Dès 2012, le dispositif générera 250 millions, à répartir entre communes et EPCI. Le gouvernement présentera ses arbitrages en septembre 2011devant le Comité des finances locales (CFL). Les associations d'élus veulent, parallèlement, sécuriser les prêts aux collectivités.
«Parce que l'effort doit être partagé par tous les acteurs de la dépense publique, les dotations aux collectivités locales sont, depuis 2011, gelées en valeur, comme l'ensemble des autres dépenses de l'Etat.»
Voilà les élus fixés sur leur participation au plan antidéficit, présenté le 24 août 2011 par le Premier ministre. Sans surprise, François Fillon a confirmé le gel des concours financiers de l'Etat qui se prolongera au moins jusqu'en 2013. Le président de l'Association des régions de France, Alain Rousset (PS), a estimé que «contrairement au gouvernement, les collectivités appliquaient et respectaient déjà la règle d'or budgétaire». Il n'empêche, l'austérité marque cette rentrée budgétaire pour les collectivités.
Dans ce contexte, la mise en place dès 2012 du dispositif de péréquation horizontale tombe à pic. Censé renforcer le mécanisme «vertical» alimenté par l'Etat via la DSU, la DSR et la dotation nationale de péréquation, le fonds de solidarité financière entre les communes et les EPCI devrait contribuer -certes, modestement la première année- à atténuer les écarts de richesse, accentués par la crise.
Un autre sujet marque la rentrée budgétaire. L'évolution des normes prudentielles (Bâle 3) imposée aux banques pourrait avoir, à terme, un effet important sur le volume et sur le coût du crédit aux collectivités territoriales.
Les associations d'élus pressent le gouvernement de réunir au plus tôt un Conseil national des exécutifs sur le sujet. Parallèlement, elles devraient arrêter mi-septembre les conditions de création d'une Agence de financement des collectivités locales destinée à sécuriser et diversifier le financement de leurs projets.
Le prélèvement
L'article 125 de la loi de finances pour 2011 prévoit une contribution au Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC) de toutes les communes et groupements dont le potentiel financier est supérieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen.
A l'instar des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, les élus du CFL ont transmis au gouvernement leurs propositions, arrêtées lors de la séance du 20 juillet, pour alimenter et répartir les sommes du FPIC mis en œuvre à partir de 2012.
Il s'opérerait à partir d'un indicateur de ressources de référence : le «potentiel fiscal intercommunal agrégé» (PFIA). Celui-ci reposerait sur une assiette large comprenant : les potentiels fiscaux agrégés communes et communauté, les dotations forfaitaires des communes, les dotations de compensation, les dotations de péréquation communales (DNP, DSR, DSUCS), la dotation d'intercommunalité et les dotations de garantie : soit un volume de ressources de l'ordre de 73,2 milliards d'euros. Ce PFIA permettrait de calculer les prélèvements de chaque «bloc communal» en fonction de l'écart à la moyenne selon un barème progressif.
«Le CFL propose de fixer le seuil d'éligibilité au prélèvement pour les blocs communaux à 0,80 ou 0,90 du PFIA moyen, ce qui permet de répartir la charge du prélèvement sur un grand nombre de collectivités», indique Gilles Carrez, président du Comité. Selon les simulations de la DGCL, 75% des «blocs communaux» seraient contributeurs.
Le prélèvement serait réparti entre communauté et communes au prorata des apports respectifs de chaque composante du «bloc communal». Selon l'AdCF, «l'introduction de strates démographiques pour le prélèvement devrait être retenue car elle permettrait de ne pas concentrer l'effort de contribution sur les seules grandes zones urbaines».
Concernant la répartition de la charge du prélèvement entre la communauté et les communes, le CFL préconise une répartition au prorata du poids des ressources de chacun dans le PFIA global.
Charles Eric Lemaignen, président délégué de l'AdCF, souhaite que la part revenant aux communautés soit calculée «nette des reversements obligatoires -comme les attributions de compensation- effectués au profit des communes pour éviter une surreprésentation des communautés dans le prélèvement».
Le reversement
Dans le même esprit, l'élu souhaiterait un prélèvement distinct entre l'EPCI et des communes membres pour éviter que le prélèvement de certaines communes riches soit minoré au détriment de celui opéré sur le groupement. La redistribution des ressources du fonds serait réalisée par les communautés. Le CFL propose un reversement sur la base d'un indice synthétique intégrant le potentiel fiscal agrégé, le revenu moyen par habitant et pondéré par l'effort fiscal (plafonné) et la population. Sans accord au sein de l'intercommunalité, au moins 50 % des fonds devront être redistribués aux communes selon la loi.
Le cas de l'Ile-de-France
Paris Métropole, qui rassemble 193 collectivités d'Ile-de-France, a proposé, le 12 juillet, une solidarité financière accrue dans le cadre d'une refonte du Fonds de solidarité de la région (FSRIF).
