Permanences d’élus en mairie : comment les tenir ?

Denis Solignac

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Les permanences d'élus ne sont pas réglementées par les textes. Chaque maire reçoit ses administrés comme il l'entend. Certains habitants expriment lors de ces rencontres des difficultés très personnelles.

Dans un petit bureau de la mairie du 18e arrondissement de Paris, la jeune femme raconte les 16 m2 sans cuisine, où elle vit avec son conjoint et ses deux enfants. Elle détaille l’impossibilité de déménager, en dépit de leurs deux salaires, liste les démarches qu’elle a effectuées, les rendez-vous avec l’assistante sociale, les dossiers refusés au 1 % logement, la demande de DALO… avant de sortir un courrier où elle a décrit en détail sa situation.

Dominique Lamy, adjoint au maire chargé des transports et des déplacements, prend notes, explique le fonctionnement des commissions d’attribution de logement social. « Il est important que les gens qui font une de demande se signalent, détaillent leur situation, précise-t-il. Mais on rappelle aussi qu’ici l’élu préside la commission d’attribution mais ne vote pas. »

Il est bientôt 20 heures ce vendredi-là, et dehors le grand hall de la mairie est vide. Les services sont fermés depuis longtemps mais comme tous les soirs, un élu tient une permanence. « Les différents adjoints se relayent pour assurer cette présence. Dans les faits, cette permanence est devenue presque exclusivement dédiée au logement. Si bien que l’on finit par connaître les problématiques, même si ce n’est pas notre délégation au départ », explique Dominique Lamy.

Une volonté politique

Les maires ne sont pas tenus d’organiser une permanence : cela dépend de la volonté de chacun. En l’absence de textes réglementaires, ces rencontres avec les administrés peuvent prendre des formes variées : permanences sur rendez-vous ou ouvertes ; ou rencontres à la demande. Le maire peut soit recevoir lui-même, soit orienter vers un adjoint ou son collaborateur de cabinet.

Des arbitrages qui dépendent essentiellement d’une volonté politique et de la manière dont chaque élu souhaite afficher sa proximité avec ses administrés. « Ces derniers ont une forte attente de proximité. La facilité ou non qu’ils ont à rencontrer leur maire joue beaucoup sur son image », estime Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91). De fait, les habitants s’adressent prioritairement à la mairie, les permanences organisées par les structures intercommunales étant quasi inexistantes. « Les habitants cherchent un appui. Ils veulent être reçus par un élu, davantage que par un chargé de mission ou un fonctionnaire, parce qu’ils se disent que cela aura plus de poids », remarque Dominique Lamy.

Pour les élus, la permanence est aussi un moyen de faire remonter des informations. « Les permanences sont un moment de rencontre avec la population ; c’est essentiel pour mieux la connaître », insiste Hervé Zantman, élu chargé de la petite enfance à la mairie de Pantin (93).

« Une place en crèche »

Ce jour-là, lors de sa permanence, un homme vient plaider sa cause : il souhaite une place en crèche pour son fils, évoque ses déplacements professionnels fréquents, sa femme en recherche d’emploi… « Comment attribuez-vous les places d’urgence ? Parce que moi j’en ai besoin urgemment », interroge-t-il, avant de plaider : « Je vis à Pantin depuis trente ans et l’une de mes voisines, nouvellement installée, a eu une place à sa première demande ». Hervé Zantman détaille le fonctionnement des commissions d’attribution, donne le nombre de places (28 en juin dernier pour 190 dossiers), etc. « La plupart du temps, les demandeurs n’ont pas conscience du nombre de place, ou on ne leur a pas bien expliqué les mécanismes d’attribution », constate-t-il.

Si la majorité se satisfait de ces éclaircissements, cela n’empêche pas quelques réactions intempestives. « A Pantin, de nouveaux immeubles ont été construits. Certains habitants viennent en mairie en disant : Vous nous avez fait venir, donnez-nous une place en crèche. C’est tout juste s’ils n’ajoutent pas qu’on leur a fait faire des enfants ! s’amuse Hervé Zantman. Mais ces personnes viennent avant tout parce qu’elles ont besoin de parler, d’être écoutées, d’exposer leurs angoisses. Elles nous remercient de les recevoir. »

La violence peut cependant survenir : le maire de Vincennes (94), Laurent Lafon, s’est ainsi fait frapper, il y a un an, par un père de famille auquel il venait d’annoncer l’impossibilité d’inscrire sa fille en crèche…

Face à la souffrance sociale

De fait, les élus, et le maire en premier lieu, sont souvent les seuls interlocuteurs clairement identifiés. « Pour beaucoup, le maire, c’est le dernier recours », constate Martial Passi, maire de Givors (69). Il tient une permanence un après-midi par semaine, accompagné d’un collaborateur (un rédacteur), chargé d’assurer le suivi des démarches engagées.

Durant ces permanences, les problèmes d’emploi, de logements, de papiers constituent les principales demandes. « Dans la majorité des cas, les gens ne veulent pas voir un élu, mais me rencontrer moi. Ils veulent voir le maire, en permanence et dans les permanences. Mes rendez-vous sont pleins deux mois à l’avance. Quand la demande est urgente, je leur propose de voir quelqu’un d’autre plus vite, mais souvent les gens préfèrent attendre trois mois », constate Martial Passi.

L’élu ne peut pas toujours répondre aux attentes. « La permanence fait partie des lieux où la souffrance s’exprime. Mais passer la porte d’un élu, prendre un rendez-vous, c’est être encore dans une dynamique de construction. » Reste que dans son bureau, l’élu se retrouve en première ligne. Une situation parfois difficile. « En discutant avec les différents élus, on voit bien que les ressentis ne sont pas les mêmes pour tous, souligne Martial Passi. L’adjoint à l’urbanisme aura surtout des dossiers techniques. En revanche, recevoir des habitants qui exposent leurs difficultés personnelles et une grande souffrance peut être usant psychiquement. »

Catherine Petillon

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