Philippe Gosselin
© A.N.
Voté au mois de décembre, par le Sénat puis l’Assemblée nationale – et soutenu par le gouvernement-, un amendement prévoit que les indemnités des présidents de conseils départementaux, régionaux et de collectivités de plus de 100 000 habitants soient augmentées de 40% dès ce 1er janvier. Pour le député de la Manche (LR) Philippe Gosselin, ex-maire rural et auteur en 2013 d’un rapport sur le statut de l’élu, l’initiative « peut se comprendre » mais ses conséquences n’en sont pas moins « injustes ».
Courrierdesmaires.fr : Avez-vous voté en faveur de cet amendement porté par un sénateur avec l’accord du gouvernement ?
Philippe Gosselin : Non, car j’ai voté contre le budget. Et donc a fortiori contre cet amendement, qui me paraît de toute façon très maladroit. Cette initiative peut se comprendre, mais le résultat demeure maladroit et injuste.
Qu’est-ce qui vous gêne dans cette disposition ?
L’idée du collègue sénateur, c’était de dire que les responsabilités pour un élu en charge d’une région, d’un département ou d’une très grande collectivité sont en en effet conséquentes. Gérer une région de 5 à 6 millions d’habitants, c’est un travail il est vrai à temps plein qui demande énormément d’investissement, les journées bien sûr mais également les week-end. Et pour continuer à attirer les meilleurs, cela ne me semble pas choquant qu’il puisse effectivement y avoir un niveau d’indemnisation qui soit celui d’un parlementaire ou d’un haut-fonctionnaire. Sur le papier, cela se comprend… sauf que 40% c’est énorme ! Evidemment cela passe mal dans l’opinion publique.
C’est donc l’ampleur de l’augmentation moins que le principe qui vous choque ?
Plus largement, ce qui me gêne, c’est que le problème ait été ici pris par le petit bout de la lorgnette ! Quitte à revoir les indemnités des élus, je crois qu’il aurait fallu remettre l’ensemble de la grille à plat pour tous les échelons d’élus… En plus, comme aujourd’hui, aucune loi ne s’oppose au « cumul horizontal », un maire d’une grande ville peut très bien cumuler avec une autre indemnité d’élu départemental ou régional, et aller bien au-delà des seuils votés ! Cet amendement ne va pas au bout des choses…
Les maires ruraux notamment grognent contre des « étrennes » destinées aux seuls « grands » élus…
Oui, justement dans notre rapport avec Philippe Doucet sur le statut de l’élu, nous avions pointé la nécessité de travailler sur les indemnités des maires ruraux qui représentent tout de même 80% des élus français ! Nous étions dans une démarche globale autour de la validation des acquis et de l’expérience des élus ruraux et nous avons effectivement obtenu une « sécurisation » de leurs émoluments. Donc aujourd’hui, sauf vote formel du conseil municipal, ces indemnités sont fixes et ne peuvent être modifiées. Donc eux ont eu droit à un « rattrapage » en quelque sorte… même si on parle de 300 à 600 euros par mois.
En revanche, je pense que les maires de collectivités moyennes passent vraiment entre les mailles du filet avec ce texte. Dans une ville sous-préfecture de 10 000 habitants avec peu de personnel municipal, le maire est obligé de mouiller la chemise pour que cela fonctionne et ce n’est pas avec ses indemnités qu’il fera vivre sa famille et paiera les études de ses enfants… En cela, cet amendement est très injuste.
Et cette augmentation de 40 % se fait à périmètre financier constant …
Cela veut donc dire que l’indemnité supplémentaire sera prise sur l’enveloppe globale de la collectivité, et donc que l’on va diminuer les indemnités des vice-présidents ou des adjoints, qui eux-aussi au passage font un gros boulot. Et pourquoi ? Pour pouvoir mieux servir le maire ou le président… Il faut bien reconnaître que cette logique est un peu gênante.
Cet amendement a été soutenu et amplifié par le gouvernement, y voyez-vous une manœuvre politique pour amadouer des élus locaux en colère ?
Cette explication ne me paraît pas invraisemblable… loin de là !
« Petits arrangements entre amis »
Dans un communiqué de presse, l’association des maires ruraux de France (AMRF) dénonce avec agacement les « étrennes » de ces « grands » élus. « Gouvernement et Parlement, en totale conscience de la violence et de la brutalité de cette mesure hors sol et de l’incompréhension qu’elle provoque tant au niveau des citoyens que de l’immense majorité des élus ruraux, prennent le parti de reconnaître de manière différenciée l’engagement des élus de la République » peut-on lire dans le communiqué rageur de l’association qui estime qu’il s’agit en l’espèce de « petits arrangements entre amis ».
BOISGIBAULT - 12/01/2018 13h:22
Alors que les maigres revenus des retraités sont diminués!
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