Le 65e Congrès de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale, "Vieillir demain : décider notre avenir aujourd'hui", porte sur la "crise" de la prise en charge de la perte d'autonomie et la précarité croissante de la population. Comment les CCAS y font-ils face ? Qu'attendent-ils du gouvernement ? Et de la réorganisation territoriale ? Patrick KANNER, président de l'UNCCAS, répond à nos questions.

"Les départements doivent rester les grandes orientateurs des politiques sociales"
Le Courrierdesmaires.fr : Pourquoi avoir centré les travaux de votre congrès sur le vieillissement ?
— Patrick Kanner. On voit arriver sur le "marché social" des personnes retraitées qui ont mal cotisé au cours de leur carrière, car elles ont connu des périodes de chômage. Nous avions jusqu'alors les retraités des Trente Glorieuses. Je crains que nous ayons désormais les retraités des "Trente Pleureuses", c'est-à-dire des retraités à faible pouvoir d'achat. C'est un élément nouveau, qui était prévisible et dont il faut tenir compte. "Je crains que nous ayons désormais les retraités des Trente Pleureuses." En même temps, bien que la place des retraités dans notre société ne se résume pas à cela, la perte d'autonomie est une réalité qui concerne de plus en plus de gens, directement ou non. Plus on interviendra en amont auprès des 65-75 ans, moins nombreuses seront les personnes âgées dépendantes qui "coûteront" beaucoup plus cher à la société. L'enjeu est considérable.
L'idée d'une loi pour l'autonomie a été abandonnée, il y a un an, par le précédent gouvernement. Comment jugez-vous la situation aujourd'hui ?
— P. Kanner. Le secteur du maintien à domicile, dans lequel nous intervenons, est en crise. Nous connaissons des difficultés financières majeures, notamment depuis le dispositif "Borloo" de suppression des exonérations de charge.
Je ne vous cache pas non plus que l'on souffre de la concurrence des officines à but lucratif qui fleurissent depuis quelques années. Et je ne suis pas certain que, dans ce secteur-là, la concurrence apporte une meilleure réponse sociale.
Par ailleurs, on est aussi touché par la crise des Ehpad [établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes]. Pendant dix ans, les Ehpad ont été la seule solution imaginée par les gestionnaires pour les personnes âgées dépendantes. Mais c'est la plus chère et la plus lourde, alors que la médicalisation n'est pas utile à tous et que les départements, du fait de leurs propres difficultés financières, serrent les boulons.
Il nous faut donc inventer ou revisiter les solutions d'hébergement, les nouvelles solidarités pour offrir une alternative au maintien à domicile et aux Ehpad.
Dans ce domaine, qu'attendez-vous du nouveau gouvernement ?
— P. Kanner. Déjà, nous avons reçu des signes positifs avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2013. L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social va progresser de 4 %, ce qui traduit la prise de conscience des pouvoirs publics que l'austérité ne doit pas s'appliquer à ce secteur.
Deuxième bonne nouvelle, c'est l'idée de créer une Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie. J'ai toujours milité pour que, d'une manière ou d'une autre, les retraités dont les revenus le permettent, contribuent au financement de la prise en charge de la dépendance.
J'ai rencontré Michèle Delaunay, ministre aux Personnes âgées et à l'autonomie, et elle s'est montrée très sensible à l'idée de créer une cinquième branche de Sécurité sociale, que l'Unccas défend.
Dans votre baromètre, les CCAS disent être confrontés à la précarisation de la population. La Conférence contre la pauvreté et pour l'inclusion convoquée en décembre 2012 peut-elle répondre à ce problème ?
— P. Kanner. On prend en pleine figure la massification de la précarité. Je le disais à l'un de vos confrères : "On a l'impression d'être des Shadocks. On pompe, mais l'eau continue à s’infiltrer.". Il y a une sorte de lassitude, d'essoufflement, face à l'importance des besoins et alors que les communes nous demandent de faire attention. "On a l'impression d'être des Shadocks. On pompe, mais l'eau continue à s’infiltrer." A une semaine de notre congrès, nous avons atteint le chiffre de 1.200 adhérents inscrits. Du jamais vu. C'est le signe que nous avons besoin de nous rencontrer, d'espérer ensemble une amélioration de la situation. Et en attendant, nous parvenons encore à jouer notre rôle d'amortisseur social au côté des départements.
Quant à la Conférence contre la pauvreté, je ne sais pas si elle va aboutir à une grande loi de lutte contre les exclusions, mais elle aura au moins l'intérêt de consolider nos connaissances et de sensibiliser sur le sujet.
Qu'attendez-vous du prochain acte de décentralisation ?
— P. Kanner. Qu'il torde le cou à la proposition de loi du sénateur Masson qui vise à rendre facultatifs les CCAS dans les villes de moins de 3.500 habitants, soit 33.700 communes. Cette proposition de loi n'ira pas loin, mais elle montre qu'il y a encore des parlementaires pour penser que le CCAS n'est pas utile, donc, facultatif. Que les pauvres se débrouillent, en somme !"
Ce que j'attends aussi de l'Acte III, c'est que les départements et les régions retrouvent la clause générale de compétence, dans un esprit de liberté qui prévalait en 1982. A partir de là, la notion de chef de file s'imposera. On a bien compris qu'il y aura un bloc Europe-Etat-régions, que j'appellerais un bloc "stratège", et un "bloc de proximité et d’aménagement des territoires" avec les communes, intercommunalités et départements. Ceux-ci doivent rester les grands orientateurs des politiques sociales.
Propos recueillis par Marion Esquerré
Photo : © S. Laure
Le 65e Congrès de l'UNCCAS se déroule les 10 et 11 octobre 2012 à Marseille.