L'objectif est de passer d'un budget du FSRIF de 185 millions d'euros à 270 millions d'euros en 2015. Un nouvel indicateur de ressources prendrait en compte pour 50 % le potentiel financier de la commune, pour 25% le revenu moyen de ses habitants et pour 25% l'importance de son parc de logements sociaux.
Les élus n'omettent pas la participation des communes d'IDF au FPIC dans un second temps, sans toutefois en préciser les modalités.
Les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat proposent un double prélèvement (et un double reversement) des communes et EPCI d'Ile-de-France à la fois au fonds régional et au fonds national de péréquation.
Le gouvernement dévoilera ses arbitrages fin septembre lors du Comité des finances locales (CFL) précédant la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances pour 2012. Il devrait aussi préciser le dispositif de péréquation horizontale sur la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui s'appliquera l'an prochain aux départements et aux régions.
Financement des collectivités
La révision des normes bancaires dans le cadre des recommandations du Comité de Bâle (Bâle 3) risque de pénaliser les prêts à long terme aux collectivités en durcissant les règles en matière de liquidité bancaire.
La transposition de ces règles dans une directive européenne est en cours.
Dans un communiqué diffusé le 20 juillet, le président (UMP) de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean Bizet, demande au commissaire européen, Michel Barnier, que «la future législation européenne tienne compte des spécificités des collectivités locales, notamment les collectivités locales françaises dont les règles budgétaires apportent des garanties particulières de solvabilité».
Les présidents de l'AMF, de l'ADF et de l'ARF ont proposé au gouvernement de réunir au plus tôt une conférence nationale des exécutifs sur le sujet.
Début août, l'AMF a adressé un questionnaire à destination des élus du bloc communal afin de «mesurer l'ampleur des difficultés rencontrées par les collectivités et donc d'aborder les négociations avec l'Etat et les banques en toute connaissance de cause».
Parallèlement, l'Association d'études pour l'agence de financement des collectivités locales (AEAFCL)* qui vise à sécuriser et diversifier le financement des collectivités, a sélectionné un groupement conseil chargé de rédiger le cahier des charges de cette entité. Ses préconisations seront soumises aux élus pour arbitrage et décision lors d'une assemblée générale, le 14 septembre.
(*) Fondée par l'AMF, l'ADF et l'ARF avec l'ACUF, l'AMGVF, l'AdCF, ainsi que plus de 50 collectivités et l'AFIGESEA noter
En 2011, le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux réparti entre départements a atteint 440M€. En 2012, le dispositif sera étendu à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Il concernera les départements et les régions.
AVIS D'EXPERT
Guy Gilbert,
professeur d'économie au département sciences sociales de l'Ecole normale supérieure de Cachan, professeur des universités
«A court terme, la péréquation horizontale n'atténuera pas les inégalités»
Comment jugez-vous la situation des collectivités ?
Pendant des années, l'Etat a garanti ses dotations aux collectivités en les indexant pour partie sur une fraction de la croissance et l'inflation, ce qui facilitait en partie aux collectivités le respect de la règle d'or budgétaire. Or, depuis 2010, il a gelé ses concours financiers, et ce, au moins jusqu'en 2014. Il s'ensuit une dégradation des recettes locales. Celle-ci est très inégalement ressentie selon la richesse fiscale des territoires et selon leurs charges. Ces disparités ne sont pas nouvelles, mais la crise les accentue.
La réforme de la TP a-t-elle accentué ces inégalités ?
Non, dans un premier temps, puisque la réforme était compensée à l'euro près aux collectivités. Le gouvernement a en quelque sorte anesthésié les communes et les EPCI. Mais l'anesthésie va prendre fin progressivement. La réforme fiscale fige les écarts de richesses. Elle favorise les territoires où il y a de l'emploi et une activité tertiaire et immobilière au détriment des territoires industriels. Surtout, la réforme génère un transfert de la charge fiscale des entreprises vers les ménages. La taxe d'habitation deviendra dans de nombreuses situations la variable d'ajustement des budgets.
"La taxe d'habitation deviendra dans de nombreuses situations la variable d'ajustement des budgets."
La péréquation horizontale atténuera-t-elle les écarts de richesse ?
Les collectivités riches et pauvres seront plus directement face à face. Dans le système antérieur, la redistribution s'opérait de façon moins visible par la modulation des dotations de l'Etat. A court terme, la péréquation horizontale atténuera peu les inégalités. Les sommes en jeu sont insuffisantes et les critères sont fondés sur une conception partiellement erronée de la richesse fiscale. De plus, ils ne sont pas assez fins. Le dispositif envisagé intègre des critères liés à la croissance économique. Or, nous sommes dans une situation économique atone. La péréquation horizontale pourrait se révéler plus efficace à plus long terme, si l'activité économique reprend.
Un article de Xavier Brivet, publié dans "le Courrier des maires et des élus locaux", septembre 2011