président », l’ARF s’inquiète surtout d’une possible uniformisation des actions en faveur de l’insertion et ce, alors que « la mise en place de politiques différenciés selon les territoires constitue un facteur majeur de réussite ».
Du côté des départements, le Groupe de Gauche s’émeut du « manque d’ambition global de ce plan ne permettra pas d’éradiquer la pauvreté même si la mise en place de mesures pour lutter contre ne peut qu’aller dans le bon sens. ». Et là encore, le volet « insertion » semble avoir du mal à passer au sein des départements qui voient dans ce futur service public « une tentative de déstabilisation des Départements » et une volonté de « de brider l’innovation départementale et de réduire les actions à des contractualisations que nous craignons une fois encore purement arithmétiques. »