Village de Domme, Périgord noir
© Flickr-CC-Dynamosquito
L'innovation n'appartient pas qu'aux grandes villes et les projets foisonnent aussi dans les bourgs et les campagnes ! Telle est la conviction de Frédéric Ville, journaliste spécialiste des territoires ruraux, auteur de "Ces villages qui ont du peps !" et collaborateur régulier du Courrier des maires. Point de vue.
Par Frédéric Ville
"Oui, les villages souffrent de la désertification médicale ou pharmaceutique ; oui, il y a encore des zones grises et même blanches en matière de téléphonie mobile ou de numérique ; oui, il y a des pauvretés criantes dans nos villages, parfois pires que dans les quartiers prioritaires de la ville ; oui, certains villages sont des déserts culturels ; oui, la voiture est encore reine dans la France rurale, etc, etc. Mais si nous décidions plutôt de voire le verre à moitié plein ? C’est le parti pris de Ces villages qui ont du peps ! Mode d’emploi, livre issu d’une plongée de plus de deux ans dans une France rurale conquérante, innovante. Ici, on n’a souvent pas de pétrole, mais on a des idées !
De belles histoires mais pas que...
Quand élus, associations, entrepreneurs, particuliers, exilés urbains… œuvrent ensemble, innovent et misent sur un développement de leurs ressources propres, cela donne des réussites remarquables… voire insolentes. Ce sont des parcs éoliens, qui, parce qu’emmenés par des citoyens, se déploient sans encombres, c’est l’éclosion d’épiceries coopératives ou associatives qui pallie la disparition des derniers commerces, c’est un tourisme napoléonien ou des véloroutes qui font un tabac. Voici encore le transport solidaire à la demande qui s’installe, des maires qui revitalisent l’habitat en centre-bourg, un patrimoine qui devient source d’animation du territoire après des efforts de restauration, des spectacles vivants ou des festivals qui attirent des milliers de personnes au fin fond de la campagne, des associations ou entreprises qui luttent contre la pauvreté ou l’isolement des personnes âgées, des réseaux et personnalités qui pratiquent le lobbying rural, etc. Tous font du développement local et tous les champs de ce dernier sont concernés : économie, commerce, tourisme, mobilité, santé, écologie, cadre de vie, habitat, culture, solidarité, bénévolat, démocratie participative, jeunesse, etc. Ce sont donc tous ces champs que nous avons parcouru pour en tirer témoignages, méthodes, moyens, conseils, références ou contacts.
[caption id="attachment_98796" align="alignright" width="266"] Frédéric Ville[/caption]
Bien sûr, il s’agissait de raconter de belles histoires, -comment ne pas être impressionné par exemple par ces maires qui sauvent leur école en insufflant une politique de rénovation de logements pour les familles ou ou en étant à l’origine de la montée en puissance de la qualité pédagogique-, mais surtout nous avons voulu aider maires, associations ou entrepreneurs, souvent en déficit d’ « ingénierie » en secteur rural, dans le « Comment fait-on ? ». Certes, aucune action n’est reproductible à 100 %, et c’est bien sûr aux acteurs de trouver leur chemin pour ensemble construire le village.
Une ruralité plurielle
Au bout de l’enquête, il y a aussi ce constat du ruissellement de la ruralité vers la ville –alors qu’on nous a plutôt vendu le contraire la décennie passée-. Eh oui, cela existe aussi ! Regardez le formidable succès de la Journée citoyenne -une journée de bénévolat au service de sa commune- : elle est partie de Berrwiller, petit village d’Alsace, lequel a emmené à sa suite bien d’autre villages, mais aussi de moyennes ou grandes villes désormais : Mulhouse, Angers, Clichy, Istres, etc. Il y a toujours cette ruralité de combat : c’est la France d’élus, d’associations, de personnalités ou de gens simples qui ont décidé qu’ils vivraient ici et pas ailleurs, qui assument avec bonheur d’être davantage acteurs que consommateurs, qui font le choix de la proximité et de la solidarité.
Il y a aussi cette ruralité qui attire, pas seulement parce que la ville repousse parfois -déjà avant même la crise sanitaire d’ailleurs-, mais aussi par des aménités, la douceur de vivre, les possibilités de télétravail, etc. Il y a encore cette réalité d’une ruralité plurielle, de ruralités qui parfois s’ignorent. Quoi de commun en effet entre ces diables de chasseurs de la plaine de Versailles… qui à force de gestion des milieux et de privations (de chasse) ont atteint des densités de perdrix grises de 40 à 50 couples par hectare, et ces écolo-bobos (près de 300 tout de même)… qui, en dépit du peu de soutien de leur mairie, sont néanmoins parvenus à faire émerger une centrale photovoltaïque à Aubais (Gard), ou encore ce maire et son équipe qui se battent pendant tout un mandat (parfois plus…) pour faire rouvrir un commerce ou déployer un pôle multiservice, etc ? Et pourtant tous œuvrent pour une ruralité dynamique. Leur message en filigrane ? Que l’Etat accompagne cette vivacité, en reprenant à bras le corps sa tâche régalienne d’un aménagement équilibré du territoire."